ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 467 - 01/12/2003

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


 Afrique
La double mission de l’Eglise


EGLISE


Les Eglises d’Afrique doivent répondre au Nord — qui leur parle depuis longtemps déjà — et aussi se parler davantage entre elles. Tel est le binôme des résultats des travaux de la 13e assemblée générale du “Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar” (SCEAM), tenue à Dakar du 1er au 12 octobre 2003.

Deux missions prioritaires sont désormais confiées à l’Eglise du continent: «La première est celle de la mission ad intra: l’Afrique doit évangéliser l’Afrique; la deuxième priorité est la mission ad extra: l’Afrique doit évangéliser le monde». Cet extrait du communiqué publié à l’issue de l’assemblée, constitue l’essentiel de l’exhortation délivrée par le cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le 11 octobre, dans la phase finale des travaux, et le large mandat ainsi confié à l’institution dans ses différentes composantes. Un «grand défi», commentera le nouveau président du SCEAM, l’archevêque d’Abuja (capitale du Nigeria), Mgr John Onaiyekan(*).

Mgr Sepe devait réitérer cette double mission le lendemain, dans son homélie à la messe solennelle d’action de grâces: «L’Eglise en Afrique est désormais responsable de la mission en Afrique et dans le monde (…). Je vous incite à la solidarité pastorale». Il a aussi affirmé qu’elle requérait l’existence «d’ouvriers apostoliques bien formés (évêques, prêtres, religieux, religieuses), et surtout des laïcs convaincus qui assument leurs responsabilités socio-politiques, selon les valeurs de l’Evangile», car c’est là que se situe la crise de l’Afrique d’aujourd’hui.

Diagnostic sans complaisance

Le secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, Mgr Robert Sarah, en a fait un diagnostic sans complaisance dès la première journée du symposium. Ce continent, disait-il notamment, est «meurtri par les blessures de la violence endémique et la souffrance de ses fils et filles, victimes de la pauvreté, de l’injustice et des structures économiques et politiques mondiales qui écrasent les efforts de développement des faibles et maintiennent les pauvres dans l’incapacité de refuser les décisions arbitraires des plus forts».

Cependant, cette Afrique, «enrichie de la richesse du Dieu unique révélée en Jésus-Christ», a enrichi «à son tour, cette Eglise de ses valeurs culturelles et religieuses, et du témoignage de sainteté de ses fils et de ses filles». Par là, elle devient un «instrument efficace de communion pastorale et d’appel à la sainteté» et peut prétendre dès lors «à revendiquer le 21e siècle», comme l’y invite une étude de la Banque mondiale.

Déjà, dans son exhortation apostolique “Ecclesia in Africa” de septembre 1995, après le Synode des évêques africains d’avril-mai 1994, le pape Jean Paul II exhortait «le peuple de Dieu en Afrique à se préparer résolument à entrer dans le troisième millénaire». Et il appelait au témoignage des agents d’évangélisation et à la nécessaire promotion de la justice et de la paix sur le continent, avant d’élargir la perspective de témoignage «jusqu’aux extrémités de la terre».

Restructuration

Le nouveau président, Mgr Onaiyekan, a défini ainsi le genre d’organisation que ses pairs souhaitent désormais avoir: un SCEAM

  • qui soit un instrument au service de la collégialité et de la solidarité entre évêques du continent et des îles adjacentes;
  • qui soit efficace dans ses actions en direction des évêques à travers les conférences régionales qui, à leur tour, étendront leurs activités aux conférences nationales;
  • qui s’attaquera à plusieurs tâches urgentes et coordonnera les réactions communes face à des problèmes et des défis que nous ressentons profondément;
  • qui fera tout cela avec une structure bureaucratique allégée, rendant abordables les coûts des actions.

A priori, un tel genre de SCEAM devra appeler peu de changements sur la restructuration de l’institution. Il appartiendra au comité permanent de trouver, avec l’équipe du secrétariat, les solutions concrètes les plus adaptées pour permettre un travail plus performant. Il s’agit de:

  • réorganiser les comités et les départements en vue d’une plus grande efficacité et rentabilité;
  • développer des relations efficaces avec les autres associations continentales d’évêques, les autres dénominations regroupées dans le cadre du “Conseil africain des leaders religieux” (African Council of Religious Leaders – ACRL), l’Union africaine, les organisations internationales de l’ONU et d’autres, avec lesquelles le SCEAM entretient des relations.

Dialogue interreligieux et intercontinental

Sur ce dernier chapitre, Mgr Onaiyekan a révélé la création, il y a trois mois, d’une structure de concertation des religions, le “Conseil des religions en Afrique”, avec pour objet de réfléchir sur les problèmes africains. La co-présidence en est assurée, provisoirement, par lui-même et par le mufti d’Ouganda.

Par ailleurs, une rencontre des évêques d’Afrique et d’Europe a été programmée du 11 au 14 novembre 2004 pour échanger sur tous les champs de collaboration possibles entre les deux institutions, en vue d’options communes sur les principaux événements du monde, dont le globalisation qui a des incidences pastorales certaines.

Dans le contexte actuel d’une Afrique «recherchée par tout le monde pour ses immenses richesses, mais qui ne trouve pas toujours à ses requêtes les réponses adéquates, les amitiés et les solidarités désintéressées», et où»petit à petit, on confie la gestion des pays à des personnes ayant commis des crimes de sang», cette situation «doit inquiéter toute conscience chrétienne et celle des évêques en particulier».

Intentions et réalité

Le pape «compte sur le sens de responsabilité et du service désintéressé des dirigeants africains à restaurer une démocratie réelle et à promouvoir un développement qui respecte toutes les dimensions de la pensée humaine», a dit Mgr Robert Sarah. Mais, selon Mgr Monsengwo Pasinya, archevêque de Kisangani, ce qui «fait cruellement défaut» à tous les plans de développement proposés à l’Afrique (notamment le NEPAD), qui recherchent «la promotion de la prospérité pour tous par un regroupement et une gestion des ressources disponibles», c’est «une qualité d’homme».

C’est le sens de la démarche faite à l’île de Gorée, le 5 octobre, dont l’objet était précisément de «purifier la mémoire de l’Eglise d’Afrique et de promouvoir un tel type d’Africain nouveau», a rappelé le prélat congolais. Ce fut «une célébration pénitentielle de purification de la mémoire et de demande de pardon pour le rôle que l’Afrique a joué dans ce drame inhumain de l’esclavage et de la traite négrière». Ce rite émouvant, entrecoupé d’un chant composé au 19e siècle par un pirate négrier anglais converti, a été suivi d’une concélébration pour signifier que cette démarche doit engager chacun à vivre dans l’effort de construction d’une humanité nouvelle.

A la fin de la messe, le SCEAM a rendu public un message intitulé “Purification de la mémoire pour une humanité nouvelle” (cfr. ANB-BIA, n. 465, p.11). Il invite chaque chrétien africain «à faire personnellement la même démarche, en confessant la part de péché de l’Afrique dans l’ignoble commerce des êtres humains, à se convertir et à travailler activement à l’avènement d’une humanité nouvelle». Puis les évêques «invitent surtout les dirigeants des pays du continent à condamner les nouvelles formes de traite et d’esclavage que sont la prostitution, le tourisme dit sexuel, le commerce des enfants et l’enrôlement des enfants et des adolescents dans les guerres fratricides, et toute forme d’exclusion ethniciste, tribaliste et régionaliste qui mine dangereusement les sociétés africaines».

A la vérité, dira avec pertinence l’un des participants au Symposium de Dakar, cette démarche de purification de la mémoire et de conversion personnelle ne doit-elle pas être l’œuvre de chaque citoyen du monde, pour que l’homme d’aujourd’hui puisse se réconcilier avec son prochain et qu’ensemble, ils puissent bâtir cette humanité nouvelle?


(*) Le nouveau premier vice-président est Mgr F. Silota (Chimoio, Mozambique), et le second vice-président Mgr T.A. Sarr (Dakar, Sénégal).


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2003 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement