ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 467 - 01/12/2003

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 Sierra Leone
La chasse aux criminels de guerre


JUSTICE


Le tribunal des crimes de guerre de l’Onu, connu en Sierra Leone comme
le Tribunal spécial, poursuit toujours sa chasse aux criminels de guerre
pour arrêter et juger «ceux qui portent la plus grande responsabilité
dans les crimes de guerre et contre l’humanité»,
commis pendant les onze années de guerre civile

Plusieurs personnes ont déjà été arrêtées. Cependant, l’ancien président du Liberia, Charles Taylor, a trouvé asile au Nigeria; et Johnny Paul Koroma, l’ex-commandant en chef du Conseil des forces armées (AFRC) qui avait pris le pouvoir en Sierra Leone en 1997, est actuellement en fuite. Sam «Mosquito» Bockarie, ancien commandant des forces du Front révolutionnaire uni (RUF), et le leader du RUF, Foday Sayibana Sankoh, sont morts. Ces décès ont suscité pas mal de discussions en Sierra Leone: beaucoup se demandent si le tribunal spécial sera encore à même de découvrir ce qui s’est réellement passé pendant la guerre civile, puisque ces deux hommes étaient les personnages clefs de la rébellion.

Les principales figures de la rébellion, actuellement entre les mains du tribunal spécial, appartiennent aux trois factions en guerre (sans compter la Force ouest-africaine d’intervention, ECOMOG): les Forces de défense civile (CDF, pro-gouvernementales); les soldats renégats restés loyaux à l’AFRC évincé, qui s’appelaient les «West-Side Boys»; et le mouvement rebelle du RUF.

Quelques «personnalités»

Johnny Paul Koroma est probablement le plus important parmi les personnes recherchées. Ancien major, qui prit le grade de Lt. Col., il est arrivé à la tête du gouvernement et devint commandant en chef de l’AFRC qui occupa brièvement le pouvoir en 1997. Comme mentionné plus haut, il est encore en cavale. Des bruits circulent sur le lieu où il se cacherait. L’enquêteur en chef du tribunal spécial, Alan White, a dit à la presse qu’il était mort, mais le procureur général, David Crane, maintient que Paul Koroma est encore en vie et aurait obtenu asile au Liberia.

Foday Sayibana Sankoh, alias «Papay», fondateur et leader du RUF, est mort le 29 juillet dernier à l’hôpital Choithral de Freetown. Sa santé physique et mentale s’était détériorée considérablement pendant son procès et il avait dû être hospitalisé.

Parmi les personnes en détention on peut signaler: Alex Tamba Brima (31), alias «Gullit», sergent dans l’armée de la Sierra Leone. -– Ibrahim Kamara (35), alias «Bazzi», officier de liaison de l’AFRC, est également un ancien sergent de l’armée sierra-léonaise. Il est accusé d’être un des commandants des troupes qui avaient envahi Freetown le 6 janvier 1999; ses soldats ont tué ou mutilé des milliers de personnes, violé des femmes et incendié une maison sur cinq. -– Santigye Kanu, alias «Five-Five», ex-soldat et membre de l’AFRC, était un des commandants des «West-Side Boys». – Issa Hassan Sesay (32 ans) est devenu le leader du RUF, après l’arrestation de Sankoh. C’est sous son commandement que le RUF a rejoint les rangs de la société civile, après avoir été désarmé. Beaucoup l’ont loué pour ses efforts à mettre fin à la guerre. – Moinina Fofana (53 ans), ex-directeur des opérations des combattants du CDF, est aussi connu sous le nom de «Kamajors». Il a plaidé non coupable à son audition du 1er juillet. -– Allieu Kondowa était le “grand prêtre” du CDF. Avant la bataille, il préparait des charmes et des amulettes pour les combattants. Devant la Cour, il a déclaré qu’il ne pouvait pas dire son âge, parce qu’il est analphabète. Lui aussi a plaidé «non coupable» à sa première audition du 1er juillet.

Les inculpations

Les principaux chefs d’accusation contre les criminels de guerre sont le rapt d’enfants (dont ils ont fait des enfants soldats), ainsi que viols, incendies criminels, tortures, esclavage sexuel, amputations et meurtres de civils, et des attaques contre les troupes des Nations unies.

Le mandat initial du tribunal spécial était de juger trente accusés. Rien n’a été dit d’un nombre dépassant ce chiffre. La principale raison de cette limitation est qu’on veut juger les figures clefs de la guerre civile. Mais il se pourrait aussi que le budget du tribunal soit limité et ne lui permette pas de dépasser ce nombre. Malgré ces contraintes financières, le tribunal poursuit sa chasse aux criminels de guerre. Lors d’une conférence de presse à Freetown, le 18 octobre, David Crane disait: «la liste des accusations n’est pas encore close, nous continuons nos investigations». Les fournisseurs d’armes étrangers, qui ont aidé les différentes factions en guerre, seront aussi inculpés.

Sérieuses contraintes

Le grand public en Sierra Leone a réservé un accueil plutôt mitigé à la façon de procéder du tribunal. Dans un pays où 80% de la population sont analphabètes, toute approche académique pour éclairer le public n’a que peu d’effet. Ensuite, on suspecte le tribunal de se plier surtout aux desiderata des Etats-Unis. De plus, certains sont d’avis que le passé c’est le passé, et qu’il serait mieux d’oublier tout ce qui est arrivé pendant la guerre civile.

Beaucoup sont influencés par la Commission vérité et réconciliation (CVR) de la Sierra Leone et pensent que «les victimes devraient pardonner et oublier». D’autre part, certains observateurs pensent que la CVR et le tribunal spécial ne devraient pas opérer en même temps, car la majorité de la population ignore la différence qui existe entre ces deux organisations.

On peut espérer qu’un jour les Sierra-Léonais apprécieront le travail du tribunal spécial et que cela serve de modèle à d’autres tribunaux de crimes de guerre en Afrique.


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