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Ghana |
JUSTICE
Les Etats-Unis ont utilisé tous les moyens pour convaincre le Ghana
de ratifier l’accord de ne pas poursuivre des soldats américains
devant la Cour pénale internationale.Les relations entre le Ghana et le «Grand frère» ne sont plus les mêmes. Dans les coulisses du pouvoir et parmi les citoyens, il y a eu dernièrement des débats houleux autour des pressions des USA pour que le Ghana ratifie l’accord, déjà signé, de ne pas poursuivre des soldats américains accusés de crimes de guerre. Les USA lui avaient donné jusqu’au 1er novembre 2003 pour ratifier cet Accord bilatéral de non-poursuite (BNSA, Bilateral Non-Surrender Agreement). Faute de quoi, ils auraient supprimé leur assistance militaire. Le Ghana reçoit des USA une aide militaire annuelle d’environ $4 millions.
Selon les termes du BNSA, le gouvernement ghanéen s’engage à ne pas livrer à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye des citoyens américains suspectés ou accusés de crimes de guerre, et à leur accorder l’immunité de cette juridiction.
Les craintes américaines
Les USA ont peur que la CPI ne devienne un forum pour poursuivre des citoyens américains, surtout les militaires déployés à l’étranger, pour motifs politiques. Ils se sont lancés dans une campagne mondiale pour signer des accords bilatéraux d’immunité. Pour cela, ils se basent sur l’art. 98 du traité de Rome, qui a institué la CPI. L’article stipule qu’aucun suspect ne peut être livré à la CPI sans le consentement de son pays d’origine.
Pour renforcer sa position, le Congrès des Etats-Unis a voté en 2001 une loi pour la protection des membres des services américains. Introduisant un «régime de sanctions», elle oblige l’administration américaine à suspendre toute aide, l’aide militaire en particulier, aux pays qui refusent de ratifier cet accord.
Le Ghana a ratifié l’accord, et les USA ont levé leurs sanctions. Mais cela a laissé un arrière-goût désagréable. Les gens parlent de «trahison», et le thème de la souveraineté nationale est au centre des débats. Beaucoup ressentent cet accord comme une capitulation et un affront à la dignité de tous les Ghanéens.
Pourquoi le Ghana a-t-il accepté?
Selon des responsables gouvernementaux, qui expliquent la position officielle, il y avait deux courants. Le premier, soulignait la nécessité de ratifier cet accord à cause de l’intérêt national du pays: vu les relations amicales avec les USA, il était prudent d’accepter l’accord. Le deuxième, rappelait que le Ghana dispose déjà d’une juridiction pour tous les crimes commis sur son sol: toute personne accusée d’un crime compris dans le traité de Rome peut donc être jugée par les tribunaux locaux. Donc, cet accord n’enfreint en aucune manière la souveraineté du pays.
Mais beaucoup de Ghanéens ne suivent pas ce raisonnement. Les députés, tant du parti au pouvoir que de l’opposition, se sentaient «gênés» par cette requête des Américains. Cependant, comme on pouvait s’y attendre, ils ont quand même voté pour l’accord avec 101 voix contre 53. Certains, toutefois, ont protesté avec véhémence disant que cet accord viole la souveraineté du pays et que le pays ne devrait pas s’abaisser pour des «clopinettes».
Beaucoup de Ghanéens pensent qu’il ne fallait pas céder aux exigences américaines, puisqu’elles vont à l’encontre de la loi internationale. Mais il semble bien que la peur de perdre l’aide militaire et les faveurs des USA n’ait eu raison. Avant la ratification, le ministre de la Défense, le Dr Kwame Addo-Kufuor, était optimiste: «Le Ghana a tout à gagner s’il accepte les termes des USA», disait-il.
Cependant, l’opinion dominante est que les Ghanéens se sont vendus à vil prix et qu’ils se sont déshonorés en ratifiant ces «clauses d’immunité». Selon le Dr Baffuor Agyenam-Duah, directeur exécutif associé du Centre pour le développement de la démocratie (un groupe d’experts ghanéens en matière socio-politique), les Etats-Unis ont intimidé le Ghana: «Il est répugnant que le gouvernement américain intimide ainsi des pays petits et faibles pour qu’ils ratifient ce traité d’immunité», dit-il.
Mais n’est-ce pas plutôt une question de savoir où résident les intérêts nationaux?
- Sam Sarpong, Ghana, novembre 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source
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