SOMMAIRE

INTRODUCTION

PARTIE I : LA GUERRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

I.1. Les causes de la guerre

I.1.1. Les causes lointaines

I.1.2. La cause immédiate

I.2. Les acteurs

I.2.1. Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie et ses alliés

I.2.2. La République Démocratique du Congo et ses alliés

 

PARTIE II : LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME A KISANGANI ET SES ENVIRONS

II.1. Les violations des droits de l'Homme sous les autorités du Gouvernement

KABILA

A. Les droits civils et politiques

B. Les droits économiques et sociaux

C. L'utilisation des mineurs dans le conflit armé

D. La protection de la population civile

II.2. Les Droits de l'Homme sous la rébellion

1. Les actes inhumains

2. Les atteintes au droit à la vie

3. Les traitements humiliants et dégradants

4. Les atteintes à l'intégrité physique, psychique et morale

5. La Disparition

6. Le pillage

7. La dégradation de la situation sanitaire, humanitaire et menace à l'égard des agents de la santé

8. Les atteintes au bien-être matériel et social

PARTIE III : L'ATTITUDE DE DIFFERENTES PARTIES AU CONFLIT FACE AUX VIOLATIONS

ET ABUS DES DROITS DE L'HOMME COMMIS

III.1. Les autorités gouvernementales

III.2. Les autorités de la rébellion

PARTIE IV : LES ENJEUX DE LA GUERRE

IV.1. Rapport de forces : progression sur le terrain

IV.2. La population : ses préoccupations et ses attentes

IV.3. Les efforts de la Communauté Internationale : timides et insuffisants

IV.4. L'avenir de la République Démocratique du Congo

CONCLUSION & RECOMMANDATIONS

A N N E X E S

1. Décret-loi Constitutionnel du 27 mai 1998

2. Chronologie des événements à Kisangani

3. Déclaration de guerre de la Rébellion du 02.08.1998.

 

 

LISTE DES ABREVIATIONS

 

 

AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo

ANR : Agence Nationale de Renseignements

B.S.R.S. : Brigade Spéciale de Recherche et de Surveillance

FAC : Forces Armées Congolaises

FAZ : Forces Armées Zaïroises

FEC : Fédération des Entreprises du Congo

HCR-PT : Haut Conseil de la République - Parlement de Transition

OFIDA : Office des Douanes et Accises

OCPT : Office Congolais des Postes et Télécommunications

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ONU : Organisation des Nations Unies

PIR : Police d'Intervention Rapide

SADC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Australe

R.C.D. : Rassemblement Congolais pour la Démocratie

R.D.C. : République Démocratique du Congo

RVA : Régie des Voies Aériennes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

Se défendre contre les attaques des bêtes féroces était la préoccupation principale de l'inventeur de la première arme sur terre. Cet aspect défensif n'en est pas demeuré comme tel à travers les âges. En effet, les différentes transformations et modifications y appliquées ont détourné les utilisateurs de cette noble destination d'antan. De nos jours, d'horribles scènes qui endeuillent et attristent l'humanité sont généralement attribuables à l'usage abusif d'armes : guerres fratricides, représailles, rébellion...Bref, la violence sous ses diverses formes.

C'est ce que vit la République Démocratique du Congo, dans sa partie Est depuis le début des années 1990. Du déferlement des réfugiés Hutu-Rwandais en 1994 à la rébellion d'août 1998, en passant par la guerre dite de " libération " menée par l'AFDL en 1996 et qui a hissé le Président KABILA à la présidence de la R.D.C., que de morts n'a-t-on pas enregistré ! Même les puissances " civilisées " , potentiels gendarmes, qui se livrent à cœur joie à frapper - sinon à déstabiliser- les régimes qualifiés de dictature ne tiennent pas compte du sort des populations innocentes ou même des massacres qui s'en suivent.

MOBUTU et son régime partis, KABILA au pouvoir selon la volonté ou le souhait de ceux qui subjuguent le monde et qui, à tout prix, veulent faire pencher les choses du côté de leurs intérêts, une autre guerre est si vite imposée aux Congolais, au moment où ils s'y attendaient le moins. Apporter des profonds correctifs à la dérive totalitaire de l'actuel homme fort de la R.D.C. semble être la principale motivation de la rébellion. Partie de Goma, elle conquit en un temps record quelques villes et centres stratégiques du pays : Bukavu, Uvira, Beni, Butembo, Bunia, Kisangani... et ambitionne de prendre Kinshasa, la capitale du pays et le siège des institutions.

Kisangani, troisième ville du pays, est le chef-lieu de la Province Orientale, une des onze provinces de la R.D.C., la plus vaste et la plus peuplée. La ville de Kisangani est peuplée d'environ 700.000 habitants d'origines culturelles diverses. Elle est dotée de deux aéroports dont l'un est international (Bangboka) et l'autre servant de base militaire (Plateau Médical). On y trouve aussi un port ouvrant la voie sur Kinshasa, la capitale de la RDC. A partir de Kisangani, on peut atteindre par route l'Ouganda via Bunia, la République Centrafricaine via Bondo et le Soudan via Isiro.

Dans l'histoire politique du pays, Kisangani fut le fief du héros national, Patrice Emery LUMUMBA et la capitale politique de la rébellion muleliste de 1964. Sous le régime Mobutu, elle a été le bastion du Parti-Etat ( le Mouvement Populaire de la Révolution) et où s'est organisée la contre-offensive " foudroyante " contre la rébellion de l'AFDL. En mars 1997, c'est à Kisangani que la rébellion de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre de Laurent-Désiré KABILA avait connu un succès populaire inimaginable et qui l'a encouragée à poursuivre sa lutte jusqu'à la prise effective du pouvoir à Kinshasa.

C'est en fait dans cet espace géographique que LOTUS a mené ses investigations qui accouche de ce rapport. Celui-ci traite de violations y commises, notamment du 04 août 1998, (date marquant la première tentative de la prise de Kisangani par les éléments des FAC favorables à la rébellion) au 23 août 1998 (l'entrée effective des forces rebelles à Kisangani), et du 23 août au 15 octobre 1998 (limite de l'observation périodique). Deux aspects significatifs " fenêtre-miroir " sous-tendent cette rédaction. A travers la fenêtre, le monde extérieur s'apercevra sans doute de la situation tragique de Kisangani et pourquoi pas s'engager, chacun en ce qui le concerne, pour que cesse une fois pour toutes de situations similaires dans le monde. Par contre, le miroir permettra aux commissionnaires et faiseurs de la guerre de contempler leurs œuvres et de se plonger dans la méditation, ne serait-ce que pour l'universalité des valeurs humaines.

Hormis l'introduction, les conclusion et recommandations, ce rapport est divisé en quatre grandes parties. La première partie porte essentiellement sur quelques éléments de compréhension de la nouvelle guerre en RDC. Les violations des Droits de l'Homme aussi bien avant qu'après la prise de la ville de Kisangani sont analysées dans la deuxième partie. La troisième partie porte sur les attitudes de différentes parties en conflit face aux violations et abus des Droits de l'Homme. La dernière partie lance quelques hypothèses, soutenues des libres analyses sur l'avenir de la RDC.

PARTIE I : LA GUERRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Le 02 août 1998, au grand étonnement de tous, les stations des radios étrangères annoncent la mutinerie des éléments de la 10è Brigade basée à Goma. Ce jour-là, au cours d'un rassemblement de tous les 21 bataillons composant cette brigade, le Commandant de brigade annonce la rupture avec le régime de Kinshasa et, de ce fait, décide de combattre ce dernier jusqu'à son renversement. Comment en est-on arrivé jusque-là ? Qui aurait pu tirer les ficelles ? Les lignes qui suivent permettront d'éclairer quelque peu les lanternes de nos lecteurs

I.1 LES CAUSES DE LA GUERRE

I.1.1. LES CAUSES LOINTAINES

a. Le mécontentement des anciens alliés de L.D. KABILA

Sans vouloir se plonger dans l'histoire événementielle, il convient tout de même de rappeler que les grands alliés de KABILA, tout au long de sa guerre de Libération restent l'Ouganda et le Rwanda. Le souci de vouloir sécuriser non seulement leurs régimes mais aussi leurs frontières justifie ce soutien. Ils se sont malheureusement très tôt trouvés à la case du départ.

Alors qu'au début des hostilités de 1996, les éléments des armées ougandaises et rwandaises avaient constitué le fer de lance des troupes de KABILA, ils furent jugés embarrassants par le nouveau pouvoir de Kinshasa, une fois la victoire obtenue. Certains hauts cadres de l'armée considérés comme des " coopérants militaires " se voient éjectés du cercle décisionnel étatique.

Entre-temps les menaces que la coalition ougando-rwandaise avait cru éloigner de ses frontières refont surface : des maquis s'installent -profitant de l'absence presque totale du contrôle du régime de Kinshasa- et se servent du territoire de la R.D.C comme bases-arrières. C'est le cas de l'Alliance of Democratic Forces et les ex-Forces Armées Rwandaises.

b. De dures conditions d'existence imposées à certains partisans du défunt régime de MOBUTU

Non seulement le régime Mobutu a instauré l'anarchie mais aussi il a mis en place, de façon consciente et volontaire, la loi de la jungle par l'accumulation effrénée des richesses au profit d'un individu et d'une cour de dignitaires, relais des monopoles économiques et des lobbies occultes, tous constituant une sorte de bourgeoisie d'Etat abâtardie. Habitués à la magnanimité présidentielle et à la loi du moindre effort en puisant dans les caisses de l'Etat et en entretenant de nombreux partisans et fanatiques, ces dignitaires sont tombés en disgrâce sous KABILA : certains biens mal acquis récupérés, postes juteux perdus, réserves en banques sensiblement secouées...

Leurs partisans, habitués eux aussi à la loi du moindre effort, se retrouvent démunis et sans issue. La situation des exilés ne semble pas non plus enviable pour la plupart. L'exil n'est pas tout aussi payant dans la mesure où beaucoup de gouvernements ne souhaitent pas tout de suite voir leurs rapports avec le pouvoir de Kinshasa se détériorer. Il y a de quoi devenir des nostalgiques du bon vieux temps. Dans ces conditions, leur appui à toute initiative de nature à déstabiliser le régime KABILA est certain.

c. Difficile apprivoisement du régime KABILA par la grande sphère internationale

Les sociétés multinationales qui s'étaient empressées de signer les contrats d'exploitation de matières précieuses avec KABILA, chef rebelle à l'époque, s'attendaient à de privilèges sur le territoire congolais. La remise en cause de tous ces contrats et la rigueur de la loi leur soumise par le Ministère des Mines du Gouvernement KABILA désenchantèrent ces sociétés, aussi bien leurs Etats respectifs.

Aussi, les visites effectuées par KABILA depuis sa prise du pouvoir, notamment en Chine, au Cuba, en Lybie, en Namibie, en Afrique du Sud... ne suffisent-elles pas pour comprendre sa démarche et sa profonde conviction pour la résolution des problèmes économiques et sociaux que connaît son pays ?

Des qualificatifs peu appréciables ce temps-ci (communiste, africaniste, nationaliste...) lui sont collés par ces détracteurs, pour qui seuls les capitaux occidentaux restent la voie obligée pour le décollage des pays du Tiers-Monde.

Son absence remarquable au Sommet de la Francophonie à Hanoi, son refus de recevoir l'émissaire américain Jesse Jackson, ses tergiversations à prêter forte collaboration aux missions d'enquête de l'ONU sur les allégations de massacre des réfugiés Hutu-Rwandais sur le territoire congolais, ses réserves à survoler les capitales occidentales à la recherche des capitaux souvent présentés comme solution idéale au décollage économique du Tiers-Monde, autant d'éléments à son passif sur le plan international.

d. La non convocation d'une table ronde politique après la victoire militaire de l'AFDL

En huit ans de transition, beaucoup de concertations politiques (accords politiques de Palais de Marbre I et II, Conférence Nationale Souveraine, Conclave politique et concertations politiques de Palais du Peuple) ont permis de créer une nouvelle race des politiciens -girouettes, opportunistes et carriéristes- rencontrée généralement à Kinshasa. Leur souci permanent consiste en l'occupation des postes (ministériels ou non) non pour l'intérêt général, mais pour assouvir leur soif politique et se positionner socialement. Ces politiciens s'attendaient, à la prise du pouvoir par KABILA, à profiter sans doute de l'aubaine. Ils n'ont pas tardé à réaliser que les choses évoluaient autrement : la non réhabilitation du dernier Parlement éléphantesque de Mobutu (HCR-PT), l'importance accordée à la diaspora congolaise pour la gestion des dossiers du pays, la mise en place d'un gouvernement composé d'un nombre restreint de ministres. Tout cela permet de comprendre leur embarras et leur!

s discours vis-à-vis de KABILA.

I.1.2. LA CAUSE IMMEDIATE

Il y a lieu de comprendre, partant de tout ce qui précède, que des tensions latentes s'observaient ça et là tant au niveau interne qu'externe. Il suffisait alors d'un peu de poudre pour voir le pays s'embraser.

Réagissant à toutes les plaintes lui parvenues sur les abus des coopérants militaires venus lui porter secours - après vérification certes pendant un temps relativement long - et dans le but de se tailler une cote appréciable de popularité, le Président KABILA prit la décision de rapatrier tous les militaires étrangers se trouvant en République Démocratique du Congo, sans en préciser les véritables raisons. Cette décision fut annoncée et lue à la télévision nationale dans la nuit du 24 au 25 juillet 1998.

Si la population -qui en avait déjà ras-le-bol de cette présence militaire qui s'excellait dans les abus, occupait d'importants postes de commandement et bénéficiait de beaucoup d'avantages- l'avait favorablement accueillie, il n'en en fut pas le cas pour les concernés qui la ressentit douloureusement. Aussi bien à Kisangani qu'à Kinshasa, leur désarmement ne s'effectua pas sans heurts.

C'est dans cette ambiance de retour forcé pour les uns et de fierté nationale pour les autres qu'une mutinerie se déclenche à Goma le 02 août 1998.

I.2. LES ACTEURS

La maladie de Mobutu et la chute certaine de son régime ont permis de remettre sur le plan international le dossier de succession et l'hégémonie de certaines puissances dans la République Démocratique du Congo. Décidément, la balance tourna en faveur des protecteurs anglophones de la sous-région des Grands Lacs, par le biais de leurs relais.

Ce malgré, le sifflet final n'avait-il pas retenti et ce dossier définitivement clos que KABILA, quoique promu, ne tarda à leur tourner casaque au profit de l'Afrique Australe jusqu'à contribuer à la création de la SADC ( Communauté Economique des Etats de l'Afrique Australe).

Si ce bond significatif et décisif allait logiquement éloigner KABILA de ses vieux parrains, ne présageait-il pas de lueurs de solidarité ailleurs ?

I.2.1. Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) et ses Alliés

Le R.C.D. est une structure d'action politico-militaire mise en place en août 1998 visant le démantèlement du régime KABILA et l'établissement d'un régime démocratique fondé sur la légitimité réellement populaire. L'option de la guerre est pour lui la seule susceptible de mettre fin au régime KABILA. Sa manifestation quelques jours après le début des hostilités (12.08.98) lui attribue-t-il la paternité de la rébellion ou alors témoigne-t-elle une sorte de transplantation qui ferait bicéphale la rébellion avec des chefs politiques d'une part et militaires de l'autre ; surtout que ce sont ces derniers qui avaient souhaité voir les politiciens se concerter pour décider de l'orientation politique du pays.

La déclaration politique du RCD et le communiqué du déclenchement de la deuxième guerre de libération appelée rectification se recoupent au niveau du diagnostic du régime KABILA (tribalisme, exclusion, mauvaise affectation de fonds publics).

Il est hasardeux de pouvoir dire avec beaucoup plus de précisions les alliés des parties en conflit sans avoir entendu leur déclaration expresse. Cependant, à rapprocher la décision de rapatriement des militaires étrangers du territoire congolais de la résistance y opposée par les concernés, du déclenchement de la rébellion à Goma, une ville si stratégique et de l'ouverture du front ouest (Kitona, au delà de 2.000 kms de Goma) qui nécessitait le déploiement des troupes aéroportées, l'on est en droit de penser à des soutiens extérieurs. Le Rwanda et l'Ouganda figurent parmi les têtes d'affiche dans la mesure où le premier reconnaît soutenir " moralement et politiquement " la rébellion, tandis que le second, par le biais du Président MUSEVENI devant son Parlement, reconnaît la présence militaire défensive ougandaise en territoire congolais.

I.2.2. La République Démocratique du Congo et ses Alliés

C'est souvent par les armes que les gouvernements légaux réagissent sur leurs territoires soit pour stopper l'avancée des rebelles, soit pour les étouffer. Le gouvernement de la RDC, ne pouvant rester indifférent à l'attaque subie, mobilise ses troupes dans les différents fronts. Dans sa tentative de reconquérir les espaces perdus, il est officiellement soutenu par l'Angola, la Namibie, le Zimbabwe et le Tchad. Si des menaces sécuritaires frontalières justifient l'intervention énergique de l'Angola, il n'en est pas de même pour les autres qui volent au secours d'un gouvernement frère et ami en danger et qui digèrent très mal la déstabilisation cette fois-ci d'un régime qui jouit jusque-là d'une popularité remarquable.

 

 

 

PARTIE II: LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME A KISANGANI ET SES

ENVIRONS

II.1. LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME SOUS LES AUTORITES DU GOUVERNEMENT

KABILA

La République Démocratique du Congo est partie au Pacte International relatif aux Droits civils et politiques, au Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la Convention relative aux Droits de l'Enfant et aux quatre Conventions de Genève de 1949 qui protègent les victimes des conflits armés et les populations civiles.

L'observation quotidienne des faits révèle que non seulement le Gouvernement de la RDC ne fournit pas assez d'efforts pour promouvoir ces droits, mais aussi il favorise d'une manière ou d'une autre les violations de ces droits.

Depuis le déclenchement des affrontements qui ont eu lieu à Kisangani du 04 au 06 août 1998 jusqu'à la prise de la ville le 23 août, les violations ci-après ont été commises par les forces gouvernementales du régime KABILA :

A. En ce qui concerne les Droits civils et politiques

* Les atteintes au droit à la vie : exécutions sommaires

- M. Faustin IBANDA, étudiant en dernière année d'études à l'Institut facultaire agronomique de Yangambi et agent de la Compagnie d'Aviation SUNAIR, a été abattu le 05 août 1998, par les éléments des Forces Armées Congolaises, dans son habitation située à l'Immeuble SEDEC dans la commune de la Makiso, pour sa morphologie apparentée aux Tutsi alors que la victime était de la tribu Hema de l'Ituri.

- Il y a des allégations des exécutions sommaires des militaires Tutsi rwandais et congolais (Banyamulenge) capturés lors des affrontements du 04 au 06 août, des militaires congolais (de l'Unité de Prévoté Militaire) soupçonnés d'être en complicité avec les rwandais et des civils rwandais. Ils auraient été exécutés à l'Aéroport International de Bangboka, au dépôt de la Société Pétrolière Congo-SEP situé à peu près 7 Kms du centre ville sur la route de Yangambi et vers la piste de l'Aéroport militaire du Plateau Médical ; certaines de ces présumées victimes auraient été enterrées dans de fosses communes près de la morgue de l'Hôpital général de Kisangani (environ 53 personnes), d'autres aux environs du Bac de la rivière Lindi à 15 Kms du centre ville (à peu près 19 personnes) et enfin d'autres auraient été jetées au fleuve Congo près du dépôt de la Société Congo-SEP.

* Les atteintes aux droits à l'intégrité physique et psychique, de ne pas être soumis à la torture et de ne pas être soumis aux conditions inhumaines.

Il suffisait, à cette période, d'être pointé comme rwandais ou complice de rwandais pour être appréhendé et subir toutes sortes de mauvais traitements. C'est dans ce cadre que Mme EYANGA, habitant la 5è avenue n°18 dans la commune Tshopo, avait été arrêtée pour avoir caché deux rwandais. Elle fut fouettée par les éléments de la Police et acheminée à l'Etat-Major où elle fut relâchée après 48 heures.

Plusieurs personnes identifiées comme sujets rwandais arrêtées se trouvaient dans des conditions inhumaines dans les cachots de l'Etat-Major et de la B.S.R.S. (Brigade de Surveillance, de Recherche et de Sécurité) dans la commune de Mangobo.

* Cas d'arrestation arbitraire

- M. NGWASI Dieudonné, Directeur provincial adjoint de la Direction Générale de Migrations/Province orientale, avait été arrêté le 11 août 1998 par les éléments de la Police, à l'Hôtel Zongia où il logeait. Il a été détenu d'abord à la Police d'Intervention Rapide (ancien bureau de la Garde Civile), puis transféré au Bureau II de l'Etat-Major. On l'a soupçonné d'être en relation avec la rébellion du fait que son cousin, M. Joseph MUDUMBI, est de la Direction Politique de la rébellion à Goma. Il a été libéré la veille de l'entrée des troupes des rebelles à Kisangani (soit le 22 août 98).

- M. Jacques MANGA, 19 ans, élève au Complexe Scolaire de l'Université de Kisangani, domicilié au n°37 de la 1ère avenue Tshopo, a été arrêté le 18 août 1998 par les éléments de la milice Maï-Maï opérant aux côtés de troupes gouvernementales au motif qu'il était rwandais alors qu'il était congolais. La victime a passé 26 heures, détenue dans une chambre à l'ancien Orphelinat, devenu Centre de Rééducation où logeaient les Maï-Maï. Sa vie a été en danger car à ce moment là, la milice Maï-Maï avait été armée par les forces gouvernementales

- M. SHAKIRA, Substitut du Procureur Général, avait été interpellé et gardé pendant plusieurs heures à l'Agence Nationale de Renseignement (ANR) au motif qu'il était rwandais alors que l'intéressé est congolais de la province du Sud-Kivu.

* Les atteintes au droit de propriété

Plusieurs phonies et autres appareils de communication des particuliers et des personnes morales ont été confisqués par les services de sécurité. De même que les véhicules privés comme ceux des sociétés ont été réquisitionnés sans respect de la procédure.

M. Faustin KINZONZOLI, Secrétaire exécutif de l'ONG APILAF (Association pour la Promotion des Initiatives Locales en Afrique Forestière) s'est vu ravir sa moto de type YAMAHA sport, par les forces gouvernementales la veille de l'entrée des troupes rebelles dans la ville.

* Menace contre les Associations de Défense des droits de l'Homme

En date du 12 août 1998, le Bureau du Groupe LOTUS a été visité par la Police d'Intervention Rapide qui le soupçonnait de disposer des appareils de communication avec lesquels il transmettait les nouvelles à l'étranger. Un ordre verbal lui fut donné pour suspendre ses activités.

* Les atteintes au droit à un procès équitable

Le commandant de la 25è Brigade de Kisangani, M. LISASI ainsi qu'une trentaine de soldats des forces gouvernementales accusés de trahison, avaient été arrêtés, ligotés et transférés à Kinshasa sans être entendus par les autorités judiciaires compétentes.

* De cas de disparition

M. CHIASHA, ancien agent de Service de Renseignement, originaire de la province du Sud-Kivu, marié à une rwandaise Tutsi et son fils Papy, élève en 4ème année secondaire ; M. HEMEDI, agent à l'Office de Douanes et Accises (OFIDA), se réclamant de la tribu Hema de l'Ituri au Congo, arrêté à son domicile le 11 août 1998 par les éléments de la police ; M. BEDEL, non autrement identifié, Tutsi rwandais, étudiant en 3ème Graduat à la Faculté de Médecine, arrêté par les éléments de la Milice Maï-Maï sur la cité universitaire au Home Complexe Elungu, Bloc B n°44 avec son ami BIENVENU, non autrement identifié, étudiant en 1ère année Graduat à l'Institut facultaire Agronomique de Yangambi, sujet Tutsi rwandais ; M. RUTARAMERA BIGEGA, agent à la Société Nationale d'Electricité/Kisangani, considéré comme rwandais, arrêté par les éléments de la Police dans son domicile.

Toutes ces personnes sont restées introuvables jusqu'à ce jour. Toutes les recherches menées dans les différentes maisons d'arrêt demeurent sans résultat.

B. En ce qui concerne les Droits Economiques et Sociaux

* Dégradation de la situation socio-économique de la population

Depuis le déclenchement des hostilités jusqu'au 23 août 1998, les autorités aussi bien gouvernementales que provinciales n'avaient pas réussi à assurer à la population de la ville de Kisangani l'apurement des arriérés des salaires (de 11 mois) et l'approvisionnement en denrées alimentaires de base telles que la viande et le haricot qui venaient de Goma et Bunia sous contrôle des rebelles. A ce moment, on notait déjà une inflation due aux sorties de fonds importants pour le paiement des soldats.

* Des entraves au droit à l'Education

L'insécurité qui a régné dans la ville pendant et après les affrontements du 04 au 06 août 1998 a abouti à la suspension des enseignements aux Instituts Supérieurs de la place (Institut Supérieur des Techniques Médicales , Institut Supérieur Pédagogique et Institut Supérieur de Commerce) et à l'Institut Facultaire Agronomique de Yangambi.

C. En ce qui concerne l'utilisation des mineurs dans le conflit armé

Les enfants de moins de quinze ans, appelés communément " Maï-Maï ", qui se trouvaient à l'ancien orphelinat/Mangobo et ceux du Site H de l'Hôpital Général en construction furent armés et certains d'entre eux furent envoyés aux fronts (sur la route Ituri comme sur la route Lubutu).

D. En ce qui concerne la protection de la population civile

Ces quelques affrontements qui ont eu lieu dans certains endroits de la ville (rond-point du Canon, Etat-Major, certains quartiers de Kabondo et au centre ville) ont fait des victimes civiles, innocentes qui ont été abandonnées à leur triste sort dans les hôpitaux. Les cas recensés sont les suivants :

* Mme MOZA, 27 ans, habitant la 11ème avenue n° 20 dans la commune de Kabondo, a reçu une balle perdue qui a causé des plaies au niveau thoracique et à l'avant-bras gauche. Elle a été sauvée aux Cliniques Universitaires de Kisangani.

* MWEMBO, 12 ans, habitant l'avenue du 30 octobre n° 40 dans la commune de la Makiso, a reçu une balle tirée par un militaire sur sa direction. Cette balle a causé des plaies abdominales pénétrantes. Il a été sauvé aux Cliniques Universitaires de Kisangani.

* Mme HONORINE MAUWA, dans la soixantaine, habitant la 12ème avenue n° 6 dans la commune de Kabondo, a reçu une balle lui tirée par un militaire et qui lui a causé une fracture ouverte communitive de deux jambes. Elle a été admise aux Cliniques Universitaires où elle est décédée le 10 août 1998.

Enfin, dans ce climat d'insécurité qui a régné du 04 au 06 août caractérisé d'une part par des affrontements entre soldats Tutsi et Congolais, et d'autre part par la recherche des soldats rwandais cachés dans la ville, M. MBOMBO MUJENE, 51 ans, Inspecteur à l'Office Congolais des Postes et Télécommunications, a été assassiné le 06 août 1998, par un homme armé, sorti de la parcelle voisine habitée par les Tutsi civils et militaires, la nuit vers 21 heures. Selon les témoignages des enfants de la victime, l'assassin serait de morphologie nilotique, avec des traits de ressemblance à leur voisin du nom de CATABLOS, responsable local de la compagnie aérienne SUNAIR.

II.2. LES DROITS DE L'HOMME SOUS LA REBELLION

Dans le but de protéger la personne humaine en temps des conflits, des efforts ont été déployés dans divers sens pour la mise sur pied des textes internationaux. De là sont nées les quatre conventions de 1949, dites conventions de Genève. Celles-ci traitent de l'amélioration du sort des blessés et des malades des forces armées en campagne, de l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, du traitement des prisonniers de guerre et de la protection des personnes civiles en temps de guerre.

Toutefois, la rigueur de l'analyse appliquée à ces 4 conventions révèle une certaine insuffisance sur l'étendue de la protection de la personne humaine, comblée heureusement par les protocoles de 1977, relatifs aux conflits internationaux et non internationaux. Ces derniers interdisent les actes inhumains, les atteintes à la vie, à la santé et au bien-être physique ou moral, les punitions collectives, la prise d'otages, le terrorisme, les traitements humiliants et dégradants, le pillage... Bref, la population civile doit jouir d'une protection générale contre les effets des hostilités. Pour ne pas donner des brèches à des mouvements d'insurrection ou de rébellion -et se soustraire ainsi de la vigilance de la communauté internationale- la R.D.C , quoiqu'ayant ratifié les 4 conventions de Genève, ne l'a pas encore fait pour le deuxième protocole additionnel relatif aux conflits non internationaux.

Néanmoins, il demeure vrai que l'article 3 commun à toutes les 4 conventions pose l'obligation d'un minimum de garanties reconnues comme essentielles et dont l'applicabilité est automatique en cas de conflit armé interne.

Les cas suivants, relevés à Kisangani et vérifiés, permettent de jauger le niveau de respectabilité et de protection des droits humains par les nouvelles autorités depuis le 23 août 1998, date de leur entrée.

II.2.1. Les actes inhumains

Pour des raisons difficiles à élucider, beaucoup d'actes inhumains ont été posés par les éléments armés.

* Occupation des immeubles suivie de destruction des biens

Des écoles ont été transformées en camps militaires. C'est le cas des écoles primaires TUFUATE et LISANGA, du réseau protestant, situées sur la 18ème avenue Tshopo. Tout au long de leur occupation, les bancs, tables et portes ont été transformés en bois de chauffage, les salles de classe en dépôts des matières fécales.

Les maisons des particuliers n'ont pas été épargnées. Celles se trouvant aux alentours de l'aéroport militaire et du Guest-House, notamment les maisons du Directeur de la Régie des Voies Aériennes (RVA), du Sous-Directeur de la RVA, du Divisionnaire de la METEO, du Percepteur Principal des Postes et Télécoms (OCPT) et de M. NGOY, agent à l'OCPT, ont été occupées et des mobiliers partiellement détruits.

* Soumission aux travaux forcés et mise en résidence surveillée

Trésor SELEGO, 15 ans, élève, résidant sur avenue Kinshasa n° 40 a été appréhendé le 25.09.98. devant la résidence de l'ex-général LIKULIA et obligé de laver les tenues militaires.

M. Raymond MOKENI EKOPI KANE, opérateur économique de Kisangani et Président de la Fédération des Entreprises du Congo (Patronat) a été mis sous résidence surveillée du 12 au 21.09.98. Les soupçons de détention d'une valise satellitaire pesaient sur lui. Après fouille systématique de sa résidence Arcadia , ses appareils de communication (téléphone et fax) ont été emportés. On lui aurait reproché d'avoir fourni de fonds aux forces gouvernementales et d'avoir repoussé l'offre de la rébellion d'occuper le poste de Gouverneur de Province. De même M. Georges YANGALA, Directeur des Etablissements BELECT, a lui aussi été mis en résidence surveillée, autant que son chef, M. MOKENI et son appareil de communication COMCELL ravi.

* Incursion avec violence dans les maisons des particuliers et établissement public

Dans la nuit du 25 au 26.08.98, des éléments armés ont pénétré de force dans la maison de M. MASUDIN sur la 3ème avenue bis n° 78 dans la commune de la Tshopo, les recettes du Bar et de l'Hôtel non encore comptées, ainsi que l'argent destinée à la paie des militaires de Buta ont été emportés. Un militaire, agent payeur de Buta, y avait logé avant de s'enfuir.

MM. TANZA et GARRY, 2 sujets Ouest-africains, habitant sur la 1ère avenue n° 24 dans la commune de la Tshopo ont été visités par 2 éléments armés le 26.08.98. 95.000.000 de Nouveaux Zaïres ont été emportés.

MM. YAHYA et MUHEMEDI, sujets Gambiens, résidant sur la 8è avenue n°3 dans la commune de la Tshopo, ont été victimes de pareils actes dans la nuit du 20 au 21 septembre 98. Les assaillants ont réussi à emporter un poste téléviseur en couleur 14 '' de marque Sony.

Le 22.09.98, trois militaires cassent le garage de la Faculté des Sciences de l'Université de Kisangani et s'emparent d'un véhicule Land-Rover. Celui-ci fut récupéré quelques jours après, sérieusement endommagé.

Fin septembre 98, les soldats de la rébellion font irruption dans le Couvent des prêtres à Simi-simi et extorquent au Curé de la Paroisse une somme de 10 millions de nouveaux zaïres (soit 50 $ US) et au Père MARTIN KONINGS, une somme de 800 $US et de 150 millions de nouveaux zaïres ( soit 600 $US) destinée à la paie des agents du Centre des personnes handicapées, SIMAMA.

* Désaffectation des salaires de certains agents de l'Etat

L'Agence Nationale de Renseignement (ANR) aurait perdu six milliards de nouveaux zaïres retirés de guichets de la Société BELTEXCO destinés à la paie de son personnel actif et 200.000.000 de nouveaux zaïres, salaires de retraités.

II.2.2. Les atteintes au droit à la vie

Des morts parmi lesquels les civils et militaires ont été enregistrés.

* En réaction au soulèvement populaire du 26.08.1998 dû à la tentative de saisie de la Jeep SUZUKI VITARA des Prêtres du Sacré Cœur/Tshopo, soulèvement qui aurait coûté la vie à 5 militaires, une opération de représaille est menée par les militaires dans les communes de Tshopo, Mangobo et Kabondo. Jeunes et adultes furent froidement abattus :

- A la Tshopo : M. Georges ADEMBO, infirmier au Service Ophtalmologique de l'Hôpital de la CNCA, domicilié sur la 14è Avenue n°95, est mort le 26.08.98 d'une balle lui tirée en plein visage par les militaires, aux environs de 17 heures sur la 15ème avenue.

- A Mangobo : Faustin LOKWA ALIFE et Cédric BADJOKO BOBO, domiciliés au Quartier Basoko n°106 sont froidement abattus devant leur domicile, le 27.08.98 vers 9 heures du matin.

- A Kabondo : du 26 au 30.08.98, sont tombées sous les balles de militaires, les personnes suivantes :

* MULAMBA, père de 3 enfants, domicilié sur la 19è avenue n°17

* SELEMANI, 15 ans, domicilié sur la 16è avenue bis n°95

* Mlle Jeanne (non autrement identifiée) tuée sur la 14è avenue bis n°40 chez sa tante, mais elle résidait sur la 5è Transversale n°85

* ASSANI, facturier à la Société MIMCO et étudiant en 3è Graduat Mathématiques à l'Institut Supérieur Pédagogique-Libre de Kisangani

* MOMBESA, alias BOURRAY, Coiffeur de profession, domicilié sur la 10è avenue bis n°106/derrière ex-Bar La Cueillette, tué sur la 4è Transversale en face du Foyer Social de Kabondo.

* M. Pierrot MANYONGA MATANDA, 26 ans, résidant sur la 1ère avenue n°27/ Tshopo , a été abattu par les militaires le 28.09.98 vers 5 heures du matin. Il était recherché quelques jours avant.

* Pour soupçon de détention d'armes de guerre, un bandit non autrement identifié, mais faisant partie de la famille de Papa BOOLA, sentinelle à la Paroisse St Sacrement, est égorgé par des militaires en septembre 1998 à Lubunga. Au courant de ce même mois et dans cette même commune (Lubunga), un ancien militaire des Forces Armées Congolaises (non autrement identifié) fut égorgé. Il avait été surpris avec une arme de guerre qui lui aurait servi de poser d'ignobles actes.

II.2.3. Les traitements humiliants et dégradants

* M. Jean-Paul KABIONA, militaire des Forces Armées Congolaises/aile gouvernementale, a été arrêté quelques jours après la chute de Kisangani et détenu au cachot " Mabuso " de l'Etat-Major/Kisangani. Le refus de servir dans la nouvelle armée est placé à sa charge. Tout au long de sa détention, 60 coups de fouet lui étaient infligés quotidiennement.

* Dans ce même cachot, deux personnes soupçonnées " voleurs " y étaient incarcérées dans des conditions pénibles. Soumises à d'intenses tortures, l'une d'elles rendit l'âme au courant du mois de septembre.

* Mme l'épouse du Directeur Adjoint de l'Agence Nationale de Renseignement, Emmanuel SANZUNGUIMO, a été arrêtée le samedi 26.09.98 au cachot de l'Etat-Major de Kisangani, avec dans ses bras, un bébé d'un an et demi. Il lui était reproché la détention d'un appareil téléphonique portatif et des ustensiles de cuisine de l'Agence. Elle aurait échappé au viol. Elle fut libérée le jour suivant.

II.2.4. Les atteintes à l'intégrité physique, psychique et morale

* Dans la nuit du 11 au 12.09.98 aux environs de 3 heures du matin, Mlle Rita ASSUMANI, mère de 3 enfants, a été sérieusement menacée par 3 hommes en uniforme qui ont réussi à escalader la clôture de sa maison sise sur la 8è avenue bis n°50 dans la commune de la Tshopo. Trois millions de nouveaux zaïres lui ont été arrachés.

* Soupçonné d'être le chef de fil d'un groupe de personnes détentrices d'armes de guerre pour une éventuelle opération militaire au quartier Plateau Boyoma, M. SELEGO CHALANDA, étudiant, résidant sur avenue Kinshasa n°40 dans la commune Makiso, a subi des menaces de la part des militaires deux jours durant (les 28 et 29.09.98).

* M. David MONDELE, 28 ans, marié et père de 2 enfants, a reçu deux balles au niveau du biceps (bras droit), dans la nuit du 26 au 27.08.98 vers 23 heures dans sa maison située sur la 9ème avenue n°10 dans la commune de la Tshopo.

* Dans la nuit du 23 au 24.08.98, le Directeur Provincial de l'Institut National de Sécurité Sociale a été enlevé et gardé dans un lieu secret de 23 heures à 3 heures du matin.

* De menaces de mort ont été proférées à M. Georges NGOY le 10.09.98 alors qu'il partait au Plateau Médical pour se rendre compte de l'état de destruction de leur maison familiale occupée par les militaires.

II.2.5. Disparition

* DA SILVA FIGUEIREDO, 50 ans, Portugais, résidant sur l'avenue Lac Nyassa n°5, commune Makiso ; OSVALDO DE SOUSA QUEIROZ, 38 ans, Angolais, résidant sur l'avenue Lac Nyassa n°5 commune Makiso ; MIALA GARCIA, 40 ans, Angolais, résidant sur le Bld Lumumba n°42/B, commune Makiso ; AIRES QUEIROZ GUINAIRES, 28 ans, Angolais, résidant sur le Bld Lumumba n°42/B, commune Makiso ; MIGUENS JULIO, 28 ans, Angolais, résidant sur le Bld Lumumba n°42/B, commune Makiso ; LEONEL CARLOS DE SOUSA, 27 ans, Angolais, résidant sur le Bld Lumumba n°42/B, commune Makiso et RIBEIRIO GALVINO FAUSTINO, 22 ans, Angolais, résidant sur le Bld Lumumba n°42/B, commune Makiso.

Les précités sont des hommes d'affaires venus investir en République Démocratique du Congo et attendaient le démarrage effectif des activités de leur Société " BHAGMEK INTERNATIONAL ". Vingt quatre heures après la prise de Kisangani, ils ont été menacés de mort par des militaires, en réaction contre l'intervention angolaise dans le conflit en R.D.C. Tous leurs biens y compris ceux de leur société ont été pillés, leurs maisons occupées jusqu'à ce jour par les assaillants. L'on ignore leur sort et la direction qu'ils auraient prise. Dans le même ordre d'idées, TATI DOMINGOS, angolais, étudiant en première licence Sciences de l'Education à l'Université de Kisangani et ses trois compatriotes seraient portés disparus.

* Des enfants soldats " Maï-Maï " internés à l'Hôpital Général de Kisangani (pour raison de santé) et au Site H/Mangobo (pour encadrement) auraient disparu. Cela serait consécutif à leur réarmement et leur ralliement aux forces gouvernementales pour stopper l'avancée des troupes de la rébellion vers Kisangani.

II.2.6. Le pillage

Kisangani ne s'est pas encore totalement remise sur le plan économique depuis les événements de pillage (septembre 91 et décembre 93). Depuis, seules quelques entreprises tournent encore et occupent la main-d'œuvre locale. Mais un coup assommoir vient de leur être appliqué.

* Dans la semaine du 24 au 30.08.98, les Sociétés AMEXBOIS et la FORESTIERE, deux géants d'exploitation forestière, ont été pillées par les militaires : tout le stock de bois travaillé, tout le stock de carburant, matériels roulants, dynamos qui font tourner les scieries ont été emportés.

* A l'Office de Routes, l'on signale les pertes suivantes : 2000 litres de Gasoil, tous les salaires des agents de l'intérieur de la province, une bonne quantité de pièces de rechange tant au bureau du Centre Route que du Centre BAC.

* La Société SORGERI a été victime des casses par les militaires du magasin central, de la caisse centrale, des bureaux du Directeur Administratif et du Chef Comptable. Les bétails des responsables de la société ont été abattus (( 200 cochons et quelques chèvres).

* Les écoles pillées à Yanonge, localité située à 58 Kms de Kisangani : l'Institut Technique Agricole et l'Institut Mogoya (de menuiserie) : machines à écrire, les bois et les pendules emportés. Des bancs cassés et utilisés comme bois de chauffage.

* A Yangambi, localité située à 100 Kms de Kisangani : certaines maisons de l'Institut National d'Etudes et de Recherches Agronomiques pillées et détôlées.

* A Banalia, localité située à 128 Kms de Kisangani : des maisons des particuliers(réfugiés en brousse), la Mission Catholique et l'Hôpital Général pillés.

II.2.7. La dégradation de la situation sanitaire , humanitaire et menace à l'égard des Agents

De la santé

* L'insécurité et l'isolement de la ville comme facteur de la détérioration sanitaire et humanitaire

a) L'insécurité

Les deux grands centres hospitaliers de Kisangani se trouvent dans le quartier Plateau Médical à Makiso : Cliniques Universitaires et son Laboratoire et l'Hôpital Général.

Les soldats de la rébellion chargés de surveiller l'Aéroport militaire de Simi-Simi ont envahi les alentours de ces deux hôpitaux rendant la circulation difficile dans cette zone et pour le personnel de santé et pour les malades. Il y a eu des pillages des hôpitaux, des agences humanitaires, des dépôts de denrées alimentaires et autres produits de première nécessité, des agressions physiques et des menaces à l'égard de certains agents de santé.

Ce qui a eu comme conséquence logique, l'abandon des hôpitaux par les patients et les agents sanitaires, la fermeture des agences humanitaires et officines pharmaceutiques, dépôts et magasins des vivres.

b) L'isolement de la ville

La ville de Kisangani est coupée actuellement de toutes ses sources d'approvisionnement qui sont : Kinshasa, l'arrière région et l'Est (Goma, Bunia, Butembo, Bukavu...). Elle vit maintenant dans un enclavement total. Comme nous l'avons décrit ci-haut, la ville de Kisangani ne dispose pas d'assez de dépôts et officines pharmaceutiques, de dépôts et magasins de denrées alimentaires (vivres) pouvant servir la population pendant une longue période d'isolement total. Ses principales sources d'approvisionnement en médicaments sont la Pharmacie Diocesaine, MIMCO-PHARMA et Dépôt Pharmaceutique PARS.

Les faits ci-après, constituant des entraves au droit à la santé et menace à l'endroit des agents de la santé, ont été recensés :

- Aux Cliniques Universitaires, le 24.08.1998, tous les patients quittent l'hôpital à cause de l'insécurité. Le personnel médical et paramédical arrivent timidement. Quelques jours plus tard, ils remarquent que même eux sont en insécurité. Le 26.08.1998, le Professeur WAMI WIFONGA, Médecin Directeur des Cliniques Universitaires et Enseignant à la Faculté de Médecine, est visité dans son bureau par 5 rebelles dont 3 Tutsi et deux Ougandais. Ils exigent de l'argent et des médicaments. Après les menaces, ils réussissent à emporter une somme de 200 $ US, un important lot des médicaments.

- Le 30.08.1998, le Dr. LUKA, Médecin au Département de Gynéco-Obstétrique et assistant à la Faculté de Médecine, voulant se rendre aux Cliniques vers 13 H00', est appréhendé dans l'enceinte même des Cliniques par 3 éléments armés de morphologie Tutsi et entraîné en brousse vers le Centre Antituberculeux, on le dépouille de ses souliers, sa chemise et une somme de 15 FC après lui avoir infligé des traitements inhumains.

- Le 03.09.1998, le Dr LOLA KISANGA, Médecin au Département de Médecine Interne des Cliniques Universitaires, est appréhendé dans l'enceinte de l'Institut Facultaire Agronomique vers 19 H 00' en quittant les Cliniques pour le Guest-House par des soldats ougandais (4). Il fut aussitôt relâcher.

- Le 19.09.1998, pillage systématique du laboratoire de recherche de la Faculté de Médecine et l'unité biochimique des Cliniques Universitaires. Effets emportés :

- 4 photospectromètres

- 6 microscopes électriques

- une grande quantité de réactifs

- autres matériels de haute valeur

* A l'Hôpital Général de Kisangani

- Occupation des pavillons par les rebelles

- Utilisation des mobiliers pour allumer le feu

- Saisie de la phonie de l'Antenne Programme Elargi de Vaccination (PEV) de Kisangani : fermeture des activités du P.E.V., suspension de la campagne de vaccination contre la poliomyélite qui devrait avoir lieu au mois d'août.

* A l'Antenne O.M.S. Kisangani

- Occupation de l'habitation du Médecin chef d'Antenne par les autorités rebelles dès leur arrivée à Kisangani (le 23/08/1998) ;

- Pillage du dépôt pharmaceutique de l'OMS

- Menace sur Mme SEFU Christine, Superviseur de l'Antenne OMS/Kisangani pour remettre le véhicule de l'OMS aux rebelles

- Prise du véhicule de l'UNICEF/Kisangani

* A la CARITAS KISANGANI

- Réquisition des véhicules pour transport des troupes rebelles au front

* Pillage de l'Hôpital Général de Lubunga et de l'Hôpital Général d'Ubundu( localité située à 129 kms de kisangani )

* Menace sur Docteur MOPEPE Jean, Médecin Directeur de la Clinique Orchidée de Kisangani (COKIS) à cause de ses liens de parenté avec le Gouverneur Jean YAGI SITOLO, propriétaire de la Clinique

La Régie de Distribution d'eau (REGIDESO), ayant constaté que le stock de ses intrants est à cours de rupture, ne fournit l'eau que pendant six heures par jour. Actuellement, la qualité d'eau fournie à la population est douteuse et l'éclosion des épidémies de maladies diarrhéiques (dysenterie bacillaire, salmonellose, choléra, amibiase...) est à craindre.

Tableau 1 : Evolution de prix des médicaments avant et après la chute de Kisangani

PRODUIT

PRIX AVANT GUERRE

PRIX ACTUEL

20 Cés d'Aspirine

0,13 $

0,66 $

20 Cés de Novalgine

0,16 $

0,66 $

20 Cés de Chloroquine

0,20 $

1 $

10 Cés de Quinine

0,66 $

2 $

1 Flacon de Penicilline Proc.

0,53 $

2 $

20 Cés Indocid

0,20 $

0,66 $

16 Cap. Tetracycline 250 mg

0,33 $

1 $

16 Cap. Ampicilline 250 mg

0,66 $

1,66 $

16 Cap. Chloramphenicol

0,66 $

1,33 $

20 Cés Bactrim

0,40 $

1 $

1 Séringue à usage unique

0,13 $

0,4 $

1 Litre Sérum Glucosé 5%

2 $

5,33 $

1 Litre NaCal 0,9 %

1,66 $

5 $

1 Flacon Ampicilline 1g

0,53 $

1,33 $

1 Flacon Chloramphenicol

0,53 $

1,33 $

1 Ampoule Quinine

0,40 $

1 $

1 Ampoule Chloroquine

0,16 $

0,33 $

1 Ampoule Dipyrone

0,16 $

0,50 $

N.B. : - 1 $ US = 250.000 Nouveaux Zaïres (au taux de change du 29.09.98

- Ce sont les prix des médicaments relevés le 29.09.98

- S'il n'y a pas approvisionnement en médicament, les prix continueront à monter

Traitement d'une crise de malaria associée à une verminose et une infection urinaire (cas fréquent chez nous) :

- Consultation du Médecin : 1 à 2 $ US. - 15 ampoules de quinine 10 $ US

- 5 litres sérum glucosé : 5 $ US. - 72 capsules d'Ampicilline 5 $ US

- 3 ampoules de dipyrone : 1 $ US - Hospitalisation 1 $ US/jour

- Nursing : 1 $ US/jour - Examens de Laboratoire 5 $ US (Examens ord.)

- Une Laparotomie : 150 à 200 $US

Autre fait important à signaler : l'arrivée massive des militaires Rwandais et Ougandais en provenance des régions à prévalence élevée de SIDA dans la ville de Kisangani ainsi que le désordre sexuel observé chez ces soldats, entraînerait une augmentation du taux d'infection HIV (SIDA) à Kisangani et dans toutes les régions occupées par les rebelles.

II.2.8. Les atteintes au bien-être matériel et social

La population de Kisangani connaît d'énormes difficultés tant sur le plan social qu'économique depuis le 23 août 1998. Coupés de principaux centres d'approvisionnement, les vendeurs et commerçants - qui disposent encore du stock des produits manufacturés - se livrent sans pitié à l'augmentation des prix de leurs produits. Le taux de change prend l'ascenseur au point que certains opérateurs économiques décident carrément de suspendre momentanément leurs activités alléguant la crainte d'éventuels pillages en cas d'une contre-attaque victorieuse des forces gouvernementales.

Les deux tableaux ci-dessous permettent d'évaluer le degré de détérioration de la situation économique :

a. Taux de change

Date Devise Equivalent en N.Z. Equiv. En Francs C. % de majoration

01.07.98 1 $ 140.000 NZ 1,40 FC -

01.08.98 1 $ 150.000 NZ 1,50 FC 10,71 %

23.08.98 1 $ 190.000 NZ 1,90 FC 13,57 %

27.09.98 1 $ 240.000 NZ 2,40 FC 12,42 %

b. Prix sur le marché

Article Prix au 01.7.98 Prix au 23.8.98 Prix au 23.9.98

72cl Huile 25.000 NZ 60.000 NZ 75.000 NZ

( Kg riz 30.000 NZ 60.000 NZ 80.000 NZ

( Kg sucre 70.000 NZ 120.000 NZ 150.000 NZ

1 savon 35.000 NZ 65.000 NZ 80.000 NZ

La situation financière et monétaire est loin de se stabiliser. D'importants retraits de fonds à la Banque Centrale du Congo/Kisangani sont effectués par les nouvelles autorités (35.000 Francs congolais et 70 milliards de nouveaux zaïres prêts à l'incinération dans le cadre des mesures d'encadrement de la réforme monétaire en cours) pour faire face à la charge salariale des agents et fonctionnaires de l'Etat et des militaires. En conséquence, le Franc Congolais perd de plus en plus de sa valeur et le dollar atteint le cap de 270.000 nouveaux zaïres. En même temps, les prix des produits manufacturés galopent sur le marché. La recherche de compensation des pertes enregistrées (pour le cas de la BELTEXCO, 24.000 $US emportés par les militaires et des retraits énormes par les autorités civiles) d'une part, et de l'autre, la diminution sensible du stock de ces produits justifient cette hausse.

PARTIE III : L'ATTITUDE DE DIFFERENTES PARTIES AU CONFLIT FACE AUX

VIOLATIONS ET ABUS DES DROITS DE L'HOMME COMMIS

III.1. LES AUTORITES GOUVERNEMENTALES

Après les appels et discours lancés à la radio et à la télévision à la population pour dénoncer les agresseurs identifiés comme les rwandais et devant la montée de la haine envers tous les rwandais (civils et militaires), les autorités locales ont appelé la population à ne s'attaquer qu'aux militaires rwandais. Face aux abus commis à l'égard des rwandais civils, aucune mesure de poursuite judiciaire n'a été prise à l'égard des auteurs de ces actes.

III.2. LES AUTORITES DE LA REBELLION

Après les représailles de l'armée rebelle sur la population suite aux manifestations du 23 août 1998, le Commandant des opérations militaires à Kisangani a demandé des excuses à toute la population pour les égarements de certains de ses éléments. Il a aussi déclaré avoir pris toutes les mesures pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. Mais aucune poursuite judiciaire n'a été engagée à l'égard des éléments coupables.

Quelques jours après ces manifestations du 23.08.1998, des véhicules des militaires jetaient de l'argent aux citoyens (des billets de 5 centimes et de 10 centimes) au rond-point de la 15ème avenue dans la commune de la Tshopo, aux alentours du grand marché de la ville et à d'autres coins du centre ville.

Pour faire oublier à la population tous ces abus et obtenir son ralliement à la rébellion, les autorités rebelles remirent aux participants à leur séminaire idéologique une somme de 28 Francs Congolais (soit 10 $US), à chacun à la fin de la formation ; aux étudiants de l'Université de Kisangani 5 Francs Congolais (soit à peu près 2 $US) et une importante somme estimée à plus de 300 $ US aux membres d'une organisation informelle des jeunes dénommée " Les Enfants des Etats-Unis " de la commune de Mangobo, pour participer au meeting de leur leader, M. LUNDA BULULU.

PARTIE IV : LES ENJEUX DE LA GUERRE

La guerre actuelle en République Démocratique du Congo se présente comme un iceberg :

- les acteurs visibles : la rébellion contre le régime KABILA ; les alliés du gouvernement contre les alliés de la rébellion

- les acteurs invisibles : les grandes puissances étrangères ; les lobbies économiques et politiques ; les forces progressistes du Tiers-Monde.

L'issue de cette guerre pourrait modifier plusieurs paramètres tant nationaux, régionaux qu'internationaux.

Dans les lignes qui suivent, nous présentons la situation sur terrain, la réaction de la population, les efforts accomplis par la Communauté Internationale jusqu'à ce jour et enfin, nous essayons de présager l'avenir.

IV.1. RAPPORT DES FORCES : progression sur le terrain

Depuis le déclenchement des hostilités le 2 août 1998, le rapport des forces a entraîné la bipolarisation du pays : à l'Ouest d'un côté les forces gouvernementales et alliés et à l'Est, les forces rebelles et alliés. Mais, la rébellion gagne du terrain à l'Est à cause des alliés de KABILA qui hésitent à s'engager à l'Est non seulement par manque d'intérêt, mais aussi par réserve d'aller affronter les alliés de la rébellion près de leurs bases.

IV.2. LA POPULATION : ses préoccupations et ses attentes

La population congolaise qui n'est pas habituée à la guerre affiche une méfiance à la rébellion qu'elle considère comme inopportune, hybride voire traîtresse. Elle découvre, à travers cette guerre, d'une part l'incapacité des soldats congolais (gouvernementaux et rebelles) à défendre l'intégrité territoriale et à lui assurer la paix et la sécurité, et d'autre part l'insensibilité des politiciens congolais à sa misère et enfin, l'indifférence de la Communauté internationale.

 

IV.3. LES EFFORTS DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE : timides et insuffisants

(du mois d'août à début octobre 1998)

Le Gouvernement de la RDC a dénoncé tant à l'opinion nationale qu'internationale l'invasion de son territoire par les troupes rwandaises et ougandaises. Ses émissaires aux Nations Unies, à l'OUA et dans d'autres institutions internationales ont déposé les plaintes contre le Rwanda et l'Ouganda. Mais les réactions à ces plaintes ont été lentes, réservées voire mitigées.

Les réactions des uns et des autres face au conflit en RDC ont été exprimées au cours des Sommets, dans les Conférences et dans des rencontres des Chefs d'Etat et des Gouvernements, soit au niveau régional, soit au niveau international. On examine rapidement les résultats de ces différentes rencontres :

* Sommet de Victoria Falls I :

Initié par le Président MUGABE dans le cadre de la SADC, il a réuni les Chefs d'Etat de la RDC, du Rwanda, de l'Ouganda et de la Namibie.

Résultat : désaccord sur l'agression entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda

* Sommet des Pays non alignés tenu à Durban en Afrique du Sud

Ce sommet, présidé par Nelson MANDELA, a connu la participation de toutes les forces en conflit en RDC (RDC, Angola, Zimbabwe, Namibie, Rwanda et Ouganda) en présence d'autres leaders des pays non alignés (Fidel CASTRO) et du Secrétaire Général des Nations Unies, KOFFI ANAN.

Résultats :

- Reconnaissance de l'agression étrangère de la RDC sans citer les agresseurs ;

- Responsabilisation du Président MANDELA comme médiateur dans la crise congolaise

* Conseil de Sécurité des Nations Unies

Les pays membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies ont reconnu l'agression de la RDC par les forces étrangères sans les nommer. Ils ont fait appel au respect de l'intégrité territoriale de la RDC.

* Sommet de Victoria Falls II

Présidé par le Président Zambien, Frédéric CHILUBA, ce Sommet a réuni les Chefs d'Etat de l'Ouganda, du Rwanda, du Zimbabwe, de la Namibie, du délégué du Président Angolais en présence du Secrétaire Général de l'OUA, Salim Ahmed Salim. Le Président Zambien faisait des navettes entre la salle des Chefs d'Etat et la chambre où se trouvait la Délégation de la rébellion conduite par MM. Z'HAIDI NGOMA et BIZIMA KARAHA.

Résultats :

- désaccord sur l'agression de la RDC

- acceptation du principe de retrait des troupes étrangères.

* Conférence d'Addis-ABEBA

Il a réuni tous les ministres de défense des pays impliqués dans le conflit en RDC. Celle-ci a été représentée par son ministre des Affaires Etrangères.

Résultat : Désaccord sur les modalités de retrait des troupes étrangères

* Sommet de l'Ile Maurice

Convoqué par la SADC pour débattre des problèmes économiques de ses membres, ce Sommet a inscrit à son ordre du jour, la crise congolaise.

Résultats :

- désaccord sur l'agression congolaise

- renforcement des positions militaires des alliés de KABILA

- remise en cause du Président MANDELA par le Président MUGABE.

* Sommet de Libreville

Convoqué par le Président du Gabon, Omar BONGO, cette rencontre a réuni les Chefs d'Etat des pays de l'Afrique Centrale pour examiner la crise congolaise.

Résultats :

- reconnaissance de l'agression congolaise par les forces étrangères ;

- rapprochement entre le régime de Kinshasa et les pays de l'Afrique Centrale d'une part, et d'autre part avec la France ;

- acceptation de l'intervention militaire Tchadienne en RDC.

* Les rencontres de TRIPOLI et le Plan des Forces d'Interposition de KHADAFI (Tchad, Niger et Erythrée)

Après avoir reçu les Présidents KABILA de la RDC et MUSEVENI de l'Ouganda venus lui soumettre, chacun sa position sur la crise qui secoue la RDC, le Président KHADAFI a réuni autour de lui les Présidents du Tchad, du Niger et de l'Erythrée.

Résultats :

- proposition de retrait de toutes les troupes étrangères en RDC ;

- mise en place d'une force d'interposition neutre (Tchad, Niger et Erythrée) le long des frontières rwando-ougandaises et ougando-congolaises.

Ce plan réaliste ne semble pas bénéficier du soutien de la Communauté Internationale.

* L'Union Européenne

Son Envoyé Spécial dans les pays des Grands Lacs a rencontré les Présidents de la RDC, du Rwanda, de l'Ouganda et de l'Angola.

Résultats :

- tous les pays alliés des parties en conflit tiennent à sécuriser leurs frontières

- levée de principe de conférence internationale.

* L'Ambassadeur des Etats-Unis en RDC

Le 14 octobre dernier, après avoir été reçu par le Président KABILA à Lubumbashi, l'Ambassadeur des Etats-Unis en RDC a reconnu l'invasion de la RDC par les troupes étrangères.

IV.4. L'AVENIR DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Les régimes actuels de Kigali, de Kampala et de Kinshasa, produits de force des armes et alliés rebelles d'hier, faute d'avoir trouvé des solutions démocratiques à leurs problèmes politiques, économiques et sociaux, sont aujourd'hui en conflit armé.

Le destin politique de la RDC est ainsi inextricablement lié à celui de ses voisins de la région. Il est déterminé par l'issue d'une guerre aux ramifications internationales opposant des belligérants qui semblent mépriser les droits de l'homme et des peuples.

A. En cas de la victoire militaire du Président KABILA

* Les atouts de KABILA

Le Président KABILA, s'il démocratise l'Etat comme il le déclare souvent, peut mobiliser le peuple congolais autour des grandes réformes de la reconstruction nationale. Il tire la légitimité de son pouvoir et son charisme de trois éléments :

a) Le succès de sa lutte armée contre le régime néo-patrimonial et dictatorial de M. Mobutu, un régime diabolisé, remis en cause dans ses pratiques politiques, économiques et sociales. Présenté comme ennemi juré de Mobutu, l'opinion nationale le prend pour le libérateur du peuple congolais, la figure de proue d'une nouvelle ère pour l'espace politique congolais qui fera de l'Etat congolais déliquescent un Etat de droit, prospère et puissant.

b) Le succès de sa lutte contre la prétention hégémonique Tutsi. Paravent idéologique ou réalité sociologique ? Sinon le discours présidentiel à cet égard mobilise fortement le peuple congolais et légitime la guerre gouvernementale contre la rébellion - agression.

c) Les efforts de redressement socio-économique entrepris par le Gouvernement KABILA, notamment dans le domaine de la lutte contre les anti-valeurs (corruption, détournement et tracasserie), de la réhabilitation et de la revalorisation de l'appareil de l'Etat et de la jugulation de l'inflation ont suscité l'espoir dans la population.

* Les dangers à éviter

Les attitudes politiques autocratiques du Président KABILA recommandent de faire preuve de prudence quant à sa reconversion aux pratiques démocratiques de gestion de l'Etat moderne. Elles font pointer à l'horizon quelques dangers à éviter : l'absolutisme du pouvoir de chef de l'Etat, l'exclusion totale des Tutsi et le développement des conflits armés dans la région.

a) L'absolutisme du Chef de l'Etat

La RDC en guerre, le Président auto - proclamé et hostile au champ politique interne pluriel, M. KABILA demeure l'organe officiellement absolu de décision et de recours. Après la guerre, il y a lieu d'envisager des garde-fous juridico-politiques susceptibles de contrarier les velléités autoritaires que transpire le culte de personnalité en développement dans le chef du Président national de l'AFDL. Les meilleures recettes démocratiques pour une transition préfigurant une troisième République démocratique seraient le pluralisme partisan sous réserve des lois bien définies et l'existence des mécanismes de consultation du souverain sur le devenir de la Nation.

b) L'exclusion totale des Tutsi et l'embrasement de la sous-région des Grands Lacs

Dès le déclenchement de la rébellion, devant la presse tant nationale qu'internationale, et à la Télévision nationale, le Président KABILA accuse les gouvernements de Kigali et de Kampala d'agresseurs, souligne l'illusion de prétention hégémonique Tutsi au Congo et de son empire et projette d'exporter la guerre d'où elle est venue, c'est-à-dire en Ouganda et au Rwanda.

Les ressources ethniques sont clairement mobilisées : l'incrimination des Tutsi au Congo, le ralliement des rebelles rwandais (essentiellement Hutu) et ougandais (selon les accusations de la rébellion contre KABILA) aux troupes loyalistes. Le régime KABILA constituerait un sérieux danger contre les régimes du Rwanda et de l'Ouganda. Si les précautions ne sont pas prises, la victoire militaire de KABILA pourrait provoquer l'exode des Tutsi, exporter la guerre sur les territoires ougandais et rwandais, voire déstabiliser ces régimes.

B. En cas de la prise effective du pouvoir par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie

* Avantages

Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), né de divers clivages au sein de l'AFDL, bien que se réclamant pour la démocratisation des institutions politiques de la RDC, a choisi comme stratégie de conquête de pouvoir la rébellion armée impulsée par les troupes gouvernementales ougando-rwandaises. Sa prise effective de pouvoir pourrait comporter quelques avantages :

- la possibilité du libéralisme politique liée à l'absence dans ce mouvement, du moins jusqu'à présent, d'un leader charismatique civil ou militaire incontournable, ce qui n'exclut pas la possibilité de domination d'une oligarchie du RCD. ;

- La prise des mesures spéciales pour la protection de minorité Tutsi menacée d'extermination ou d'exil ;

- La coexistence pacifique entre les régimes de la région par l'élimination réciproque des mouvements rebelles respectifs à chaque régime.

* Inconvénients

Le RCD, considéré par la majorité de peuple congolais comme de stricte obédience Tutsi et fondé sur les rebuts des ex-FAZ de triste mémoire, pourrait instaurer un régime impopulaire et former difficilement une armée nationale congolaise capable de gagner la confiance des populations congolaises.

Il sera constamment appelé à gérer la haine exacerbée de certains segments des populations congolaises autochtones contre la minorité Tutsi habitant le Congo.

Au cas où il ne parviendrait pas à rendre inopérationnels les mouvements rebelles ougandais et rwandais (Hutu) qui opèrent à partir du territoire congolais, ses présents alliés ougando-rwandais entreraient en conflit contre lui.

C. En cas d'une solution négociée

* Avantages

La RDC est un Etat à reconstruire. La guerre, c'est la destruction. Il lui faut donc un contexte consensuel et pacifique pour son développement. Dans ce sens, la solution négociée évacuant la violence paraît plus féconde pour son avenir.

En effet, les solutions concertées relatives aux différents enjeux ayant motivé l'engagement armé des belligérants pourraient imposer les modalités d'une redistribution du pouvoir entre les forces internes en présence (AFDL, RCD, Opposition interne et Société Civile) prévenant de la sorte la patrimonialisation de l'Etat.

Aussi, elles peuvent engendrer un nouvel équilibre dans la région, commandé par la préoccupation de stabiliser les relations internationales dans le seul but de développement pour le bien-être des populations des Etats considérés.

* Insuffisance d'une solution négociée

La Communauté Internationale, par ses efforts à travers les différents sommets précités pour trouver une solution négociée au conflit, veut appliquer les droits de solidarité qui mettent en exergue la fraternité des hommes ou des Etats dans le sens de la conjonction des efforts de tous pour réaliser la vie harmonieuse de la communauté internationale.

Mais dans cette recherche de solution négociée, les acteurs ont tendance à réconcilier les belligérants sans insister sur les droits civils et politiques opposables à l'Etat. Cette situation est favorable à la survie des régimes autoritaires incapables d'instituer et de garantir les droits civils et politiques de citoyen.

Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, principe adopté formellement par la Résolution 1514 (XV) de l'Assemblée Générale de l'ONU en décembre 1960, a rendu dynamique le processus de la décolonisation africaine. Aujourd'hui par contre, il secrète et sécurise des régimes dictatoriaux africains ; les détenteurs étatiques de ces types de pouvoir peuvent se sécuriser réciproquement pour la pérennité de leurs régimes (M. Mobutu a su excellemment jouer ce jeu). D'où l'existence inavouée de certaines organisations régionales et sous-régionales en Afrique. Ici, se justifie la tradition qui plaide le devoir d'ingérence chaque fois qu'est menacée la démocratie et que sont vidés les droits de l'homme et des peuples.

Aujourd'hui, même si la solution négociée arrivait à réconcilier les régimes de Kinshasa avec ceux de Kigali et de Kampala, le problème de la légitimité de ces trois régimes restera entier.

L'avenir de la RDC dépendra donc de sa capacité d'édifier un Etat démocratique qui assumera efficacement son rôle géostratégique au cœur de l'Afrique dans le respect des droits de l'homme, de citoyens et des autres peuples.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Depuis le 17 mai 1997, date de la prise du pouvoir par le Président KABILA jusqu'au déclenchement de la rébellion en début août 1998, la situation des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'a cessé d'être préoccupante dans la République Démocratique du Congo. Non seulement les partis politiques ont été suspendus et certains de leurs leaders jetés en prison, les organisations des Droits de l'Homme menacées mais aussi et surtout le gouvernement de la R.D.C n'a pas fait preuve de volonté réelle de poursuivre les auteurs des violations massives, flagrantes et systématiques des Droits de l'Homme commises sur son territoire.

La guerre actuelle qui oppose le gouvernement de la R.D.C. à la rébellion, menée par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie, vient aggraver la situation des Droits de l'Homme. Cette guerre ne met pas que les forces internes en collision mais aussi les forces armées ougandaises et rwandaises qui s'engagent, aux côtés des rebelles, pour renverser le régime de Kabila au nom de la protection de leurs frontières et de la minorité Tutsi en danger.

Si dans ce conflit armé, les forces gouvernementales commettent des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires et autres actes de nature à choquer la conscience humaine, la rébellion, quant à elle, procède soit à l'élimination physique soit aux traitements inhumains des populations civiles qui tentent de lui opposer une résistance, des extorsions, sous diverses formes, des biens des particuliers et des personnes morales, à la corruption, au favoritisme et au pillage des ressources et des biens d'utilité publique, accentuant ainsi la misère de la population.

C'est pourquoi, extrêmement préoccupé par cette dégradation continuelle de la situation des Droits de l'Homme et de la montée de la violence qui entraînent inexorablement la République Démocratique du Congo vers le chaos et qui risquent d'embraser non seulement la sous-région des Grands Lacs mais aussi toute l'Afrique Centrale et soucieux de l'instauration d'un Etat de droit en R.D.C, le Groupe LOTUS formule les recommandations suivantes :

* Au Gouvernement Congolais :

- d'accepter de négocier avec toutes les parties en conflit et de convoquer dans un bref délai, une Table Ronde politique non seulement pour définir et étudier les modalités de cette négociation, mais aussi pour relancer le processus démocratique et enfin, pour favoriser la réconciliation nationale ;

- de faire de la protection et du respect des Droits de l'Homme une des priorités de l'action gouvernementale en vue de l'instauration de l'Etat de droit en RDC. ;

- de prendre des dispositions législatives et sociales pour instaurer un pouvoir judiciaire indépendant et impartial ;

- de développer une politique de coopération franche et intense tant avec les organisations nationales et internationales des Droits de l'Homme pour la prévention, les investigations et la répression des violations des droits humains qu'avec les organisations humanitaires désireuses de secourir la population congolaise ;

- de mettre en œuvre une stratégie réaliste et efficace pour arrêter la distribution et la circulation anarchique des armes dans le pays.

* Aux Autorités de la Rébellion :

- d'arrêter leur progression sur le terrain pour la négociation avec le gouvernement de la RDC ;

- de protéger les populations civiles et toutes les victimes du conflit armé conformément au droit international humanitaire et aux lois nationales ;

- d'améliorer la situation socio-économique de la population sous son contrôle par l'ouverture de nouveaux canaux d'approvisionnement en matières premières et en produits manufacturés

- d'apporter sa collaboration aux organismes internationaux pour remédier aux situations d'urgence qui se posent avec acuité dans la ville de Kisangani ;

- de veiller au respect de l'intégrité territoriale de la RDC et de son patrimoine national ;

* A la Société Civile Congolaise :

- d'inciter toutes les parties au conflit à la négociation pour éviter une victoire militaire qui risque d'éloigner les chances de la réconciliation nationale ;

- d'inciter toutes les parties au conflit au respect des droits de l'homme, du droit international humanitaire, de l'intégrité territoriale et du patrimoine national ;

- d'apporter l'assistance nécessaire aux victimes de violations des droits de l'homme ;

- de s'acquitter de son devoir de Mémoire et de Témoignage sur toutes les exactions et violations commises par les belligérants.

* A la Communauté Internationale :

- d'amener toutes les parties au conflit en négociation afin d'arrêter la guerre qui entraîne d'énormes dépenses et coûte cher en vies humaines ;

- de tenir les parties au conflit responsables de la détérioration de la situation des Droits de l'Homme en R.D.C ;

- d'assurer l'observance des compromis des Sommets jusqu'alors convoqués en vue de la résolution de la crise congolaise ;

- de fournir l'aide humanitaire aux populations congolaises par le truchement des organisations non-gouvernementales dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la santé ;

- de veiller au respect de l'intégrité territoriale de la RDC ;

- de convoquer une conférence internationale pour résoudre l'épineuse question de la sécurité dans la sous-région des Grands Lacs.

Fait à Kisangani, le 15 octobre 1998

Gilbert KALINDE ABELI Dismas KITENGE SENGA

Secrétaire Président

 

 

Annexe 1

LE TEXTE INTEGRAL DU DECRET-LOI CONSTITUTIONNEL N°003 DU 27 MAI 1997

RELATIF A L'ORGANISATION ET A L'EXERCICE DU POUVOIR EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Le Président de la République :

Vu la déclaration de prise de pouvoir par l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, AFDL, du 17 mai 1997 ;

Vu la nécessité et l'urgence ;

Décrète :

Chapitre 1er : DES DISPOSITIONS GENERALES

Art. 1 Jusqu'à l'adoption de la Constitution de la Transition par l'Assemblée Constituante, l'organisation et l'exercice du pouvoir sont régis par le présent Décret-loi Constitutionnel.

Art. 2 En République Démocratique du Congo, l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs est garanti sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes mœurs .

Chapitre II : DES INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE

Art. 3 Les institutions de la République : 1) Le Président de la République, 2) Le Gouvernement,

3) Les Cours et Tribunaux

Section I : Du Président de la République

Art. 4 Le Président de la République est le Chef de l'Etat. Il représente la nation.

Art. 5 Le Président de la République exerce le pouvoir législatif par décrets-loi délibérés en conseils des ministres. Il est le Chef de l'exécutif et des forces armées. Il exerce le pouvoir réglementaire par voie des décrets. Il a le droit de battre la monnaie et d'émettre du papier monétaire en exécution de la loi.

Art. 6 Le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque sur proposition du Gouvernement : les Ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs des Provinces, les Officiers Supérieurs et Généraux de l'armée, les Cadres du Commandement de l'Administration publique ; les Mandataires actifs et non actifs dans les entreprises et organismes publics. Il nomme, relève de leurs fonctions, et le cas échéant, révoque sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature, les magistrats du siège et du parquet.

Art. 7 Le Président de la République accrédite les Ambassadeurs et envoyés extraordinaire auprès des puissances étrangères et des organisations internationales. Les ambassadeurs et envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui.

Section II : Du Gouvernement

Art. 8 Le Gouvernement conduit la politique de la nation telle que définie par le Président de la République. Il exécute les lois de la République et les décrets du Chef de l'Etat. Il négocie les accords internationaux sous l'autorité du Chef de l'Etat. Il dispose de l'administration et des forces armées.

 

Art. 9 Le Gouvernement se réunit en conseil des ministres sous la présidence du Chef de l'Etat ou d'un de ses membres par délégation des pouvoirs.

Art.10 Les ministres sont responsables de la gestion de leurs ministères devant le Président de la République. Ils statuent par voie d'arrêtés.

Section III : Des Cours et Tribunaux

Art.11 L'ensemble des cours et tribunaux forment le pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et exécutif.

Art.12 La mission de dire le droit est dévolue aux cours et tribunaux. Le magistrat est indépendant dans l'exercice de cette mission. Il n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions, qu'à l'autorité de la loi.

Chapitre III : DES DISPOSITIONS FINALES

Art.13 Pour autant qu'ils ne soient pas contraires aux dispositions du présent décret-loi constitutionnel, les textes législatifs et réglementaires existant à la date de sa promulgation restent en vigueur jusqu'au moment de leur abrogation.

Art.14 Toutes les dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires antérieures contraires au présent décret-loi constitutionnel sont abrogées.

Art.15 Le présent décret-loi constitutionnel entre en vigueur à la date de sa promulgation.

 

 

Fait à Kinshasa, le 28 mai 1998

Laurent-Désiré KABILA

Président de la République

 

 

 

 

 

 

 

 

E. Annexe 2

F. CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS A KISANGANI

 

Mois d'août 1998

* Du 04 au 06 :

- Affrontement entre les soldats congolais et Tutsi Rwandais et Congolais à l 'aéroport de Bangboka, au rond point du Canon et à l'Etat-Major ;

- Intégration des soldats ex-FAZ en rééducation au Camp Base (situé à 11 Kms du centre ville sur la route de l'aéroport) dans les Forces Armées Congolaises

- Exécutions sommaires et assassinat

 

* Le 10 :

- Marche populaire de colère contre l'agression rwandaise en RDC (près de 3000 personnes)

* Du 07 au 23 :

- Couvre-feu de 19 heures à 6 heures du matin sur toute l'étendue de la ville

- Distribution des armes aux jeunes " Maï-Maï " internés au Site H (Bâtiment inachevé de l'Hôpital Général) et à l'ancien Orphelinat de Mangobo

- Arrestation des rwandais et de leurs " complices congolais " à l'Etat-Major, à l'ANR et à l'ancien cachot de la BSRS/Mangobo et transfert de quelques uns au dépôt du Congo-SEP (situé à peu près 7 Kms sur la route Yangambi)

* Le 23 : Prise de la ville par les rebelles

* Les 26 et 27 :

- Manifestation populaire (marche) dans plusieurs communes de la ville (Tshopo, Mangobo et Kabondo) contre les soldats de la rébellion pour une tentative d'extorsion du véhicule des Prêtres du Sacré Cœur de la Tshopo ;

- Six soldats de la rébellion trouvèrent la mort

- Représailles des soldats de la rébellion sur la population civile (1 mort à la Tshopo, 5 à Kabondo et 2 à Mangobo.

* Le 29 : Arrivée de la délégation politique de la rébellion conduite par Me Joseph MUDUMBI, chargé de l'Intérieur et de l'Administration du R.C.D.

 

Mois de Septembre 1998

* Le 26 :

- Meeting du M. LUNDA BULULU, Coordonateur du RCD, à la population de Kisangani ;

- Nomination et présentation du Gouverneur de la Province Orientale (Pr BENE KABALA L.), du Vice-Gouverneur (Adèle LOTSHOVE) et du Maire de la ville (M. Gabriel BOONDO LOTIKA) en remplacement des anciennes autorités en fuite.

 

 

 

G. Annexe 3

COMMUNIQUE DU 02 AOUT 1998

 

Congolaises et Congolais,

Les Forces Armées Congolaises,

 

Après avoir examiné profondément la situation dramatique qui prévaut dans notre pays depuis l'arrivée au pouvoir de M. L.D. KABILA le 17 mai 1997;

Conscientes de leur mission de sauvegarder l'unité nationale et de garantir la sécurité du peuple, évitant le danger que pourrait engendrer le maintien au pouvoir de M. L.D.KABILA ;

Destituent M. L.D. KABILA de ses fonctions autoproclamées de Président de la République pour les raisons suivantes :

* confiscation des pouvoirs d'Etat au profit de sa famille,

* au lieu de former un gouvernement d'union nationale, M. KABILA a mis en place un gouvernement composé des membres de sa famille, frères, cousins et amis. A titre d'exemple, nous citons :

- Laurent-Désiré KABILA, Katangais, Président de la République

- Gaétant KAKUDJI, Cousin du Président, Ministre d'Etat chargé des Affaires Intérieures

- MUTOMBO TSHIBAL, Katangais, Secrétaire Général de l'AFDL

- MWENZE KONGOLO, Katangais et neveu du Président, Ministre de la Justice

- MOVA SAKANI, Katangais et neveu du Président, Ministre des Transports

- UMBA KYAMITALA, Katangais, Ministre des zones stratégiques et de développement

- MASSANGU MULONGO, Katangais, Gouverneur de la Banque Centrale

- LUFUMA MAKANDA, Katangais, Président Délégué Général des Douanes

- KIBASSA MALIBA, Katangais, Ministre des Mines

- MULEKA, Katangais, Directeur de la Sécurité extérieure

* Beaucoup d'autres postes d'Ambassadeurs et Mandataires des entreprises publiques sont occupés par les ressortissants du territoire du Président et ses environs, Manono, Kabalo, Malemba-Nkulu.

Cette façon de gouverner ne peut en aucun cas favoriser l'unité nationale que l'armée est appelée à sauvegarder.

* Incapacité d'organiser une véritable armée nationale. Celle-ci se traduit par le maintien de plusieurs forces disparates : ex-FAZ, Banyamulenge, Kadogo, Katangais...et recrutement anarchiquement fondé sur le critère ethnique, voire clanique. Monsieur KABILA et sa famille s'accaparent de la direction de l'armée.

* M. L.D. KABILA, Président de la République et Ministre de la Défense

* M. Célestin KIFUA, Katangais et beau-frère du Président, Chef d'Etat-Major de l'Armée

* M. Joseph KABILA, fils du Président, Chef d'Etat-Major adjoint de l'Armée

* M. KABULO, Katangais et neveu du Président, Commandant Demiap

* M. John NUMBI, Katangais, Conseiller du Chef d'Etat-Major Général de l'Armée

* M. Eddy KAPENDE, katangais, Conseiller du Chef d'Etat-Major Général de l'Armée

* M. KABILA recrute pour l'Armée uniquement les jeunes de Manono, territoire de son origine. Il les paie mieux que les autres. Sa garde présidentielle est assurée uniquement par les militaires katangais, comme cela a été le cas avec la DSP de feu Mobutu, composée des Ngbandi.

* Mégestion des ressources financières du pays. Conservation des fonds publics à la résidence du Président en lieu et place de la Banque Centrale.

* Décaissement des fonds publics sans procédure comptable. Arrestation arbitraire des témoins génants par le Président de la République pour faire disparaître les traces des détournements des fonds.

* Corruption généralisée comme sous le régime de feu Mobutu, M. Laurent-Désiré KABILA a interrompu le processus démocratique dans notre pays et a instauré un régime dictatorial et dispolitique.

Demandent, pour ce faire, aux politiciens congolais de se concerter sans délai pour décider de l'orientation politique de notre pays.

Au peuple congolais et aux expatriés de rester tranquilles et de vaquer normalement à leurs tâches quotidiennes.

 

 

 

 

Vive la paix au Congo

Vive la paix en Afrique

 

 

Fait à Goma, le 02 août 1998

POUR LES FORCES ARMEES CONGOLAISES

Commandant Sylvain BUKI