Rapport Garreton 2

QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES
FONDAMENTALES, OU' QU'ELLE SE PRODUISE DANS LE MONDE, EN PARTICULIER DANS
LES PAYS ET TERRITOIRES COLONIAUX ET DEPENDANTS

Rapport de la mission conjointe chargee d'enqueter sur les allegations de
massacres et autres atteintes aux droits de l'homme ayant lieu dans l'est
du Zaire (actuellement Republique Democratique du Congo) depuis septembre
1996, en application du paragraphe 6 de la resolution 1997/58 de la
Commission des droits de l'Homme
 
 
 

INTRODUCTION

A.  Origines de la mission conjointe
(note: On employera dans le present rapport les abreviations suivantes:
AFDL - Alliance des forces democratiques pour la liberation du Congo-Zaire
FAB - Forces armees burundaises
FAR - Forces armees rwandaises
FAZ - Forces armees zairoises
APR - Armee patriotique rwandaise)

1.  Dans sa resolution 1997/58, la Commission des droits de l'Homme a prie'
le Rapporteur special sur la situation des droits de l'homme au Zaire,
(note: Dans le present rapport, la denomination Zaire sera employee dans
tous les cas ou' les faits dont il s'agit sont anterieurs au 17 mai 1997,
et la denomination Republique Democratique du Congo lorsqu'il s'agit de
faits qui se sont produits a' partir de cette date.)
le Rapporteur special sur les executions extrajudiciaires, sommaires et
arbitraires et un membre du Groupe de travail sur les disparitions forcees
ou involontaires d'enqueter ensemble sur les allegations de massacres et
autres questions touchant les droits de l'homme qui decoulaient de la
situation regnant dans l'est du Zaire depuis septembre 1996 et de faire
rapport a' l'Assemblee generale d'ici le 30 juin 1997 et a' la Commission
a' sa cinquante-quatrieme session.

2.  Cette resolution fait suite a' la recommandation du Rapporteur Special
sur la situation des droits de l'homme au Zaire lors d'une mission
preliminaire dont l'envoi a ete' recommande' par le Haut Commissaire aux
droits de l'homme.
(note: Cette mission s'est deroulee du 25 au 29 mars 1997 et visait a'
enqueter sur les allegations des massacres de refugies hutus dans l'est du
Zaire (E/CN.4/1997/6/Add.2)
Dans son rapport presente' a' la 53eme session de la Commission des droits
de l'Homme, le Rapporteur Special sur la situation des droits de l'homme au
Zaire a recommande' que, "dans le cadre de la procedure etablie dans la
resolution 1235 (XLII) du Conseil economique et social, [la Commission]
decide d'enqueter sur les violations massives du droit a' la vie commises
dans l'est du Zaire contre les refugies et la population locale", par
l'intermediaire d'une commission constituee des organes competents charges
d'appliquer les procedures speciales publiques de la Commission des droits
de l'homme, a' laquelle serait accorde' tout l'appui technique et financier
requis, y compris la participation de medecins legistes, d'anthropologues,
d'experts en balistique et des autres personnes dont la presence pourrait
se reveler necessaire.
 
 

B.  Contacts entre le Haut Commissaire et l'AFDL

3.  Le 22 avril, le responsable du bureau du Haut Commissaire aux droits de
l'homme a ete' informe' par le Sous-Secretaire general au Departement des
affaires politiques que le Representant special des Nations Unies et de
l'Organisation de l'Unite' Africaine pour la region des Grands Lacs avait
reçu du President de l'AFDL, Laurent Desire' Kabila, en Afrique du Sud, la
promesse qu'il faciliterait le travail de la mission conjointe.

4.  Le 25 avril, le responsable du bureau du Haut Commissaire aux droits de
l'homme, M. Ralph Zacklin, a ecrit au President de l'Alliance, au nom de la
mission conjointe, pour l'informer que celle-ci se rendrait a' Goma, depuis
Kigali, le 4 mai et lui a demande' son concours pour que la mission, qui
sera precedee d'une equipe de fonctionnaires du Centre et de responsables
de la securite, puisse s'acquitter de sa tache.

5.  Le 30 avril, le Conseil de securite' de l'ONU, reaffirmant une
declaration faite par son president le 24 avril, a engage' l'AFDL et les
autres parties interessees a' cooperer pleinement avec la mission conjointe
et a' lui faciliter l'acces aux zones et sites vises par l'enquete, en
veillant a' la securite' des tous les membres de la mission.

6.  Le 28 avril, le "Commissaire general a' la justice" de l'Alliance,
Mwenze Kongolo, a fait savoir au responsable du bureau du Haut Commissaire
aux droits de l'homme qu'il acceptait en principe l'enquete en question,
tout en se declarant deçu que l'Alliance n'ait pas ete' associee a' cet
effort et en refusant la participation du Rapporteur Special sur la
situation des droits de l'homme au Zaire, Roberto Garreton, qui avait
beneficie' de son soutien lors de sa visite preliminaire et avait redige'
a' son encontre un rapport superficiel, qu'il ne jugeait pas impartial; Il
proposait par ailleurs de reporter la visite de la mission pour que
l'enquete ait lieu avec la participation d'enqueteurs du Departement de la
justice de l'AFDL. Tant que cette condition ne serait pas remplie, l'AFDL
ne serait pas prete a' accueillir la mission dans les territoires liberes.

7.  Cette lettre ainsi qu'un entretien telephonique entre le responsable du
bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme et le Commissaire Kongolo,
ont ete' consideres sinon comme le feu vert pour une visite ou au moins
comme un "feu orange". Le 1er et 2 mai, le premier a informe' le second des
ultimes peparatifs en vue de la visite et de l'envoi d'interlocuteurs
charges d'en regler les details, en precisant que la mission se rendrait le
3 mai a' Kigali. L'Alliance a accepte' de recevoir les emissaires de la
mission a' Lumumbashi le 4 mai 1997.
 
 

C.  Mandat et methodologie de la mission conjointe

8.  Avant de partir, la mission conjointe a tenu a' Geneve deux journees de
consultations pour analyser son propre mandat et les modalites selon
lesquelles elle s'acquitterait de sa tache. Pendant ces deux journees, les
membres de la mission ont rencontre' le responsable du bureau du Haut
Commissaire aux droits de l'homme et des representants du Haut Commissaire
pour les refugies, de l'UNICEF, du Departement des Affaires Humanitaires et
de diverses organisations non gouvernementales travaillant dans la region.
Ils ont aussi rencontre' le Charge' d'affaires du Zaire aupres des
organisations internationales ayant leur siege a' Geneve, ainsi que M. E.
Angulu, avec qui la mission conjointe s'est mise en rapport parce que
celui-ci se presentait habituellement comme le porte-parole de l'AFDL en
Europe. Il est a' noter toutefois que les autorites de l'Alliance ont
declare' aux interlocuteurs de la mission conjointe, a' Lumumbashi, ne pas
connaitre cette personne.
 

Mandat

9.  Les membres de la mission conjointe ont analyse' le mandat que la
Commission des droits de l'homme avait assigne' a' celle-ci aux termes de
sa resolution 1997/58 dans un document a' usage interne intitule' "Mandat",
selon lequel il etait entendu que ce mandat visait:

10.  Ratione materiae, les allegations de violations graves et massives des
droits de l'homme, tout specialement du droit a' la vie, et les violations
du droit international humanitaire, en particulier de l'article 3 commun
des Conventions de Geneve;

11.  Ratione loci, l'est du Zaire et toute autre partie du territoire de ce
pays en proie au conflit entre les troupes gouvernementales et les
combattants de l'Alliance des forces democratiques pour la liberation du
Congo-Zaire, ainsi que tout autre lieu ou pays que la mission deciderait de
visiter;

12.  Ratione temporis, la periode comprise entre le 1er septembre 1996 et
la fin de la cinquante-quatrieme session de la Commission des droits de
l'homme;

13.  Ratione personae, les faits et gestes de toute personne impliquee dans
le conflt sur le territoire en question, qu'il s'agisse notamment des
militaires des forces armees zairoises, de combattants de l'Alliance, de
mercenaires ou de troupes etrangeres participants aux hostilites.
 

Methodologie

14.  Il convient d'emettre une mise en garde quant au caractere
preliminaire du present rapport. Il etait entendu entre les membres de la
mission conjointe que celle-ci devrait se preoccuper specialement de
verifier si les actes perpetres revetaient un caractere systematique et
planifie' et enqueter pour determiner si certaines d'entre eux
constituaient des actes de genocide au regard de la Convention de 1948 pour
la prevention et la repression du crime de genocide.

15.  Il etait entendu egalement que le mandat de la mission conjointe
comprenait la collecte d'informations tendant a' etablir les
responsabilites des auteurs presumes des faits sur lesquels porterait
l'enquete.

16.  Tant que la visite sur le terrain n'aura pas ete' menee conformement
aux dispositions de la resolution 1997/58 de la Commission des droits de
l'homme, il sera difficile de tenir pour definitives les affirmations qui
sont formulees, meme si les informations analysees peuvent concorder. Il
est neanmoins possible de presenter la situation telle qu'elle apparait sur
le terrain, de proceder a' un debut d'analyse juridique et de formuler des
conclusions et des recommandations preliminaires.

17.  Le present rapport est presente' en application de la resolution
1997/58 intitulee "Situation des droits de l'homme au Zaire". Divise' en
sept chapitres, il expose dans une premiere partie introductive les
origines et le mandat de la mission conjointe. Le chapitre I rend compte du
deroulement de la mission et de ses activites sur le terrain. Une
presentation des objections de l'Alliance et de la position de la mission
conjointe fera l'object du chapitre II. La mission examine, dans un
chapitre III, les attaques contre les camps de refugies ainsi que la
situation des personnes deplacees dans leur propre pays. Le chapitre IV est
reserve' aux allegations de massacres et autres violations des droits de
l'homme. Dans un chapitre V, la mission conjointe analyse la situation dans
l'est du Zaire au regard des dispositions de droit international et plus
particulierement celles relatives aux crimes contre l'humanite, au crime de
genocide et au droit international humanitaire. Enfin, le chapitre VI
presente les prochaines activites de la mission et le chapitre VII les
conclusions et recommandations de la mission conjointe.
 
 
 

I.  LE DEROULEMENT DE LA MISSION

18.  La mission conjointe comprenait trois composantes:

 a) la delegation des interlocuteurs charges d'obtenir l'accord de
l'Alliance sur les modalites de la mission et d'assurer la securite;

 b) une equipe des Nations Unies chargee d'evaluer la securite' dans
la region et d'etablir les conditions de cette securite; et

 c) ses membres proprement dits c'est-a-dire les experts
independants membres de la mission conjointe et leurs assistants techniques.
 
 

A.  Les contacts de la delegation des interlocuteurs

19. Le 28 avril, une equipe composee de deux fonctionnaires du Centre pour
les droits de l'homme s'est rendue a' Kigali d'ou' ils devaient se rendre
ensuite a' Goma, afin d'engager des pourparler avec l'Alliance en vue de
regler les details de la visite de la mission. Les interlocuteurs ont
attendu en vain jusqu'au 4 mai l'autorisation de l'Alliance pour se rendre
a' Goma.

20.  Le 4 mai, ces deux fonctionnaires mandates par la mission conjointe
ont pu finalement arriver a' Goma d'ou' ils ont gagne, le 5, Lumumbashi.
Apres s'etre heurtes a' des nombreux obstacles, ils ont pu contacter le
Commissaire a' la justice, Mwenze Kongolo, le Commissaire aux relations
exterieures, Bizima Karaha, le Commissaire general a' l'information et le
chef de cabinet du President de l'AFDL. Ils ont explique' lors de deux
reunions de plus de deux heures chacune, en quoi consistait le mandat de la
mission. Le Commissaire a' la justice a finalement remis un document
contenant les observations de l'Alliance sur le projet d'enquete dont
l'analyse figure ci-apres.

21.  La delegation est retournee a' Kigali, au terme de six jours d'efforts
deployes en vain pour que l'Alliance accepte le mandat de la mission
approuve' par consensus par la Commission des droits de l'homme, et ce en
depit des efforts egalement faits depuis Geneve, New York et Kigali dans le
meme sens.
 
 

B.  Le role de l'equipe chargee de la securite'

22.  La mission conjointe a depeche' dans la region un expert charge' de la
securite. Son rapport d'evaluation montre que de nombreux soldats de
l'Alliance, tous tres jeunes, reagissent de maniere tres negative a' la
perspective d'une enquete sur leurs actions. En particulier, le nom d'un
des membres de la mission conjointe designee par la Commission des droits
de l'homme est apparu lors de tous les contacts. Il est frappant que tous
les jeunes militaires paraissaient etre parfaitement au courant du mandat
de la mission conjointe et de ses objectifs, en depit de l'isolement
relatif de l'est du Zaire. Il semblait qu'ils aient reçu des instructions
expresses a' cet egard.

23.  Il est dit par ailleurs dans le rapport que les deplacements hors de
Goma etaient particulierement compliques pour des raisons de securite.

24.  Le rapport fait etat des trois incidents significatifs suivants:

 a) le premier a eu lieu a' un barrage militaire, pres de Sake,
lorsqu'un agent de securite' de l'ONU a tente' d'aller a' Masisi. A deux
kilometres environ du barrage, il a croise' une patrouille de l'AFDL
dirigee par un militaire d'une quinzaine d'annees. Pendant que le
fonctionnaire de l'ONU discutait avec lui, un autre militaire, age' de 14
ans environ, a tire' cinq coups de feu dans sa direction a' moins de 10
metres, sans que le chef de la patrouille ne reagisse. Le tireur a declare'
qu'il s'agissait d'un accident. Le chef, toutefois, a fait remarquer que
l'Alliance n'avait pas besoin que "des etrangers de l'ONU viennent
s'assurer que les militaires ne faisaient de tort a' personne".

 b) Le deuxieme incident a consiste' en une parade militaire
accompagnee de chants militaires, au moment precis ou' l'agent de securite'
de l'ONU finissait de faire des reservations a' la reception d'un hotel
pour les membres de la mission conjointe en perspective de l'autorisation
de la visite.

 c) Le troisieme incident a ete' le suivant: l'agent de securite' de
l'ONU a ete' apostrophe' alors qu'il quittait la ville de Goma. Des soldats
lui ont demande' s'il faisait partie de la mission conjointe. Il leur a
repondu par l'affirmative. Ils lui ont dit qu'ils avaient entendu parler de
cette mission sur la BBC et qu'ils savaient par leurs superieurs qu'elle
irait au Sud-Kivu. A ce moment-la, un des soldats a tire' un coup de feu
au-dessus de sa tete, lui precisant que c'etait un avertissement a'
l'intention d'un membre precis de la mission conjointe qui ne devait plus
revenir dans la region.

25.  Le rapport conclut que, selon tous les renseignements et tous les
temoignages recueillis, il regne sur place en permanence, un climat de
tension extreme et d'insecurite.

26.  Il convient de signaler que de nombreuses personnes ont pu prendre
contact avec l'agent de securite' de l'ONU pour lui relater les drames
qu'elles ont vecus et les violations des droits de l'homme qu'elles ont
subies.
 
 

C.  Les activites de la mission conjointe a' Kigali

27.  Pendant qu'ils attendaient a' Kigali l'autorisation de se rendre dans
l'est du Zaire, les membres de la mission conjointe ont etudie' toute la
documentation disponible et recueilli de nombreux temoignages spontanes.
Ils ont tenu des reunions avec des organismes des Nations Unies, des
organisations non gouvernementales et des membres du corps diplomatique
accredite' a' Kigali. Ils se sont entretenus en outre avec des journalistes
arrives de Kisangani, ainsi qu'avec d'autres qui avaient passe' de nombreux
mois dans la region, et ont pu recueillir les temoignages d'anciens
refugies rwandais rapatries. Ils ont pu voir des temoignages filmes et des
photographies inedites, ce qui a contribue' a' forger l'opinion dont il est
rendu compte dans le present rapport. La mission conjointe a etudie' au
total 33 rapports d'organismes et temoignages de victimes et a egalement vu
un grand nombre de photographies ainsi qu'une video des sites de massacres
et fosses communes. Un grand nombre de recits et de rapports ecrits ont
ete' confirmes oralement par leurs auteurs.

28.  Les membres de la mission conjointe ont du rentrer a' Geneve sans
avoir pu se rendre dans la zone ou' ils devaient enqueter. Ils ont rendu ce
fait public dans un communique' de presse en date du 9 mai 1997. Bien que
la mission n'ait pu atteindre ses objectifs premiers, sa presence a' Kigali
a permis, outre les informations recueillies, d'attirer l'attention de la
communaute' internationale sur le fait qu'il importe d'inclure la questione
des droits de l'homme dans le processus de reglements du conflit et de
transition politique au Zaire.
 
 
 

II. LES OBJECTIONS DE L'ALLIANCE ET LA POSITION DE LA MISSION CONJOINTE

A.  Les objections de l'Alliance

29.  Les objections de l'Alliance concernent principalement le contenu du
rapport de la mission preliminaire effectuee par le Rapporteur Special sur
le Zaire, la composition de la mission conjointe et plus particulierement
la participation de M. Garreton, ainsi que le mandat de la mission
conjointe.
 

Rapport de la mission preliminaire et composition de la mission conjointe

30.  L'Alliance, dans le document que son commissaire a' la justice a remis
aux interlocuteurs mandates par la mission conjointe, se plaint de n'avoir
eu connaissance que le 5 mai du rapport de la commission preliminaire
(E/CN.4/1997/6/Add.2) que lui a communique' l'un des interlocuteurs. Elle
se plaint egalement de ne pas avoir ete' invitee par la Commission des
droits de l'homme de l'ONU.

31.  En ce qui concerne la composition de la mission conjointe, l'Alliance
formule de "serieuses reserves" sur la participation du Rapporteur special
sur la situation des droits de l'homme au Zaire, M. Roberto Garreton, pour
les raisons suivantes:

 a) son rapport s'appuie sur les declarations de Kamanda wa Kamanda
(Ministre des relations exterieures au Zaire), pour apporter la preuve
quasi irrefutable des allegations dirigees contre l'Alliance et
 b) il n'a propose' aucune enquete sur les violations des droits de
l'homme commises au cours des conflits ethniques au Zaire.
 

Mandat et modalites des enquetes

32.  Une autre objection que formule l'Alliance est que le mandat de la
mission conjointe se limite a' la periode posterieure au 1er septembre
1996, date du debut de la guerre, ce qui, selon elle, aurait ete' propose'
par Kinshasa. Elle suggere:

 a) que la mission enquete sur les faits posterieurs au 20 mars 1993
quand a eclate, dans le Nord-Kivu, un conflit qui a fait de nombreuses
victimes a' Masisi, Rutshuru, Kalehe, Lubero, Goma, Nyragongo;

 b) qu'une enquete soit ouverte sur les victimes qui seraient
imputables aux forces armees zairoises apres le deces du colonel Makabe,
sur celles qu'auraient fait les soldats zairois dans le camps de refugies
entre 1994 et 1996 ainsi que sur les actes de genocide des interahamwe;

 c) d'enqueter egalement sur les cas de refugies rwandais au Zaire
qui seraient morts des suites du cholera et de la dysenterie ainsi que sur
le refus des milices interahamwe dans les camps de refugies de deposer les
armes.

33.  Dans le document remis par l'Alliance, elle propose quelques modalites
pratiques de collaboration, notamment:

 i) que l'enquete ait un caractere contradictoire, qu'elle soit
menee avec la participation d'une equipe de quatre experts nationaux, que
des seances communes de travail soient organisees et que soit garanti le
secret des temoignages que la mission conjointe devra entendre, l'Alliance
donnant les garanties necessaires de securite;

 ii) que le Rapporteur special sur les droits de l'homme au Zaire,
M. Roberto Garreton, ne participe pas a' l'enquete en raison de ses prises
de position anterieures.
 

34.  L'AFDL a ajoute' oralement deux autres conditions: la participation
d'observateurs de l'Organisation de l'unite' africaine et la verification
des criteres du choix des experts legistes.
 
 

B.  Position de la mission conjointe

35.  La mission conjointe a rejete' toutes les conditions decrites
ci-dessus pour les motifs suivants:
 

Rapport de la mission preliminaire

36.  En premier lieu, la mission conjointe fait observer que le rapport de
la mission preliminaire du Rapporteur special sur le Zaire
(E/CN.4/1997/6/Add.2) a ete' publie' le 2 avril et a pu etre consulte' par
toute personne interessee, puisqu'il s'agissait d'un document a'
distribution generale. En outre, il est difficile de comprendre comment, si
elle n'avait pris connaissance de ce rapport que le 5 mai, l'AFDL aurait
pu, des le 27 avril - sinon plus tot - formuler des reserves quant a'
l'impartialite' de son auteur et refuser sa participation a' la mission
conjointe. De plus, l'AFDL ne fait reference a' aucune base juridiquement
etablie pour justifier la protestation contre le fait de n'avoir pas ete'
officiellement invitee par la Commission des droits de l'homme a'
participer aux debats de sa derniere session.

37.  En ce qui concerne les citations extraites d'un communique' de celui
qui etait a' l'epoque le Ministre des relations exterieures, M. Kamanda wa
Kamanda, contenues dans le rapport preliminaire, la mission conjointe fait
observer qu'il est fait etat dans le rapport (E/CN.4/1997/6/Add.2 par. 21
et 45) de 50 incidents faisant etat de graves atteintes au droit a' la vie
et qu'a' propos de cinq d'entre eux seulement, il est fait allusion a' un
rapport de M. Kamanda, toujours presente' comme l'une seulement des sources
citees. En outre, toutes les references a' ces informations sont destinees
a' prouver les contradictions evidentes entre les chiffres emanant des
differentes sources (E/CN.4/1997/6/Add.2 par. 49). Le rapport n'attribue au
rapport de M. Kamanda aucun caractere de preuve "quasi irrefutable" ni meme
de simple presomption de preuve etablie.
 

Mandat et modalites d'enquete

38. Pour ce qui est de l'accusation portee contre le Rapporteur special sur
le Zaire, concernant le refus d'effectuer des enquetes sur les violations
des droits de l'homme commises entre 1993 et 1996, lors des conflits
ethniques du Kivu, elle est sans fondament: en effet,

 1. dans son premier rapport sur la situation des droits de l'homme
au Zaire en 1994 (E/CN.4/1995/67, par. 85 a' 95), le Rapporteur special a
etudie' les conflits ethniques du Kivu septentrional, precisement depuis le
massacre du marche' de Ntoto en mars 1993, ainsi que la participation des
ethnies nande, nyanga et hunde, et l'appui des Forces armees zairoises aux
agresseurs;

 2. dans son deuxieme rapport, concernant l'annee 1995
(E/CN.4/1996/66, par. 23 a' 32), le Rapporteur special traite a' nouveau de
la question en profondeur;

 3. de plus, le Rapporteur special a effectue' une enquete speciale
lors d'une mission realisee au Rwanda en juillet 1996, sur les evenements
survenus dans le Nord-Kivu et auxquels l'AFDL se refere aujourd'hui.
L'enquete s'est deroulee au Rwanda car les autorites de Kinshasa n'avaient
pas autorise' l'acces du rapporteur au Zaire, et dans le rapport
correspondant (E/CN.4/1997/6/Add.1), la responsabilite' di Gouvernement
zairois est clairement etablie; enfin,

 4. dans son troisieme rapport annuel (E/CN.4/1997/6, par. 164 a'
169), les informations contenues dans le rapport de cette derniere mission
sont mises a' jour.
 

39. Quant a' la periode visee par l'enquete, elle a ete' fixee par la
Commission des droits de l'homme elle-meme par consensus et non par les
membres de la mission.

40. La question des refugies rwandais dont la mort est consecutive au
cholera ou a' la dysenterie releve, quant a' elle, du mandat de la mission
conjointe. Pour ce qui est du refus de deposer les armes des milices
interahamwe, la mission conjointe souligne que cette question a ete'
traite' par le Rapporteur special sur la situation des droits de l'homme au
Zaire dans ses rapports anterieurs (par. 96 a' 103 et 275 du premier
rapport; par. 44, 45, 51, 131 et 132 du deuxieme rapport; par. 157 a' 163
et 233 du troisieme rapport; et par. 86 et 126, alineas d), e), f), g) et
i) du rapport sur la mission entreprise au Rwanda en juillet 1996).

41. La mission ne peut non plus accepter ce que l'Alliance qualifie de
"modalites pratiques de collaboration" car elles sont totalement etrangeres
au mandat etabli par la resolution 1997/58 de la Commission:

 a) la mission conjointe ne peut pas modifier sa composition,
laquelle a ete' determinee par une resolution adoptee par consensus par la
Commission des droits de l'homme, que ce soit en supprimant la
participation de l'un des membres designes, ou en integrant des personnes
dont la Commission n'a pas fait mention et qui seraient a' la fois juges et
parties. En effet, dans sa resolution 1997/58, la Commission des droits de
l'homme a cree une equipe chargee de mener a' bien une mission conjointe
pour enqueter sur les faits allegues. La mission ne peut pas exclure l'un
de ses membres sans renier le mandat qui lui a ete' confie. Par ailleurs,
il n'appartient pas a' l'une des parties faisant l'object de l'enquete de
choisir les personnes qui enqueteront sur les faits; selon la meme logique,
chacune des autres parties visees par l'enquete (Forces armees zairoises,
anciennes Forces armees rwandaises et interahamwe, mercenaires, etc.)
pourrait s'opposer a' la participation de l'un quelconque des membres ou
exiger la presence de leur representants;

 b) il n'y a pas lieu non plus d'integrer des observateurs d'un
organisme non mentionne' dans la resolution et dont l'eventuelle
participation devrait etre convenue et acceptee par la Commission des
droits de l'homme comme par l'Organisation de l'unite' africaine;

 c) les experts legistes exercent leur fonctions a' la demande de la
mission conjointe, laquelle a approuve' leur participation apres s'etre
assuree de leurs capacites et de leur vaste experience acquise a'
l'occasion de taches semblables au sein de l'Organisation des Nations
Unies. Il appartient a' la mission conjointe d'analyser leurs observations
et de les evaluer, sous sa responsabilite, dans le rapport.
 
 

III.  ATTAQUES CONTRE LES CAMPS DES REFUGIES

42.  La tragedie qui a amene' la Commission des droits de l'homme a'
ordonner l'ouverture d'enquetes dans l'est du Zaire - decision appuyee par
le Conseil de securite' - est l'existence d'allegations selon lesquelles
des massacres auraient ete' commis a' l'interieur des camps de refugies
rwandais entres au Zaire a' la suite du genocide des Tutsies et des
massacres de Hutu moderes perpetres en 1994 au Rwanda. L'existence meme de
ces camps est l'une des causes qui ont dechaine' le conflit dans l'est du
Zaire, ce qui justifie que l'on consacre a' cette question un chapitre
entier
(note: Pour les causes et le developpement initial du conflit, voir le
rapport du Rapporteur special sur la situation des droits de l'homme au
Zaire (E/CN.4/1997/6, par. 170 a' 189). Le Rapporteur special a mis en
garde contre la possibilite' d'un tel conflit, avant meme qu'il n'eclate,
dans l'Add. 2, a' la suite de sa visite au Rwanda de juillet 1996.
Brievement resumees, les causes eloignees du conflit sont "le trace' des
frontieres entre les diverses colonies, encore aggrave' par les
transplantations de populations, sans respect des limites que reconnaissent
les ethnies originaires"; a' cela il faut ajouter: une cause politique, le
retrait de la nationalite' zairoise aux Tutsis etablis au Zaire depuis des
generations, les Banyamulenges; l'arrivee massive de refugies rwandais
apres le genocide perpetre' dans leur pays, et ses consequences
desastreuses pour l'economie et l'environnement locaux; enfin, les
incitations des autorites qui poussaient a' expulser tous les Rwandais -
hutus ou tutsis - du territoire du Zaire.
Ces incitations ont determine' les Banyamulenges a' organiser leur defense
face aux menaces d'expulsion, au point qu'a' ses debuts la guerre a ete'
denommee guerre des Banyamulenges, et etait dirigee par l'un d'eux, Miller
Ruhimbika. Les Banyamulenges ont beneficie' de toute la solidarite' -
armes, personnes et moyens - des autorites au pouvoir au Rwanda et au
Burundi, egalement tutsis. La question de la nationalite' a ensuite perdu
toute importance car, en se developpant, le conflit s'est transforme' en
une guerre, dirigee par l'AFDL, avec a' sa tete Laurent Kabila, contre la
dictature de Mobutu Sese Seko, ancien allie' du defunt President Rwandais,
Juvenal Habyarimana.)

43. Avec la victoire du Front patriotique rwandais au Rwanda, 1.200.000
personnes environ, en majorite' de l'ethnie hutu, ont fui vers le Zaire. Il
se trouvait parmi elles d'anciens membres des Forces armees rwandaises en
deroute et des miliciens appeles interahamwe, c'est-a-dire "ceux qui
attaquent ensemble". Des nombreux temoignages recueillis par le Rapporteur
special sur la situation des droits de l'homme au Zaire dans son rapport
(E/CN.4/1996/6/Add.1) soulignent leur ferocite, ainsi que les incursions
qu'ils font au Rwanda pour faire disparaitre les temoins du genocide
(E/CN.4/1996/6/Add.1 par. 121 et 123); ces incursions visent aussi
l'Ouganda (E/CN.4/1996/6/Add.1 par 122) et l'on craint de les voir se
produire au Burundi (E/CN.4/1996/6/Add.1 par. 124). Cette presence massive
de refugies a provoque' d'enormes degats pour l'economie et l'ecologie
zairoises, et a ete' la cause d'incidents violents les opposant aux FAZ et
a' la population locale qui voyait des milliers de compatriotes se deplacer
en quete de securite' et de meilleures conditions de vie.

44.  Selon les forces de l'AFDL et le Gouvernement rwandais, les refugies
sont constitues essentiellement d'auteurs du genocide, de membres de
l'ancienne armee rwandaise (ex-FAR) et de miliciens interahamwe,
(note: voir les rapports du Rapporteur special sur la situation des droits
de l'homme au Zaire: E/CN.4/1996/67, par. 96; E/CN.4/1996/66, par. 32, 44
a' 51 et 132; E/CN.4/1997/6, par. 157; E/CN.4/1997/6/Add.1, par 38 a' 41,
51, 75, 76 notamment)
et cela, qu'ils se trouvent dans les camps, soient caches dans la foret,
soient desarmes ou malades. Quelqu'un, qui se dit le representant de l'AFDL
en Europe et est considere' comme tel en divers milieux, M. E. Angulu, a
declare' a' la mission conjointe que tant que le refugies ne seront pas
separes des ex-FAR et des interahamwe, ils seront tous consideres comme des
ennemis, car ils leur servent de boucliers.

45. Bien entendu, on ne saurait ignorer la presence d'auteurs du genocide,
de militaires et de miliciens parmi les refugies. Malheureusement, le
Gouvernement zairois a, a' plusieurs reprises, fait obstacle a' leur
eloignement, malgre' les demandes repetees du Haute Commissaire aux
Refugies et l'insistance du Rapporteur special sur la situation des droits
de l'homme au Zaire. Il n'en reste pas moins inacceptable de pretendre que
plus d'un million de personnes - parmi lesquelles de nombreux enfants -
soient collectivement designes comme des auteurs de genocide et puissent
etre executes sans jugement.
 

Attaques directes menees par des militaires et/ou des civils sous la
conduite des forces de l'Alliance

46. Selon les informations reçues, des attaques feroces ont ete' lancees
depuis le debut de la guerre contre les camps de refugies aussi bien
rwandais que burundais d'Uvira (22 et 23 octobre), Bukavu (29 octobre et
jours suivants), Goma (3 novembre) et aux abords de ces villes. Peu
important que les victimes fussent ou non des auteurs du genocide, des
Interahamwe, des membres des ex-FAR ou encore des intimidateurs. Il en a
ete' de meme pour les attaques lancees contre les camps de Shabunda a' la
mi-janvier 1997 et Tingi-Tingi et Amisi en fevrier. Il ressort des
temoignages que les affrontements et les attaques ont ete' suivis de
massacres de refugies et d'assassinats de civils non combattants, des Hutus
dans leur quasi-totalite.

47.  Selon les donnees disponibles, sur 1,2 million de refugies installes
au Zaire a' partir de juillet 1994, 1.150.000 se trouvaient encore dans les
camps de refugies au debut du conflit, en septembre 1996. L'arrivee des
rebelles et les attaques contre les camps ont pousse' quelque 600.000
Rwandais et 100.000 Burundais a' retourner dans leur pays, a' leurs risques
et perils. A la date du 6 mai 1997, 183.000 avaient ete' rapatries au
Rwanda par le HCR. Environ 120.000 ont fui vers Kisangani, Ubundu et
Masisi. D'autres, au nombre de 2.100, se sont refugiees en Tanzanie. On n'a
aucune nouvelle d'environ 140.000 refugies, meme si, a' maintes reprises,
certains des disparus ont ete' retrouves plus tard, errant vers l'ouest,
caches dans la foret ou se terrant dans une localite. Les 250.000 refugies
perdus en novembre et retrouves seulement le 20 decembre entre Shabunda,
Tingi-Tingi et Walikale ne constituent pas un cas unique (E/CN.4/1996/6,
par. 160).

48.  Les refugies ont du fuir d'un camp a' un autre. C'est ainsi que
certains d'entre eux sont passes par cinq camps, peut-etre davantage. Ils
ont du parcourir des centaines de kilometres a' pied, sans aucune aide. Les
refugies ont ete' disperses dans des zones particulierement inhospitalieres
et inaccessibles pour les organisations humanitaires, ce qui a fait que les
principales causes de deces sont l'epuisement et la sous-alimentation,
outre le paludisme, le cholera et la dysenterie.

49.  Dernierement, on a denonce' un autre stratageme utilise' pour attaquer
les refugies: selon de nombreux temoignages, les forces de l'Alliance
annoncent l'arrivee des organismes humanitaires afin que les refugies
caches dans la foret, et qui ecoutaient la radio, se rassemblent pour
recevoir de l'aide; c'est a' ce moment-la' qu'ils sont tues ou qu'ils
disparaissent definitivement. A leur arrivee, les organismes ne trouvent
aucun survivant. Cela a ete' le cas a' Kisuki (27 mars) ou a' Matebo, trois
jours plus tard, et on peut citer bien d'autres exemples encore.

50.  Il apparait des recits entendus ou lus par la mission conjointe que
les actes de violence attribues a' l'AFDL ont ete' pour la plupart
perpetres contre les refugies a' l'interieur des camps de refugies, non
seulement au debut de la guerre, mais encore jusqu'au mois de mai de
l'annee en cours au moins. Tres souvent, les cibles n'ont ete' ni les
combattants interahamwe, ni les anciens soldats des ex-FAR: il s'est agi
aussi de femmes, d'enfants, de blesses, de malades, de moribonds et de
personnes agees, sans que l'on puisse leur attribuer un dessein belliqueux
precis. Bien des fois, les massacres ont etes commis alors que les
miliciens et les soldats des anciens FAR avaient deja' commence' a' battre
en retraite.

51.  Le faits les plus recents parvenus a' la connaissance de la mission
conjointe se sont deroules a' Mbandaka le 13 mai. Des refugies, dans leur
majorite' des femmes, des enfants et des hommes non armes, qui fuyaient
vers l'ouest ont ete' assassines et leur corps jetes dans le fleuve Congo,
tandis que quelque 140 refugies etaient enterres par des organismes
humanitaires et des paysans dans des fosses communes. On accuse de ces
faits l'unite' chargee de faire le "menage" qui avait deja' opere' au sud
de Kisangani. Et selon des temoignages reçus - qui ont amene' le Rapporteur
special sur la situation des droits de l'homme au Zaire et le Rapporteur
special sur les executions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a'
lancer un appel urgent commun -, plus de trente civils ont ete' assassines
a' Uvira le 26 mai par les forces de securite' de l'AFDL, alors qu'ils
participaient a' une manifestation organisee pour protester contre
l'assassinat quelque temps auparavant de cinq personnes qui avaient ete'
enlevees par des elements de l'Alliance.

52.  De plus, meme dans le cas d'authentiques combattants, il y a lieu de
rappeler que ni les Banyamulengues ou les rebelles de l'Alliance, d'une
part, ni les miliciens interahamwe ni les ex-FAR, d'autre part, ne font de
prisonniers. Ce fait a ete' reconnu par celui qui est connu comme le
representant de l'Alliance en Europe, E. Angulu, lequel a ajoute' que les
ex-FAR et interahamwe blesses au combat sont ammenes par leurs protecteurs,
les membres des FAZ, a' Kinshasa, ou' ils seraient visibles a' l'hopital.

53.  Cependant, les attaques contre les camps n'ont pas ete' la seule
methode utilisee pour eliminer les refugies.
 

Le blocage de l'aide humanitaire

54.  Le blocage de l'aide humanitaire a ete' chose courante, en particulier
dans les premiers jours suivant la conquete ou la "liberation" d'une zone.
Cela s'est d'abord passe' a' Uvira. Durant presque tout le mois de
novembre, le HCR a ete' empeche' d'atteindre la zone de Rutshuru, et
certaines regions lui ont ete' totalement interdites, comme la route
reliant Hombo a' Walikale, zone notamment citee comme ayant ete' le theatre
d'evenements d'une extreme gravite. Tel a ete' aussi le cas dans certaines
zones de Masisi et dans le camp situe' pres de Ikela. Recemment, le 15 mai,
le Haut Commissaire adjoint aux refugies lui-meme, M. Sergio Vieira de
Mello, n'a pas pu aller plus loin que le kilometre 42 au sud de Kisangani,
ou' des milliers de refugies attendaient de l'aide. A la fin du mois de
mai, le blocage se poursuivait dans diverses regions.

55.  Ces faits ne sont jamais presentes comme un refus d'acces par les
autorites. Elles invoquent generalement des raisons de securite. C'est
l'argument que l'on a oppose' au Rapporteur special sur la situation des
droits de l'homme au Zaire lorsque, le 28 mars, il a ete' informe' qu'il ne
pouvait se rendre a' Nyakariba et a' Nyamitaba (E/CN.4/1997/6/Add.2, par.
13). C'est ce qui est arrive' aussi a' Kisangani, ou' la meme objection a
ete' faite au Haut Commissaire adjoint aux refugies.

56.  Parfois, l'acces a' l'aide humanitaire a ete' limite' a' quelques
heures dans la journee et, dans certains cas, a' quelques jours.

57.  Le non acces a' l'aide humanitaire revet une extreme gravite: selon
certaines sources, le taux de mortalite' dans les camps est de 5 a' 25
deces quotidiens pour 10.000 refugies et, dans un cas au moins, il a
atteint 89,5 deces quotidiens pour 10.000 (lors de catastrophes, un taux de
1 deces quotidien pour 10.000 personnes est deja' considere' comme
excessif). Pres de la moitie' des victimes sont des enfants de moins de 5
ans.

58.  Non seulement cette attitude des forces de l'Alliance maintenue
pendant huit mois, en depit de toutes les requetes des organismes
humanitaires, est difficilement explicable, mais encore elle amene a'
soupçonner que c'est la' une tactique plus subtile mais non moins efficace
visant a' eliminer les refugies rwandais. L'impression generale de ceux qui
ont eu a' l'observer est qu'il ne s'agirait pas seulement de violences
occasionnelles, mais plutot d'un stratageme savamment utilise. Ceux qui ont
echappe' aux attaques risquent leur vie dans la foret, en depit des efforts
des organismes humanitaires. Les temoignages concordants de personnes qui
disent avoir ete' averties que le seul fait d'aider les refugies hutus
faisait d'elles des ennemis vient renforcer cette idee. A l'evidence, nul
motif tire' de l'insecurite' ou l'instabilite' des pays voisins ne saurait
justifier ces faits.
 

Situation des personnes deplacees a' l'interieur de leur pays

59.  Depuis le debut du conflit dans le Nord-Kivu (E/CN.4/1996/66, par. 23
et 31, et pratiquement tout le rapport portant la cote
E/CN.4/1997/6/Add.1), de nombreux Zairois se sont refugies au Rwanda - et,
en 1996, 40.000 en Tanzanie -, ainsi que dans d'autres regions du pays. A
la date du 29 juillet 1996, le nombre des personnes deplacees a'
l'interieur de leur pays etait compris entre 250.000 et 400.000.

60.  La situation de ces personnes continue d'etre aussi precaire que celle
des refugies, pire, il n'existe aucun organisme specialise' qui se
preoccupe de leur sort. Les personnes deplacees et la population zairoise
en general considerent les refugies comme d'authentiques "privilegies", qui
beneficient de l'aide des organisations intergouvernementales et non
gouvernementales internationales, en depit des dommages -  c'est un fait -
que leur presence a cause' a' leur mode de vie et a' leur environnement.
 
 
 

IV.  ALLEGATIONS CONCERNANT LES MASSACRES
ET AUTRES VIOLATIONS DES DROITS
DE L'HOMME

61.  Un grand nombre d'informations et de temoignages concernant des
allegations des massacres et d'autres violations des droits de l'homme ont
ete' reçus par la mission conjointe. Il va sans dire qu'une enquete sur le
terrain comme celle demandee par la Commission des droits de l'homme
permettra de verifier de plus pres ces allegations.
 
 

A.  Allegations de violations des droits de l'homme attribuees a' l'AFDL

62.  Le nombre d'informations reçues par la mission conjointe a presque
triple' en comparaison des 50 allegations de massacres qui figurent dans le
rapport preliminaire du Rapporteur special sur la situation des droits de
l'homme au Zaire (E/CN.4/1997/6 Add.2). La mission conjointe n'a pas
concentre' ses recherches sur les cas individuels d'executions sommaires,
de disparitions forcees, de tortures ou d'autres violations des droits de
l'homme etant donne' que l'essentiel de son mandat consistait a' rassembler
des informations et des temoignages au sujet des massacres et autres
violations massives des droits de l'homme. Elle a neanmoins reçu de
nombreux temoignages concernant de tels faits.

63.  La mission conjointe a eu connaissance de 134 allegations de massacres
commis principalement par l'AFDL et les rebelles banyamulenge. Parmi ces
allegations de massacres, 93 auraient eu lieu au Nord-Kivu, 29 au Sud-Kivu
et 2 au Haut-Zaire. Les victimes sont le plus souvent des refugies accuses
d'appartenir aux milices interahamwe ou des ex-FAR, mais egalement des
habitants de villages zairois a' majorite' hutu, presumes d'avoir aide' des
refugies. Les informations reçues font etat de plusieurs milliers de
personnes tuees parmi lesquelles figurent un grand nombre de femmes et
d'enfants. Des dizaines de milliers de personnes, en particulier des
refugies, auraient disparus involontairement. Certains d'entre eux, pousses
vers les forets, sont probablement morts de maladie ou de malnutrition, ils
n'ont pas ete' massacres. Certains temoignages proviennent de personnes qui
avaient elles-memes enterre' des cadavres dans des fosses communes. Des
morceaux de baches du HCR seraient encore visibles sur ces fosses. De
nombreux temoignages font aussi etat d'insupportables odeurs des charniers
un peu partout dans le Kivu.

64.  Il convient d'ajouter que, selon certains temoignages, l'AFDL a, a'
quelques reprises, fait participer la population local aux atrocites. Par
exemple, le 21 avril, des civils zairois ont attaque' a' l'aide de
machettes le camp de Kisesa I (qui abritait 25.000 personnes environ) et,
le 22 du meme mois, le camp de Kisesa II (km 25, peuple' de 30.000
refugies) dont ils ont detruit les installations, tout en saccageant le
materiel des organisations humanitaires et du HCR). Les informations et
temoignages reçus attestent neanmoins que la population locale a participe'
a' ces attaque a' la demande et avec l'appui de soldats de l'AFDL. Les
autorites actuelles n'ont ordonne' aucune enquete sur les allegations, mais
au contraire multiplient les denegations. Des nombreux temoignages font
etat de tentatives de faire disparaitre les traces de charniers et de
fosses communes, notamment en y mettant le feu.

65.  L'acces au Kivu demeure tres difficile pour les organisations
humanitaires alors meme que des hommes d'affaire de toute nationalite'
sillonnent la region a' la recherche d'affaires juteuses sous escorte de
l'ADFL qu'ils auraient paye' de leurs poches.
 
 

B.  Allegations de violations des droits de l'homme attribuees aux FAZ

66.  La mission conjointe dispose de temoignages et d'informations qui
attestent de la participation de membres des Forces armees zairoises,
agissant seules ou avec d'autres (milices bembes, par exemple) a' des
violations des droits de l'homme. Ces informations se referent a' 33
allegations, differentes de celles deja' mentionnees par le Rapporteur
special sur la situation des droits de l'homme au Zaire dans son rapport
preliminaire (E/CN.4/1997/6 Add.2).

67.  Parmi ces 33 allegations de violations des droits de l'homme, 19
auraient ete' commises au Sud-Kivu, 5 au Haut-Zaire, 4 au Nord-Kivu, 2 au
Shaba et 1 au Kasai Oriental. Vingt-trois allegations font etat
d'executions et de massacres dont les victimes seraient en majorite' des
civils zairois et plus particulierement des banyarwanda. Le reste des
allegations reçues fait etat d'autres types de violations des droits de
l'homme tels que des tortures, des viols et des pillages.

68.  Le Rapporteur special sur la situation des droits de l'homme au Zaire,
a' l'occasion de sa visite a' Goma du 27 au 29 mars, de meme que les
interlocuteurs qui se sont entretenus avec les autorites de l'AFDL a'
Lumumbashi, ont indique' qu'ils etaient disposes a' recevoir toutes les
plaintes que l'AFDL pourrait deposer contre les autres parties au conflit,
qu'il s'agisse de membres des FAZ, de refugies, de mercenaires ou de toute
autre personne, a' etudier ces plaintes et a' enqueter a' leur sujet.

69.  Dans les deux cas, les representants de l'Alliance se sont engages a'
fournir au Rapporteur special ou a' la mission conjointe, selon le cas, les
informations pertinentes. Malheureusement, a' ce jour, ni l'un ni l'autre
n'ont reçu de telles informations.
 
 

C.  Allegations de violations des droits de l'homme attribuees aux ex-FAR
et aux milices interahamwe

70.  Le nombre d'allegations reçues par la mission conjointe sur des
incidents commis par des membres des ex-FAR et des milices interahamwe
s'eleve a' 19. De nombreux temoignages revelent que des membres des milices
interahamwe et des ex-FAR se sont livres a' des actes d'intimidation pour
dissuader les refugies de rentrer chez eux. Un temoin dit qu'il est passe'
par divers camps (Idjwii, Kashusha, Nyabibwe, Tebero, Walikale, Tingi-Tingi
et Bula) et que la situation y etait identique. Bon nombre de ceux qui ont
tente' de rentrer, qui ont simplement annonce' leur intention de le faire
ou que l'on a soupçonnes de vouloir partir ont ete' executes.

71.  La mission deplore le manque de collaboration de l'AFDL, qui n'a pas
envoye, conformement a' ses engagements, les elements d'information qu'elle
dit detenir sur les atrocites commises par des membres des ex-FAR et des
milices interahamwe.
 
 

D. Allegations de violations des droits de l'homme attribuees aux autres
parties au conflit

72.  Il n'y a pas de doute sur la participation d'autres parties a' la
guerre, notamment de l'armee patriotique rwandaise et des forces armees
burundaises, ni la participation de mercenaires et d'autres milices comme
la mai-mai ou celles de l'ethnie bembe. En tout etat de cause, il semble
que ces dernieres soient toujours associees a' d'autres participants et
n'agissent que rarement seules. Lorsqu'elles le font, elles apparaissent
liees aux parties principales.
 

Armee patriotique rwandaise (APR)

73.  Dans son rapport annuel, le Rapporteur special sur la situation des
droits de l'homme au Zaire dit que "le Gouvernement du Rwanda, a' une
occasion au moins (30 octobre) a reconnu une incursion en territoire
zairois, tandis que de nombreux temoins confirment la presence de
militaires rwandais au Zaire", et que les accusations concernant la
presence de forces militaires etrangeres, rwandaises notamment, sur le
territoire zairois sont vraisemblables (E/CN.4/1997/6 par 178 et 179).

74.  Cette participation etrangere pourrait s'expliquer de la maniere
suivante: le Gouvernement zairois ne voulait pas separer les milices
interahamwe et les ex-FAR des refugies de bonne foi, ce qui a permis aux
premiers de faire les incursions deja' mentionnees. En mars 1995 deja, le
Vice-President du Rwanda, le general Paul Kagame, avait declare' qu'il
etait preoccupe' par le fait que la communaute' internationale n'empechait
pas la militarisation des camps des refugies, ce qui favorisait les
incursions dans son pays. A cette occasion, il avait indique' que son
Gouvernement poursuivrait les criminels qui attaqueraient le Rwanda en
attaquant le pays dans lequel ils se trouveraient.

75.  En septembre, le President du Rwanda, Pasteur Bizimungu, a appele'
depuis Cyangungu les jeunes banyamulengues a' envoyer leurs femmes et leurs
enfants au Rwanda et a' reprendre le combat pour defendre leurs droits. Son
discours, qui etait particulierement virulent, a ete' critique' par le
Rapporteur special sur le Zaire dans son rapport annuel (E/CN.4/1997/6,
par. 181 et note 11).

76.  D'autre part, bon nombre de Banyamulengues font partie de l'Alliance
et beaucoup sont alles combattre en 1994 avec le Front patriotique
rwandais, ainsi que le Vice-President du Rwanda l'a reconnu en novembre
1996. Le Rapporteur special sur la situation des droits de l'homme au Zaire
a meme souligne' que de nombreux Banyamulengue zairois etaient entres au
Gouvernement rwandais (E/CN.4/1997/6, par. 178 et note 10). Beaucoup
d'entre eux sont retournes combattre dans leur patrie. De meme le
Gouvernement rwandais et le Gouvernement burundais (tous deux domines par
des tutsis, comme les Banyamulengues), ont rendu le soutien qu'ils avaient
reçu en envoyant des hommes combattre contre le Marechal Mobutu,
ex-protecteur du regime de Juvenal Habyarimana.

77.  Les temoignages qui mettent en cause l'AFDL attestent a' maintes
reprises la complicite' de l'APR. Mais d'autres, et notamment ceux reçus
par la mission conjointe, ne mentionnent que la participation de l'APR.
Parmi les quatre allegations de massacres dont la mission a eu
connaissance, les victimes etaient principalement des refugies dont les
cadavres auraient ete' retrouves dans les fleuves Semliki, Karoruma, Lubero
et Luhule.
 

Forces armees burundaises

78.  Comme dans le cas du Rwanda, le desir des autorites burundaises de
participer a' la guerre dans l'est du Zaire pourrait s'expliquer par la
persecution des refugies hutus. Il convient de rappeler que, selon de
nombreux temoignages, les Hutus burundais radicalises du Conseil national
pour la defense de la democratie (CNDD) emettaient a' partir du territoire
zairois des incitations a' prendre les armes contre le Gouvernement
burundais (E/CN.4/1996/66, par. 55 et 56).

79.  Divers temoignages rendent compte de la participation des forces
armees burundaises en particulier au debut de l'offensive des rebelles
banyamulenge. Ces informations font etat de quatre incidents ou' des
centaines de refugies hutus auraient ete' executes, notamment dans le camp
de Gatuma, au Sud-Kivu.
 

Mercenaires

80.  La participation de mercenaires aux massacres a egalement fini par
etre confirmee. A cet egard, l'incident le plus documente' est celui qui a
vu, le 8 mars, des membres des FAZ, allies a' des mercenaires serbes,
torturer a' mort un grand nombre de civils zairois, y compris deux
religieux, dans la zone de Kisangani. La mission conjointe a egalement ete'
informee qu'a' Walikale, Nord-Kivu, des mercenaires, conjointement avec des
FAZ qui pilotaient des avions yougoslaves, auraient bombarde' en fevrier
1997 des marches et des zones civiles. Un grand nombre de personnes
auraient ete' tuees. Des incidents similaires auraient eu lieu a' Shabunda,
Sud-Kivu.
 
 

V.  DISPOSITIONS DE DROIT INTERNATIONAL APPLICABLES

81.  Il convient de se demander si des faits tels que ceux qui ont ete'
decrits ont ete' ou non planifies ou presentent ou' non un caractere
systematique. Les rapports et temoignages reçus amenent a' penser qu'il
n'est pas possible d'ecarter leur caractere systematique, produit d'une
preparation prealable. La tactique qui consiste a' assieger les camps avant
de les attaquer, independamment de l'interet qu'ils presentent comme cible
militaire, l'invitation faite aux habitants des villes a' majorite' hutu a'
se reunir dans les ecoles ou les eglises pour ensuite les massacrer,
l'appel trompeur lance' par la voie de la radio officielle a' tous ceux qui
se trouvent dans la foret pour les encourager a' venir recevoir des soins
medicaux et une aide alimentaire avant de les assassiner et l'entrave a'
l'action humanitaire ou le refus oppose' a' l'action humanitaire dans les
camps en sont autant d'illustrations.

82.  La participation d'elements de l'Alliance a' ces faits ne serait plus
a' debattre; un esprit de vengeance pour le genocide perpetre' au Rwanda en
1994 et pour les persecutions et les tueries dont le Nord-Kivu est le
theatre depuis mars 1993 expliquerait ces evenements. Il ne faudrait pas
oublier que les Banyamulengues qui ont reconnu devant le Rapporteur special
sur la situation des droits de l'homme au Zaire qu'ils etaient en train de
s'armer pour se defendre (E/CN.4/1996/66, pr. 33) seraient membres de
l'Alliance et que nombre d'entre eux se seraient enroles dans les rangs du
Front patriotique rwandais, dont la victoire est a' l'origine de l'exode
des refugies vers le Zaire et la Tanzanie.
 

Les faits exposes constituent-ils un crime de genocide?

83.  Une premiere question que l'on peut se poser est celle de savoir si
les faits exposes constituent ou non un genocide. Selon l'article II de la
Convention pour la prevention et la repression du crime de genocide, du 9
decembre 1948, on entend par genocide "l'un quelconque des actes ci-apres,
commis dans l'intention de detruire, ou tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:
    a) meurtre de membres du groupe
    b) atteinte grave a' l'integrite' physique ou mentale des membres du groupe
    c) soumission intentionelle du groupe a' des conditions d'existence
devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle
    d) mesures visant a' entraver les naissances au sein du groupe
    e) transfert force' d'enfants du groupe a' un autre groupe".

84.  On ne peut pas nier que des massacres de caractere ethnique ont ete'
commis, dont les victimes sont en grande partie des hutu, rwandais,
burundais et zairois. De l'avis preliminaire de la mission conjointe,
certaines de ces allegations pourraient constituer des actes de genocide.
Il n'en demeure pas moins que les informations dont la mission conjointe
dispose actuellement ne permettent pas d'emettre une opinion precise et
definitive. Une enquete approfondie sur le territoire de la Republique
democratique du Congo permettrait d'eclaircir cette situation.
 

Les faits exposes constituent-ils des violations du droit international
humanitaire?

85.  La nature de "conflit arme" des faits exposes ne fait aucun doute.
Aucune des parties ne l'a nie' et l'on se trouve en presence des elements
prevus dans les Conventions de Geneve de 1949 auxquelles le Zaire est
partie. Il est egalement clair qu'il s'agit d'un conflit ou' des pays tiers
sont impliques et qui a des repercussions pour d'autres Etats (retour de
refugies, production de nouveaux refugies, etc.). Neanmoins le conflit se
deroule a' l'interieur d'un seul Etat. Bien que le Gouvernement zairois ait
denonce' l'intervention etrangere, la communaute' internationale toute
entiere a traite' le conflit comme un conflit non international.

86.  En revanche, l'obstruction a' laquelle se heurte l'action humanitaire
et les tres graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire
repertoriees peuvent etre considerees comme une menace a' la paix et a' la
securite' internationale, au sens du Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies.

87.  Par consequent, la gravite' des faits denonces, ainsi que le controle
effectif exerce' par les forces rebelles sur certaines parties du
territoire zairois depuis septembre 1996 depassent de beaucoup le caractere
de simples troubles ou tensions internes.

88.  A la lumiere de ces consideration, il est indiscutable pour la mission
conjointe qu'il faut appliquer au conflit declenche' dans l'est du Zaire
les normes enoncees a' l'article 3 commun des quatre Conventions de Geneve.
(note: En cas de conflit arme' ne presentant pas un caractere international
et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes,
chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins les
dispositions suivantes:

    1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilites, y
compris les membres des forces armees qui ont depose' les armes et les
personnes qui ont ete' mises hors de combat par maladie, blessure,
detention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances,
traitees avec humanite, sans aucune distinction de caractere defavorable
basee sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la
naissance ou la fortune, ou tout autre critere analogue.

A cet effet, sont et demeurent prohibees, en tout temps et en tout lieu, a'
l'egard des personnes mentionneees ci-dessus:
    a) les atteintes portees a' la vie et a' l'integrite' corporelle,
notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les
traitements cruels, tortures et supplices
    b) les prises d'otages
    c) les atteintes a' la dignite' des personnes, notamment les
traitements humiliants et degradants
    d) les condamnations prononcees et les executions effectuees sans un
jugement prealable, rendu par un tribunal regulierement constitue, assorti
des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples
civilises.

    2) Les blesses, les malades et les naufrages seront recueillis et
soignes (...)).

89.  Les allegations exposees dans le present rapport laissent penser que
cette disposition a ete' serieusement violee, mais que ces violations ne
sont pas seulement imputables a' l'Alliance, mais egalement aux autres
parties au conflit.
 

Les faits exposes constituent-ils des crimes contre l'humanite?

90.  Il reste enfin a' se demander si les faits dont il a ete' rendu compte
constituent ou non des crimes contre l'humanite.

91.  Le concept de crimes contre l'humanite' a ete' repris dans l'article 6
c) du Statut du Tribunal penal militaire de Nuremberg, dans la Convention
pour la prevention et la repression du crime de genocide, dans la
Convention pour la prevention et la repression du crime d'apartheid, dans
la Convention sur l'imprescriptibilite' des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanite, ainsi que dans le rapport de la commission d'experts
etabli par la resolution 780 du Conseil de securite' sur l'ex-Yougoslavie,
et enfin dans le projet de code des crimes contre la paix et la securite'
de l'humanite, elabore' par la Commission du droit international. L'article
18 de ce projet de code entend par crime contre l'humanite' "le fait de
commettre, d'une maniere systematique ou sur une grande echelle et a'
l'instigation ou sous la direction d'un gouvernement, d'une organisation ou
d'un groupe, l'un des actes ci-apres", en enumerant le meurtre,
l'extermination, la torture, la reduction en esclavage, les persecutions
pour des motifs politiques, raciaux, religieux ou ethniques, la
discrimination istitutionnalisee pour des motifs raciaux, ethniques, ou
religieux comportant la violation des libertes et droits fondamentaux de
l'etre humain et ayant pour resultat de defavoriser gravement une partie de
la population, la deportation ou le transfert force' de populations, operes
de maniere arbitraire, l'emprisonnement arbitraire, la disparition forcee
de personnes, le viol, la contrainte a' la prostitution et les autres
formes de violence sexuelle, d'autres actes inhumains, qui portent
gravement atteinte a' l'integrite' physique ou mentale, a' la sante' ou a'
la dignite' humaine, tels que mutilations et sevices graves.

92.  De l'avis de la mission conjointe, le concept de crimes contre
l'humanite' pourrait egalement s'appliquer a' la situation qui a regne' et
qui continue de regner dans la Republique democratique du Congo.
 
 
 

VI.  PROCHAINES ACTIVITES DE LA MISSION CONJOINTE

93.  La mission conjointe regrette que les autorites qui exerçaient le
pouvoir dans la region en conflit l'aient empechee de remplir plus
efficacement son mandat. Quoi qu'il en soit, elle attend la resolution
qu'adoptera l'Assemblee generale suite aux dispositions de la derniere
partie du paragraphe 6 a) de la resolution 1997/58 de la Commission et
espere que l'actuel Gouvernement de la Republique democratique du Congo
levera ses obstacles que la mission a rencontres quand elle a voulu se
rendre dans la region touchee et accepte de respecter les decisions des
organes competents des Nations Unies.

94.  La mission conjointe a deja' entrepris des preparatifs en vue d'une
nouvelle tentative de visite dans la region ou' s'est deroule' le conflit.

95.  Il faut comprendre les conditions difficiles dans lequelles
s'effectuerait une enquete de la nature proposee: il n'est pas facile de
coordonner les activites normales des trois membres de la mission conjointe
qui ont chacun a' remplir dans leur pays respectif des fonctions auxquelles
ils ne peuvent renoncer definitivement. A ces considerations, il faut
ajouter qu'il est indispensable de coordonner le planning de travail sur le
terrain avec l'Equipe argentine d'anthropologie et de medecine legale, qui
a du modifier son programme de travail au moment de la visite avortee au
Zaire.

96.  C'est pourquoi la mission conjointe exprime le souhait que dans le
cadre de la mission preparatoire qui s'est rendue au Zaire le 20 juin 1997,
envoyee par le Secretaire General apres des consultations avec le President
Laurent Desire' Kabila, les autorites de la Republique Democratique du
Congo offriront les garanties necessaires pour que l'enquete se fasse dans
le respect scrupuleux des dispositions de la resolution 1997/58 telle que
la mission l'a interpretee dans les termes de reference susmentionnes. Au
moment ou le present rapport etait finalise, la mission preparatoire
poursuivait les discussions avec le Ministre de la reconstruction et de la
planification des urgences et un "Comite' de liaison" etabli a' cet effet,
mais aucun signe concret de la volonte' des autorites de la Republique
Democratique du Congo de respecter la resolution susmentionnee n'etait
encore perceptible.

97.  Par ailleurs, le Gouvernement de la Republique Democratique du Congo
devra arreter et faire respecter les mesures de securite' les plus strictes
afin d'empecher que ne se reproduisent les situations evoquees plus haut et
assurer la liberte' de mouvement de la mission conjointe.
 
 
 

VII.  CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

A.  Conclusions

98.  La mission conjointe a reçu en complement de l'analyse contenue dans
le rapport de la mission preliminaire du Rapporteur special sur le Zaire du
mois de mars 1997 dans l'est du Zaire, des temoignages et des informations
sur la perpetration de massacres et d'autres violations graves des droits
de l'homme et du droit international humanitaire. Depuis la mission
preliminaire, le nombre d'allegations reçues concernant des massacres ainsi
que de sites de fosses communes a quadruple. En outre, il a ete'
particulierement choquant de noter l'absence de prisonniers de guerre et
les attaques contre des hopitaux ou centres de soins. Ces massacres et
violations des droits de l'homme ont pour origine:

    a) les attaques lancees aveuglement contre les camps de refugies
faisant des victimes non seulement parmi les membres des ex-FAR, les
interahamwe, les auteurs de menaces et les responsables de genocides, mais
egalement parmi les tres nombreux civils innocents, en particulier les
enfants, les femmes et les personnes agees;

    b) le blocage systematique de l'aide humanitaire destinee aux camps de
refugies, qui a fait un grand nombre de morts, victimes de malnutrition et
des maladies;

    c) la politique de guerre sans merci excluant la prise de prisonniers;

    d) les mesures d'intimidation visant a' forcer les refugies a' fuir
vers la foret et vers des zones hostiles ou' tout acces pour les missions
humanitaires a ete' rendu impossible.
 

99.  La mission conjointe peut d'ores et deja' indiquer qu'il existe des
indices graves permettant d'affirmer que des personnes appartenant a' l'une
ou a' l'autre des parties au conflit qui a eu lieu dans l'est du Zaire,
desormais la Republique Democratique du Congo, entre le debut du mois de
septembre 1996 et le 17 mai 1997, ont vraisemblablement commis de graves
violations du droit international humanitaire, en particulier des articles
3 (communs) des quatre Conventions de Geneve de 1949. Ces violations du
droit international humanitaire auraient ete' principalement commises par
l'AFDL, les banyamulenges et leurs allies (68,02% des allegations reçues).
En outre, elles auraient egalement commises par les Forces armees zairoises
(16,75% des allegations reçues), les ex-FAR et les interahamwe (9,64% des
allegations reçues), par l'Armee patriotique Rwandaise (2,03% des
allegations reçues), par les Forces Armees Burundaises (2,03% des
allegations reçues) et par des mercenaires (1,52% des allegations reçues)
qui luttaient aux cotes de Kinshasa. Il faut souligner que la mission
conjointe a aussi releve' plus de 30 cas pour lesquels il n'a pas ete'
possible de determiner les auteurs. Ces crimes semblent revetir un
caractere suffisamment massif et systematique pour que la qualification de
crime contre l'humanite' puisse leur etre attribuee. Ils doivent, en
attendant qu'une enquete plus approfondie puisse en identifier les auteurs,
etre declares imprescriptibles, conformement a' la Convention du 26
novembre 1968 sur l'imprescriptibilite' des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanite. En outre, les auteurs pourraient etre justiciables des
tribunaux internationaux, comme il en a ete' decide' pour l'ex-Yougoslavie
et le Rwanda.

100.  Apres une etude approfondie de l'ensemble des temoignages et autres
informations disponibles, la question de savoir si un genocide a ete'
planifie' et execute merite d'etre posee. En effet, on peut constater
l'appartenance ethnique commune de la majeure partie des victimes: hutus
zairois et refugies hutus rwandais et hutus burundais. Les methodes
utilisees, a' savoir, les massacres deliberes et premedites, la dispersion
des refugies dans des zones inaccessibles et inhospitalieres, le blocage
systematique de l'aide humanitaire, le refus obstine' oppose' jusqu'ici a'
toute tentative de mener une enquete impartiale et objective sur les tres
graves allegations reçues, sont autant d'elements particulierement
troublants. Toutefois, faute d'acces aux lieux suspects et faute d'enquete
plus approfondie et complete, la mission conjointe ne peut que reserver
pour le moment sa reponse a' cette question. La gravite' et le nombre des
allegations reçues justifient que la communaute' internationale, en
particulier tous les Etats lies par la Convention du 9 decembre 1948 pour
la prevention et la repression du crime de genocide accordent une attention
soutenue et une grande priorite' a' la necessite' urgente de faire cesser
immediatement les violations des droits de l'homme et les blocages et de
mener sur le territoire de la Republique Democratique du Congo et sur tout
autre territoire approprie' les enquetes approfondies, impartiales et
objectives que la question du genocide justifie.

101.  La mission conjointe est tout aussi preoccupee par la persistance des
graves allegations de violations des droits de l'homme et des massacres
commis en particulier dans les regions du Nord et du Sud-Kivu, ainsi que
par la repression violente des manifestations populaires. Dans ce sens, les
executions sommaires qui ont accompagne' la prise de pouvoir a' Kinshasa
confirment les inquietudes concernant les agissements des soldats de
l'Alliance hors du champ des cameras et suscitent des preoccupations quant
a' leur role futur dans une societe' qui se dit en transition vers la
democratie. Cette situation appelle plus que jamais la realisation
d'enquetes urgentes, approfondies et independantes, cela sur la totalite'
du territoire de la Republique Democratique du Congo.

102.  La mission conjointe regrette que son mandat ne concerne que les
faits qui se sont produits depuis le mois de septembre 1996, etant donne'
que la cause principale du conflit au Congo reside dans l'arrivee massive
de refugies rwandais et burundais dans l'est du pays, a' la suite des
massacres et du genocide qui ont eu lieu au Rwanda entre avril et juillet
1994.. Elle considere que son mandat pourrait etre modifie' ratione
temporis pour permettre des enquetes plus exhaustives.

103.  La mission conjointe exprime ses remerciements au Secretariat ainsi
qu'aux fonctionnaires des institutions humanitaires du systeme des Nations
Unies qui oeuvrent dans la region des Grands Lacs et aux divers sieges,
pour l'appui qu'ils ont fourni, ainsi que les organisations non
gouvernementales qui lui ont communique' de precieuses informations.

104.  La mission conjointe a ete' mise en place sur proposition du
Rapporteur special sur la situation des droits de l'homme au Zaire, qui a
estime' que la diffusion des rapports des mecanismes de la Commission des
droits de l'homme, la confiance placee dans les institutions de defence des
droits de l'homme, la coordination qui existe entre tous les mecanismes,
ainsi que l'experience, l'impartialite' et l'independance des rapporteurs
et des membres des groupes de travail charges de ces questions, etaient la
garantie de la credibilite' de ses rapports.

105.  Toutefois, le caractere honorifique et a' temps partiel de leurs
mandats ne permet pas aux responsables de ces mecanismes de se consacrer
entierement a' leurs taches, qui sont parmi les taches les plus importantes
confiees par l'Organisation des Nations Unies en matiere de protection des
droits de l'homme. De plus, il s'agit de mecanismes crees par la Commission
des droits de l'homme, organe technique du Conseil economique et social,
qui n'a pas les moyens d'executer ses decisions. La seule force des
rapporteurs speciaux reside dans la qualite' professionnelle de leurs
rapports, dans leur integrite' et leur credit. Le cas de l'Alliance n'est
pas le premier dans lequel un gouvernement ou une autorite' faisant l'objet
d'enquetes refuse toute forme de cooperation, ce qui incite a' envisager
des modalites differentes d'enquete. Quelles que soient les enquetes qui
devront etre menees dans le futur, elles devront imperativement obeir aux
criteres suivants: enquetes serieuses, impartiales, professionnelles et
confiees a' des personnes objectives experimentees dans le domaine des
droits de l'homme, qui puissent se consacrer entierement a' leurs taches et
en toute independance, qui soient libres de toute influence politique et
qui puissent formuler leurs conclusions dans un rapport pouvant etre
largement diffuse.
 
 

B.  Recommandations

Au Gouvernement de la Republique Democratique du Congo

106.  La mission conjointe adresse a' la Republique Democratique du Congo
les recommandations suivantes:

    1. en premier lieu, manifester clairement son attachement a' la cause
des droits de l'homme, en condamnant nettement et publiquement les
atrocites dont il est rendu compte dans le present rapport et s'en
engageant a' tout mettre en oeuvre pour les faire cesser

    2. mettre fin immediatement au blocage de l'aide humanitaire destinee
aux refugies et aux personnes deplacees, et prendre toutes les mesures
propres a' faire cesser les souffrances qu'endurent le categories de
refugies les plus defavorisees, en particulier les refugies disperses, les
femmes, les vieillards et les enfants

    3. assurer la securite' ainsi que le droit a' la vie et l'integrite'
physique de toute personne se trouvant sur le territoire relevant de sa
juridiction

    4. cooperer sans reserve avec la mission chargee d'enqueter sur les
allegations de massacres et autres violations des droits de l'homme dans
l'est du Congo, veiller a' ce qu'elle ait acces sans obstacle au territoire
et donner les garanties necessaires quant a' sa securite; proteger les
sites des massacres et assurer la securite' des temoins eventuels dans le
strict respect des decisions prises par des organes competents des Nations
Unies, et en particulier de la resolution 1997/58 de la Commission des
droits de l'homme. Il importe tout particulierement d'assurer la liberte'
de mouvement et la securite' de la mission, afin que les faits constates
par le responsable de la securite' et dont il est rendu compte au chapitre
I du present rapport ne se reproduisent pas

    5. ordonner, au sujet des allegations de massacres et de violations des
droits de l'homme et du droit international humanitaire, des enquetes
officielles, impartiales et conformes aux normes des Nations Unies
relatives a' la prevention efficace des executions extrajudiciaires,
arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquetes efficacement sur ces
executions, ainsi qu'aux autres normes applicables; l'enquete sur les
allegations dont il est rendu compte dans le present rapport devra etre
confiee a' des personnes juissant de la plus grande autorite' morale,
agissant en toute independance et hautement competentes en la matiere. Le
rapport devra etre rendu public. Il faut en outre, prendre toutes les
mesures necessaires pour briser l'impunite' et le cycle de violence
criminelle, afin de favoriser la realisation pleine et entiere de l'Etat de
droit en Republique Democratique du Congo.

    6. promouvoir l'Etat de droit, notamment en creant un systeme
judiciaire efficace, independant et impartial, et garant de la lutte contre
l'impunite, qui une fois de plus constitue la cause principale de la
persistance des violations des droits de l'homme dans toute la region des
Grands Lacs

    7. etablir une administration publique veritable et principalement une
force de police civile distincte de la Force militaire de l'Alliance et qui
respecte les regles internationales relatives a' l'emploi de la force
publique par les responsables de l'application de la loi. Dans cet ordre
d'idees, il est indispensable d'exclure de la police toute personne sur
laquelle pesent des allegations de participations a' des tortures, a' des
executions sommaires ou a' des disparitions forcees

    8. permettre aux organismes des Nations Unies, en particulier le Bureau
du Haut Commissaire aux droits de l'homme/Centre pour les Droits de
l'Homme, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les refugies, l'UNICEF
et le Programme alimentaire mondial, ainsi qu'aux organisations
humanitaires, d'accomplir leurs taches visant la solution des problemes
avec lesquels la Republique Democratique du Congo est aux prises avec un
accent particulier en faveur de la protection des femmes, des enfants et
des personnes agees, refugies ou victimes de dispersions ou de deplacements
forces, ainsi que des malades et des blesses.
 

A l'Organisation des Nations Unies et a' la communaute' internationale

107.  La mission conjointe adresse a' l'Organisation des Nations Unies et
a' la communaute' internationale les recommandations suivantes:

    1. Le Conseil de securite' pourrait envisager l'envoi immediat
d'observateurs militaires et/ou de police dans les zones d'insecurite'

    2. Prendre les dispositions voulues pour que l'enquete sur les
massacres et autres violations des droits de l'homme puisse etre effectuee
avec la collaboration du Gouvernement de la Republique Democratique du
Congo, en utilisant tous les moyens techniques et humains necessaires

    3. En se referant a' ce qui a ete' indique' au paragraphe 106, les deux
options suivantes peuvent etre envisagees:

        a) soit maintenir la mission actuelle en lui adjoignant des
enqueteurs professionnels qui resteront en permanence sur le terrain
pendant la duree du mandat de la mission et qui travailleront sous
l'autorite' des experts independants avec toutes les garanties necessaires
a' leur securite' et a' leur liberte' de mouvement

        b) soit creer sous l'egide du Conseil de securite' une commission
permanente dont les experts seront en mesure de rester sur place autant que
de besoin pendant la duree de leur mandat, sans prejudice des competences
deja' attribuees aux mecanismes extra conventionnels de la Commission

    4. sans prejudice d'une resolution que pourrait adopter l'Assemblee
generale, examiner la possibilite' de convoquer une session extraordinaire
de la Commission des droits de l'homme, eu egard a' la limitation ratione
temporis et ratione loci du mandat de la mission conjointe et a' la
situation explosive qui regne actuellement dans la Republique Democratique
du Congo

    5. creer des couloirs humanitaires afin que les refugies, caches dans
la foret, puissent avoir acces aux organisations humanitaires et etre
rapatries dans leur pays s'ils le desirent et generalement respecter et
faire respecter le devoir international de protection du aux refugies en
vertu de la Convention relative au statut des refugies du 28 juillet 1951

    6. prendre les mesures necessaires pour que les personnes accusees de
participation au genocide au Rwanda et qui sont actuellement melees aux
refugies comparaissent devant le Tribunal penal international competent

    7. prendre les mesures necessaires pour faire cesser le trafic d'armes
dans la region des Grands Lacs; rendre public le rapport etabli par la
Commission internationale d'enquete creee en application de la resolution
1013 (1955) du Conseil de securite' et maintenue en application de la
resolution 1053 (1996) portant sur cette question.
 

Aux Gouvernements des pays voisins de la Republique Democratique du Congo

108.  La mission conjointe adresse aux pays voisins les recommandations
suivantes:

    1. accueillir les refugies qui se trouvent sur leur territoire, en
respectant le droit d'asile et en cessant les expulsions massives de
refugies

    2. proteger les refugies et desarmer les demandeurs d'asile qui
pourraient etre armes

    3. eviter que leur territoire ne soit utilise' pour s'infiltrer dans
les autres pays voisins et destabiliser ceux-ci.
 

Au Gouvernement rwandais

109. La mission conjointe adresse en particulier au Gouvernement rwandais
les recommandations suivantes:

    1. accueillir les refugies, notamment ces rapatries de la Republique
Democratique du Congo, en veillant a' leur securite' et au plein respect de
leurs droits fondamentaux. A cet egard, il faudra veiller a' ce que la
politique de regroupement des rapatries n'encourage pas la pratique des
executions sommaires, des disparitions forcees, des reglements de comptes
ou des detentions arbitraires et que ceux sur qui pesent des indices
serieux de participation au genocide fassent l'objet d'un jugement
equitable, respectueux de la presomption d'innocence et des droits de la
defense devant une juridiction impartiale

    2. ordonner des enquetes approfondies independantes et impartiales,
conformes aux regles des Nations Unies en la matiere et qui devront etre
confiees a' des personnalites independantes jouissant de la plus haute
autorite' morale et possedant la competence requise et traduire en justice
les responsables presumes de ces violations quel que soit leur rang

    3. le Gouvernement rwandais doit aussi manifester clairement son
attachement a' la cause des droits de l'homme, en condamnant nettement et
expressement, comme le Gouvernement de la Republique Democratique du Congo,
les atrocites dont il est rendu compte dans le present rapport.