ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 337 - 01/01/1998

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ISSUE/EDITION Nr 337 - 01/01/1998

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Bénin

Le temps de l'indispensable réforme

by Michel Tchanou, Bénin, octobre 1997

THEME = JUSTICE

INTRODUCTION

La Constitution du 11 décembre 1990, adoptée à la suite de l'historique Conférence nationale
des forces vives de la nation, a confirmé avec force la volonté du peuple béninois de créer un Etat
de droit et démocratique, dans lequel les droits fondamentaux de l'homme sont garantis et protégés.

L'édification d'un Etat de droit, on le sait, n'est possible qu'avec l'existence d'une justice indépendante et performante. Au titre VI de la Constitution béninoise, on peut lire: "Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par la Cour suprême, les cours et tribunaux créés conformément à la Constitution".

La séparation des pouvoirs étant ainsi consacrée par la loi fondamentale, on peut dire qu'en République du Bénin, la justice est rendue au nom du peuple béninois. Dans l'exercice de leurs fonctions, les juges ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi. Le président de la République est garant de l'indépendance de cette justice. Il est assisté dans cette tâche par le Conseil supérieur de la magistrature.

Tableau

Pour un pays de cinq millions d'habitants, le Bénin ne compte à ce jour que 156 magistrats, et un peu moins d'une centaine d'avocats. Les magistrats, pour la plupart, reçoivent leur formation à l'Ecole nationale d'administration. Ils sont ensuite nommés par le président de la République, sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Pour occuper des fonctions spécifiques telles que celles de procureur de la République, de substitut du procureur ou de juge, il faut passer par ce même biais.

Le Conseil supérieur de la magistrature, qui est l'un des piliers centraux du système judiciaire au Bénin, comprend, outre le président de la République (président de droit), des membres nommés par lui- même, à savoir: le président de la Cour suprême (1er vice-président), le garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la législation (2e vice- président), les présidents des chambres de la Cour suprême, le (ou les) président de la cour d'appel, le (ou les) procureur général près la cour d'appel, une personnalité étrangère à la magistrature, connue pour ses qualités intellectuelles et morales, et deux magistrats dont un du parquet.

La Cour suprême, quant à elle, est la plus haute juridiction de l'Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l'Etat. Elle est également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales. Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, ainsi qu'à toutes les juridictions.

Le président de la Cour suprême est nommé pour une durée de cinq ans par le président de la République, après avis du président de l'Assemblée nationale, parmi les magistrats et les juristes de haut niveau ayant quinze ans au moins d'expérience professionnelle. Il est inamovible pendant la durée de son mandat, qui n'est renouvelable qu'une seule fois.

Toujours conformément à la Constitution, une Haute Cour de justice a été mise sur pied. Elle se compose des membres de la Cour constitutionnelle, à l'exception de son président, de six députés élus par l'Assemblée nationale, et du président de la Cour suprême.

Cette Haute Cour, qui élit en son sein son président, est compétente pour juger le président de la République et les membres du gouvernement, à raison de faits qualifiés de haute trahison, d'infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l'Etat. La décision de poursuite, puis de mise en accusation du président de la République et des membres du gouvernement, est votée à la majorité des deux tiers des députés composant l'Assemblée nationale.

Les juridictions de droit commun restent compétentes pour les infractions perpétrées par les citoyens en dehors de l'exercice de leurs fonctions, et dont ils sont pénalement responsables. Pour leur défense, ils peuvent, comme tout citoyen béninois, avoir recours au service d'un avocat.

Les avocats. Conformément à l'article 48 de la loi n. 65-6 du 20 avril 1965, pour l'admission d'un avocat au barreau de la République du Bénin, un certificat d'aptitude à la profession d'avocat est indispensable. L'inscription aux cours de ladite formation est ouverte aux titulaires d'une maîtrise en sciences juridiques.

Les avocats inscrits au barreau exercent leurs attributions tant devant la cour d'appel que devant toutes les autres juridictions. Les avocats exerçant dans tout Etat qui accorde la réciprocité peuvent, après avoir informé le bâtonnier de l'ordre des avocats, plaider dans une affaire déterminée devant les juridictions de la République du Bénin

Dysfonctionnements

Reconnaissons cependant qu'au Bénin, aujourd'hui, la justice se révèle inapte à accomplir la mission que la Constitution lui dévolue. En effet, elle est caractérisée par un certain nombre de dysfonctionnements, notamment: la lenteur, l'anachronisme des textes appliqués devant les juridictions, son éloignement des justiciables.

Depuis l'indépendance nationale le 1er août 1960, la carte judiciaire du Bénin n'a pas varié: huit tribunaux de première instance; quelques tribunaux de conciliation qui, comme leur nom l'indique, n'ont aucun pouvoir juridictionnel; une seule cour d'appel siégeant à Cotonou (capitale économique du Bénin) et dont le ressort s'étend à l'ensemble du territoire national. Cette faible implantation des juridictions a pour conséquence déplorable d'éloigner géographiquement la justice de bon nombre de citoyens, et, pour ceux-ci, de réduire pratiquement l'appareil à un seul degré de juridiction.

Selon les résultats d'un sondage, commandé par le ministère de la Justice et réalisé dans le cadre des Etats généraux de la justice, par l'Institut béninois de sondage, du 20 au 22 septembre 1996, à la question de savoir si "la législation béninoise paraît adaptée à leur époque", 19% de Béninois répondent par l'affirmative, 16,3% par la négative, 22,6% affirment qu'elle est plus ou moins adaptée, 42,1% sont sans opinion.

Toujours selon ce sondage, les justiciables, dans une proportion de 64,5%, estiment que les jugements ne sont pas bien rendus, et 48% approuvent les actes de vindicte populaire, qui actuellement prennent des proportions alarmantes dans les grandes villes du Bénin. Pour ces 48%, ces actes procèdent d'une crise de confiance entre les Béninois et leur justice.

C'est pour améliorer cette image plutôt ternie de la justice, que le gouvernement béninois a initié, du 4 au 7 novembre 1996, les Etats généraux de la justice. Au nombre des multiples solutions suggérées par ces assises, nous pouvons citer la nécessité d'un nouvel environnement juridique, à travers l'évaluation des textes législatifs et réglementaires existant; l'amélioration de l'organisation et du fonctionnement de la justice, par la création d'un tribunal de première instance dans chaque localité érigée en circonscription urbaine; et enfin l'attribution de moyens supplémentaires aux organes judiciaires.

La mise en chantier de ces reformes permettra à coup sûr à la justice béninoise d'assurer le respect du droit de chaque citoyen, de faire de la justice un véritable instrument de paix.

END

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