ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Burkina Faso

Confrontés à la réalité


by Sarah Tanou, Burkina Faso, septembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

En 1986, quand le Burkina Faso enregistrait son premier cas officiel de sida,
le sujet relevait encore du tabou aussi bien dans la presse
que dans les discours gouvernementaux.
Le déclic est venu au début des années 1990.

Les statistiques sur les cas de sida se font de plus en plus inquiétantes. Les oeillères sont tombées et l'on a reconnu la réalité de la maladie au "pays des hommes intègres". Aujourd'hui, le sida est devenu "l'affaire de tous".

Plusieurs associations ont été créées à cet effet. Au niveau gouvernemental, un programme national de lutte contre le sida a orienté ses activités sur ce mal, en incluant un volet information-éducation- communication. La campagne de sensibilisation et d'information bat son plein à travers tout le pays. Aucune zone (rurale comme urbaine) n'est épargnée; mais cela n'empêche que la pandémie est loin d'être éradiquée. La réalité est là en face de nous.

Le sida ne connaît aucune frontière sociale, économique ou religieuse. Il s'attaque aussi bien aux hommes qu'aux femmes à la fleur de l'âge, et entraîne dans son sillage blâmes, rejets et divisions au sein des familles et des communautés. Le taux de séroprévalence, estimé à 7% de la population, place notre pays parmi les trois les plus touchés d'Afrique de l'Ouest. Les 3/4 des personnes infectées sont âgées de 15 à 40 ans.

Le nombre de cas déclarés de sida (sources secrétariat permanent du Comité national de lutte contre le sida), qui était de 10 en 1986, a atteint un nombre cumulé de plus de 7.799 au 30 juin 1998. Ce qui est en deçà de la réalité, mais témoigne de l'ampleur de la maladie.

Les provinces les plus touchées du pays sont celles du Bulkiemdé (centre ouest), du Passoré (centre nord), du Poni (sud-ouest) et du Boulgou (nord-est). Ces provinces se situent dans des zones frontalières ou industrielles, et comptent pour la plupart un fort pourcentage d'émigration de leurs populations. Il est certain aussi que le nombre des malades augmente chaque jour, que les décès se multiplient et que de plus en plus d'enfants sont orphelins du sida.

Le sida, une maladie honteuse....

Malgré les actions préventives entreprises, le nombre de cas d'infections au VIH ne cesse de croître. Cela est dû non seulement aux conditions socio-économiques de la population, mais aussi à un manque de comportement adéquat face à ce fléau.

Au Burkina, outre la perméabilité des frontières qui facilite une émigration des jeunes vers les pays voisins à la recherche de travail (et qui reviennent souvent malades pour mourir auprès des leurs), il n'en demeure pas moins que d'autres facteurs tout aussi importants interviennent dans la propagation de la maladie. Il y a d'abord les facteurs démographiques et sociologiques: une forte explosion démographique avec une proportion élevée de jeunes désoeuvrés; une urbanisation poussée à outrance sans conditions sanitaires adéquates; un comportement sexuel incommode (avec une importance des groupes à risque, une fréquence de changement de partenaires). Il faut noter également les facteurs éducatifs. Il s'agit de mauvaises attitudes ou une connaissance insuffisante des maladies sexuellement transmissibles (MST) et de leurs conséquences. En effet, l'explosion du sida a propulsé les MST au rang des infections les plus préoccupantes. Paraissant dans nos sociétés comme des maladies honteuses, les MST sont très fréquentes et souvent négligées, cachées ou mal soignées. Elles ouvrent la porte au virus VIH, responsable du sida.

Une étude épidémiologique menée en 1989 par le ministère de la Santé a révélé quelques pourcentages de séropositifs par catégories et groupes sociaux: malades porteurs de MST 23%; les prostituées 64%; femmes enceintes séropositives 8%. En 1993, à Ouagadougou, les donneurs de sang comptaient 11% de malades du sida, les transporteurs routiers 13,1%.

Un choc traumatisant...

Face à ce drame, des efforts sont menés dans le pays pour venir à bout du fléau. Les personnes vivant avec le VIH ont besoin de soins et de soutien d'ordre psychologique, moral, médical et matériel.

Au Burkina Faso, il n'est pas rare d'entendre que telle personne "est morte de la chose" ou "est morte par suite de longue maladie"; ceci pour dire qu'elle est morte du sida, maladie à ce jour incurable. Pour les personnes infectées, c'est un choc traumatisant d'apprendre qu'elles souffrent d'une telle maladie. Et comme celle-ci rime avec sexe et honte sous nos tropiques, il est très difficile pour ces personnes de mener une vie active positive et responsable. Il faut s'armer de beaucoup de courage et de détermination. D'où les nécessaires soutiens et soins des services gouvernementaux, des organisations non gouvernementales, des parents, des amis et des associations (même d'associations évoluant actuellement dans la clandestinité en attendant le moment propice pour se faire connaître du grand public).

L'action gouvernementale - En 1988, pour faire face à la progression inquiétante de la maladie, le Burkina a mis en place au plan national des structures de lutte contre le sida et les MST, dont le Programme population et lutte contre le sida (PPLS). Dans ce programme, trois grands plans nationaux ont été développés: un plan à court terme qui s'est étalé de 1987 à 1988; un premier plan à moyen terme, de 1989 à 1992; et un deuxième plan à moyen terme, de 1992 à 1995. Pour l'exécution de ces premiers plans, un programme de marketing social des condoms a été mis en oeuvre pour l'information, la sensibilisation et la vente de ce préservatif masculin. Le PPLS a aussi renouvelé ses échéances, et a défini d'autres projets et priorités avec l'accord d'autres pays et associations.

Le Programme national de lutte contre le sida (PNLS), qui est une sous-composante du PPLS, a été initié avec des prêts contractés auprès de la Banque mondiale. D'autres bailleurs de fonds ou structures internationales interviennent également, dont l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme des Nations unies pour le développement, la GTZ (Coopération technique allemande), l'Union européenne et les coopérations française, canadienne et belge.

A partir de 1998, le Comité national de lutte contre le sida (CNLS), l'organe chargé de l'exécution du PNLS, compte mettre tout en oeuvre pour décentraliser ses activités sur toute l'étendue du territoire national, notamment au niveau des directions régionales et des différents districts sanitaires, pour passer d'une "approche purement médicale à une approche horizontale ou communautaire".

Dans le même cadre, des programmes sectoriels de lutte contre le sida sont élaborés et constitueront bientôt un vaste programme national (novembre 1998) qui couvrira la période 1999 à 2003. Chaque ministère est invité à prendre en compte le PNLS dans son plan d'action ministériel.

La société civile - Les organisations non gouvernementales et les associations, ne sont pas en reste. Chacune est active à sa manière sur le terrain de la sensibilisation, de l'information, de la communication et de l'éducation. Ce sont par exemple l'Association burkinabè pour le bien-être familial, l'Amicale des infirmières du Burkina, l'Association des infirmiers, l'Association des femmes africaines contre le sida, etc. Elles sont plus d'une centaine, reconnues ou non, à sillonner les villes et les campagnes pour sensibiliser et informer sur ce fléau. Des centres de jeunes, des centres de conseils ou des cliniques sont installés à ce titre pour plus de conseils. Souvent elles interviennent aussi dans la prise en charge des personnes affectées. Des individus ont apporté leur concours pour sensibiliser, informer et éduquer (par exemple, le livret "Sida", du père Sédégo).

Associations religieuses Les associations confessionnelles (catholiques, protestantes, musulmanes et autres) interviennent aussi avec des séminaires, des débats pour apporter leur contribution en matière de sensibilisation, de prise en charge, d'éducation et de communication. A titre d'exemple, du 29 juin au 2 juillet 1998, la Conférence épiscopale catholique Burkina-Niger a organisé à Ouagadougou un séminaire d'information et de sensibilisation sur le sida. 52 participants des dix diocèses ont pris part au séminaire et ont échangé leurs points de vue sur cette pandémie, afin de la comprendre et de donner une réponse de l'Eglise sur la question. Le devoir de l'Eglise est non seulement d'assister les victimes, mais aussi d'éclairer les consciences, car c'est à ce niveau que la mobilisation devra être permanente. Premier du genre, ce séminaire a permis à l'Eglise de prendre position par rapport au sida et d'entreprendre des actions concrètes au sein des paroisses et des familles pour soulager, informer, prévenir, sauver des vies humaines. Au sortir du séminaire, l'Eglise burkinabè, rappelant que la capote n'est qu'un palliatif dont l'efficacité n'est pas vérifiée à 100%, a recommandé l'abstinence. Elle a aussi recommandé un test de dépistage avant la mariage.

Les médias sont beaucoup sollicités dans le cadre de la sensibilisation sur le fléau. Des programmes d'information-éducation-communication sont élaborés dans chaque organe, principalement à la télévision et à la radio qui ont une grande audience.

De la prise en charge

A ce jour, le sida reste une maladie incurable et, sauf miracle, un vaccin ne sera pas disponible avant le 3e millénaire. Si les infections au VIH peuvent généralement être soignées avec des médicaments courants, ces prises en charges sont souvent insignifiantes par rapport au degré de la maladie. Néanmoins, et c'est ce qui est louable, il n'y a aucune discrimination envers les personnes malades du sida en matière de soins de santé. Elles sont reçues au même titre que les autres malades et doivent sentir qu'elles sont acceptées et valorisées par la société.

Les malades et les séropositifs ont besoin aussi d'une protection juridique contre la discrimination, particulièrement en ce qui concerne la sécurité de l'emploi, la retraite, la sécurité sociale, le secret médical, l'éducation, la liberté de voyager et même le droit de succession des femmes. Toute chose encore à codifier au Burkina.

Le CNLS a en son sein un sous-comité de prise en charge qui donne pour le moment des avis et des conseils. Seulement, cette prise en charge reste insuffisante; il faudra l'intensifier. Le sida est une maladie coûteuse. Pour que les malades aient accès aux médicaments, il importe que tous les intervenants conjuguent leurs efforts. Des efforts qui doivent permettre la mise à disposition de structures sanitaires, de médicaments et d'aide matérielle aux malades.

De nombreuses personnes, des familles, des professionnels de la santé, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, des associations s'emploient à apporter leur soutien. Des structures s'attèlent à la formation et à la sensibilisation. Tout cela est bien, mais il faut dépasser ce stade. Il nous faut éviter le sida, en bannissant de notre vie quotidienne les comportements à risque dont les conséquences sont nombreuses et dramatiques. Songeons à l'existence du mal.

END

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