ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Congo-Brazzaville

L'épidémie progresse rapidement


by Jean-Valère Ngoubangoyi, Congo, septembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

La crise économique et sociale et le déplacement massif des citadins vers les zones rurales favorisent la progression rapide du sida au Congo. Quelques ONG tentent de freiner l'épidémie,
mais les résultats restent encore mitigés.

Le sida fait rage. En 1994, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé, plus de 8.000 personnes vivant avec le virus du sida avaient été enregistrées et, sur une population de 2,5 millions d'habitants, le Congo comptait environ 100.000 séropositifs. Aujourd'hui, ces chiffres sont en nette progression, du fait de l'explosion de la débauche occasionnée par la crise d'abord, puis par la guerre. Celles-ci ont provoqué un déplacement massif des citadins vers les localités où la présence du VIH était presque inexistante. De même que les viols, devenus monnaie courante depuis les deux guerres civiles.

C'est dans la tranche de 20 à 45 ans que l'on trouve le plus de personnes infectées. Sur l'ensemble du territoire national, le sida est réparti de la manière suivante: 30% à Pointe Noire, ville du pétrole; 15% à Brazzaville; 15% à Dolisie, troisième ville du Congo. Ce sont les localités les plus peuplées qui sont aussi les plus infestées par le VIH.

Cette analyse épidémiologie met également en lumière la contamination de plus en plus fréquente des jeunes, et notamment des jeunes femmes. A Pointe Noire, le taux de séropositivité féminine entre 15 et 25 ans serait vingt fois plus élevé que chez les jeunes gens du même âge. On peut sans doute fournir plusieurs explications à ce phénomène, à commencer par l'urbanisation croissante et la destruction familiale et culturelle qui souvent l'accompagne.

De nombreux témoignages font état de la multiplication des cas de contamination de très jeunes filles démunies ayant, contre avantages matériels divers, des relations sexuelles avec des hommes plus âgés infectés par le VIH. "Pour de nombreuses femmes congolaises, le risque majeur de contamination vient du comportement sexuel du mari ou de leur partenaire habituel", affirment les spécialistes du Programme national de la lutte contre le sida (PNLS). Ils ajoutent que les femmes ayant une relation de type monogame ne peuvent généralement pas se protéger de l'infection, quand leur époux n'a pas un comportement sexuel similaire.

On s'attendrait normalement à de grandes différences dans les taux de contamination entre les zones urbaines et les zones rurales, où vivent les trois quarts des populations congolaises. Mais cette différence tend aujourd'hui à s'amenuiser en fonction des déplacements des populations vers ces zones, entre autres pour cause de chômage. Les campagnes congolaises sont actuellement infestées de prostituées, souvent venant de l'ex-Zaïre, après avoir passé un laps de temps dans les villes. Selon le Dr. Matondo, membre de l'Association congolaise du bien-être familial, "la progression de l'épidémie est associée à des taux élevés de MST dans la population. Dans un petit village, par exemple, où il y a très peu de femmes, dès qu'une ou deux d'entre elles sont contaminées, la maladie se propage très vite". Ainsi, des données fort inquiétantes ont été recueillies dans des zones qui semblaient jusqu'alors épargnées: on compte 1% de cas d'infection à Owando, au nord du Congo, et 11% à Sibiti, dans le sud-ouest du pays. Or, il s'agit-là de régions à fortes densités de population.

Quelques actions préventives

Au Congo, les transmissions hétérosexuelles constituent la voie prédominante de contamination. Des actions préventives ont été mises en oeuvre par quelques ONG congolaises, mais on reste quelque peu sceptique quant à leur efficacité. En 1996, le Conseil culturel pour l'éducation et la santé, financé par la coopération française, a déployé à Brazzaville des kiosques pour vendre des capotes et pour prodiguer des conseils aux clients. Timides au début, les gens ont commençé à se ruer vers ces kiosques pour acheter les préservatifs, bien qu'un peu gênés les uns vis-à-vis des autres. Vendus à 25 cfa, beaucoup moins cher qu'en pharmacie, ils marchaient fort bien. Par contre, dans la partie sud de la ville, notamment à Bacongo, cette initiative n'a pas rencontré l'écho favorable de la population jeune qui utilise moins la capote. La Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge affiche dans la capitale des messages pour inciter au port du préservatif. L'optimisme est de mise.

Depuis quelques mois, l'Association Thomas Sankara mène une campagne dans les quartiers populaires. But: prévenir la jeunesse contre les rapports sexuels non protégés, avec tous les risques qu'ils comportent, grossesses indésirables, contamination des maladies sexuellement transmissibles et le sida. Les résultats sont encore difficile à vérifier.

La mort provoquée par le sida frappe surtout les jeunes de 25 à 45 ans. Cependant, la progression rapide de l'épidémie a aussi d'ores et déjà des répercussions sur les chiffres de la mortalité infantile. Sur l'ensemble des enfants morts en 1998, on cite le chiffre de 47,9% de cas dus au sida. Et on estime que le taux de mortalité infantile au Congo triplera d'ici à l'an 2000.

L'évolution rapide de la situation épidémique est due en partie à la faible part des ressources nationales consacrée à la santé. S'y ajoute l'attitude des multinationales pharmaceutiques, qui refusent de modifier leur politique des prix, interdisant toute prise en charge médicale adaptée des personnes infectées.

Pour permettre à ce petit pays d'Afrique centrale de lutter contre le sida, Mr. Bolot, ambassadeur de France à Brazzaville, a annoncé que le Congo bénéficiera d'un concours financier d'un milliard neuf cents millions de francs cfa du Fonds d'aide et de coopération (FAC) pour la réalisation d'un projet de santé sur trois ans. Ce projet sanitaire, approuvé le 8 juillet dernier, concerne la lutte contre la tuberculose et le sida, et la sécurité de la transfusion sanguine.

Notons encore que les malades qui se présentent dans certains dispensaires de la capitale, comme celui de Makélékelé, sont obligés de faire un test pour le sida. Ce qui fait fuir de nombreux patients, qui préfèrent se faire soigner dans des dispensaires des rues plutôt que dans les hôpitaux. D'autres refusent carrément d'aller prendre les résultats des examens de peur d'apprendre qu'ils sont séropositifs...

END

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1999 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement