ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Ghana

"Traitement" et réalité du sida


by Samuel Sarpong, Ghana, septembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Le Ghana a un programme de prévention du VIH/sida:
on espère pouvoir contrôler la redoutable maladie

Il y a sept ans, si on avait demandé à la majorité des Ghanéens si on avait découvert un traitement pour le sida dans leur pays, leur réponse eût été un simple "oui". C'était assez compréhensible, étant donné le vif émoi suscité dans les milieux médicaux ghanéens par une prétendue découverte. Un bruit courait que des malades en traitement à Nwoase, un village de la région de Brong Ahafo, avait vu disparaître les symptômes bien connus. Cette prétendue découverte était attribuée à une préparation à base de plantes, administrée par Nana Kofi Drobo, herboriste, qui mourut en 1992 dans de mystérieuses circonstances.

Au début, le ministre de la Santé du Ghana montra de l'hésitation à l'égard des revendications de l'herboriste, mais ensuite il commença à collaborer avec le centre de phytothérapie. Le gouvernement fit savoir sa décision de créer un centre d'accueil pour la multitude de malades qui se pressaient pour qu'on s'occupe d'eux. La prétendue découverte d'un traitement du sida avait mis en vedette ce centre, qui traitait pourtant d'autres maladies que le sida. Mais il apparut que l'efficacité de ce remède particulier ne pouvait être établie scientifiquement.

Les affaires prirent un tour dramatique en 1992, quand l'herboriste se suicida à son retour du Japon, où il avait fait tester son médicament - c'est du moins ce qu'on racontait. (On a aussi répandu le bruit que Paa Koi, le secrétaire privé de Drobo, l'avait assassiné; mais il n'y avait aucune preuve pour soutenir cette accusation).

Encore aujourd'hui, les réactions des Ghanéens sur cette affaire sont variées. Certains pensent que l'herboriste s'est suicidé parce que son médicament s'était avéré inefficace; d'autres s'en tiennent à la théorie du meurtre. Quoi qu'il en soit, ce drame a influencé le déroulement de la campagne contre le sida.

Pourquoi? Les jeunes avaient cru comprendre que le centre pouvaient leur venir en aide pour tout problème médical difficile. Ils étaient en effet convaincus que le gouvernement, au début, avait accordé son soutien au centre de Drobo. Cela contrastait fortement avec son attitude à l'égard d'autres herboristes, qui proclamaient eux aussi avoir découvert l'un ou l'autre traitement. Actuellement, le gouvernement est plus prudent, pour ne pas faire dérailler les quelques progrès obtenus dans la lutte pour la prévention et le contrôle du sida.

Une approche positive

On pense que le VIH a commencé à se répandre au Ghana entre le début et le milieu des années '80. Les premiers cas ont été détectés en 1986. A la fin de cette année, le Ghana connaissait 42 cas. Depuis 1986, le ministère de la Santé a créé un système de surveillance pour connaître les cas de sida diagnostiqués dans les hôpitaux de district, régionaux et universitaires. Une campagne d'éducation intensive à la santé a été organisée, utilisant tous les médias.

Le Programme national de contrôle du sida (NACP) est responsable de la coordination de la réponse du pays au problème du sida. Il a ciblé les secteurs à risque de la population, comme les conducteurs à longue distance de poids lourd, ceux qui oeuvrent dans le secteur commercial du sexe, et les militaires.

Des ateliers et des séminaires ont été organisés tant au niveau national que régional pour les personnes travaillant dans le secteur médical et social. Le but est d'actualiser leurs connaissances sur le sida et sa prévention. Dans les hôpitaux régionaux, on a créé des "unités de conseil" pour offrir un soutien psychologique aux personnes séropositives et à leur famille.

Cause d'inquiétude

Malgré une prise de conscience bien enracinée dans le pays, malgré une large distribution de condoms à la population, et malgré un bon contrôle de sa propagation, le sida reste toujours une cause d'inquiétude. Et cela, pour plusieurs raisons.

- Les malades du sida sont victimes de l'ostracisme: ils sont méprisés et considérés comme des "impies dont la maladie a révélé les péchés".

- Malgré la connaissance et la prise de conscience de la maladie, les gens continuent à se livrer aux relations sexuelles libres sans songer au sida. Gyamfi Boateng, journaliste et membre du Media Network, dit: "Je pense que les gens ne font pas attention parce qu'ils n'ont pas été aux prises avec le sida. Nous n'avons jamais vu une personnalité connue se déclarer atteinte du sida et en montrer les conséquences".

- Les personnes infectées essayent de cacher leur état, à cause des conséquences sociales souvent associées à cette situation. Dans un pays où les croyances culturelles et d'autres considérations sociales pèsent lourd sur l'individu, beaucoup de cas de VIH/sida ne sont pas déclarés pour diverses raisons. En fait, beaucoup de gens ne vont même pas demander des soins hospitaliers; ils préfèrent aller visiter des lieux saints ou des Eglises spirituelles pour obtenir la guérison.

- Dans certaines circonstances, des victimes du sida meurent avant même que le sida ait été diagnostiqué, parce que la plupart des dispensaires ruraux n'ont pas les moyens de pratiquer les tests de séropositivité. "Un certain nombre de gens pourraient être infectés par le VIH sans même le savoir. Ils ne présentent pas le moindre symptôme. Cependant, ils peuvent tous transmettre le virus à d'autres", déclare le Dr Kwadwo Yeboah, directeur du programme NACP.

Déstructuration de la société

Même si on ignore le nombre actuel des cas de sida, on s'accorde pour dire que les cas reconnus officiellement représentent moins de 50% de tous les cas de sida. Vers la fin de 1997, on arrivait au chiffre cumulé de 24.692 cas déclarés dans le pays.

La prépondérance des cas apparaissant dans divers groupes d'âge confirme le fait que les contacts hétérosexuels sont le mode prédominant de transmission au Ghana. Le groupe sexuellement le plus actif (groupe d'âge de 20 à 39 ans) constitue près de 70% du nombre total des cas. Des données disponibles font apparaître que, comparées aux hommes, les femmes au Ghana ont tendance à contracter le sida plus jeunes. Plus que toute autre maladie, celle-ci arrive à déstabiliser la société, car elle frappe surtout les personnes qui sont habituellement les gagne-pain dans les familles. A Obuasi, ville minière, siège de la Ashanti Goldfields Company Ltd, la plus grande mine d'or en Afrique, le nombre de cas rapportés continue à grossir. Si bien qu'on prévoit que, tôt ou tard, la mine aura une main-d'oeuvre réduite, si on ne prend pas de mesures immédiates. Actuellement, le pays n'a aucune loi exigeant le renvoi de ceux que l'on croit séropositifs; comme il n'y a pas de loi non plus exigeant que les futurs employés passent les tests du sida avant leur engagement.

Lutter contre la crise

Les institutions chrétiennes ne sont pas les dernières à s'être engagées dans la croisade contre la pandémie. L'Armée du Salut, par exemple, a financé le placement un peu partout dans le pays de panneaux et d'affiches mettant en garde contre la maladie. Sur un de ces panneaux, on peut lire: "La meilleure discipline chrétienne est la fidélité à son partenaire". Diverses organisations comme le Christian Council of Ghana et le Secrétariat catholique, parmi d'autres, participent à des programmes d'éducation et de sensibilisation, spécialement organisés pour combattre le sida et ses effets.

Cependant, certaines Eglises charismatiques ont adopté une position dure. Elles exigent de leurs membres candidats au mariage, de passer des tests médicaux, avant d'être admis à recevoir la bénédiction nuptiale. Si des fiancés présentent des tests de séropositivité, le pasteur refuse le mariage. Mais, toutes les organisations chrétiennes devraient-elles exiger un tel examen pré-nuptial? Le débat est encore ouvert.

L'organisation la mieux connue, qui travaille fort pour la protection des jeunes contre les MST, est le Ghana Social Marketing Programme. Cette organisation s'occupe de la promotion et de la distribution de condoms. A diverses reprises, elle a invité des artistes du rap, et des stars du reggae, comme Yellow man de Jamaïque, Lucky Dube d'Afrique du Sud, et d'autres groupes aux talents variés, pour qu'ils prennent part à des concerts ayant pour but de propager les messages de "prévention du sida".

Les orphelins du sida

Un des pires résultats des décès dus au sida - surtout parmi les jeunes adultes - est l'augmentation du nombre d'orphelins. Ce nombre, selon le NACP, pourrait atteindre les 160.000 en l'an 2000, et leur prise en charge va entraîner une pression terrible sur le système social du Ghana.

Le NACP

Le NACP est un des programmes coordonnés par l'Unité de contrôle des maladies du ministère de la Santé du Ghana. Ce programme a mis au point un plan à moyen terme de cinq ans, pour la période 1989-1993, portant sur les objectifs, les stratégies et les activités prévues pour prévenir et contrôler la maladie.

Quand le MTP prit fin en 1993, un atelier national a été organisé, en juin 1994, dans le but d'arriver à un consensus sur la nature de l'épidémie actuelle et de celle à venir, leurs déterminants et leur impact.

Dans l'effort fourni pour prévenir et contrôler le sida au Ghana, figurent les résultats suivants:

- un niveau élevé de prise de conscience du sida dans le pays, bien qu'il ne se traduise pas encore par le niveau souhaité de conduite et de comportements sexuels positifs à l'égard du sida;

- disponibilité de préservatifs à prix abordable dans tous les points de vente du pays;

- mise en place d'un système de surveillance épidémiologique du VIH/sida, pour contrôler l'amplitude de problème et en surveiller l'évolution;

- un service de conseil, tant au niveau de la région que des districts, pour un soutien psycho-social aux personnes séropositives, à celles atteintes du sida et à leurs parents;

- 90 à 95 % du sang utilisé dans le pays pour les transfusions est contrôlé du point de vue du VIH;

- le taux des MST est sous contrôle, grâce au développement de directives et à la formation du personnel de soins;

- tout le monde est d'accord sur la nécessité de poursuivre et de développer le programme de prévention du VIH/sida au Ghana, et cela pour le plus grand bien du pays.

END

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