ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Mali

Il nous tue sans nous diviser


by Alexis Kalambry, Mali, octobre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Au mal, on peut opposer la solidarité et l'amour.
Si le sida nous tue, il ne nous divise pas.

Le sida a été diagnostiqué pour la première fois au Mali en 1983. En dépit des efforts de la science et de la sensibilisation menée tambour battant, il fait de terribles ravages. Aujourd'hui, avec la très coûteuse trithérapie, les pays nantis ont pris de l'avance sur ceux du sud. En raison de la multiplicité des modes de contamination et surtout de l'absence de vaccin, les Maliens se sont organisés autrement et essaient de faire face à ce fléau des temps modernes.

Au Mali, le sida est une réalité. Une dure réalité. "Chez nous, dit un vieillard, nous préférons la mort à la honte. Or, avec le sida, non seulement on meurt, mais on meurt avec la honte en plus". En effet, "pendant longtemps, au Mali, les médecins ont fait croire que le seul mode de contamination était le sexe. Le sexe étant tabou, on a vite fait de prendre les malades du sida comme des victimes du courroux divin. Cette vision est fausse. S'il est établi que chez nous, d'après l'enquête épidémiologique et de santé de 1993, 75% des malades du sida ont effectivement été contaminés par le sexe, présenter la chose de cette façon c'est tout de même condamner les 25% restant. En plus, nous avons perdu trop de temps sur ces détails. Chercher à savoir comment une personne a contracté la maladie, c'est déjà la juger. Ce n'est pas la bonne manière d'aider les malades." Ce sont les mots de M. Aliou Sylla, initiateur du "Centre d'écoute, de soins, d'accompagnement et de conseil" (Cesac).

Médecine traditionnelle

La recherche au Mali va dans tous les sens. En février dernier, il y a eu à Bamako une rencontre internationale sur "Médecine traditionnelle et sida", à l'initiative de l'Organisation panafricaine de lutte contre le sida et de la World Aids Foundation. Selon les organisateurs, "il ne faut négliger aucune piste".

L'Afrique, qui est reconnue comme le continent de la science traditionnelle non codifiée, s'implique ainsi dans la recherche d'une solution à la pandémie, et ses guérisseurs traditionnels et ses médecins ont décidé d'y collaborer. C'est ce qu'a dit à cette occasion le Pr. Harouna Keita de l'Institut national de recherche en santé publique, doté d'une division de médecine traditionnelle. "Nous avons des recettes dont les médecins sont prêts à tester l'efficacité clinique", a-t-il ajouté.

Culture, société et sida

Dans le domaine de la sensibilisation, l'épouse du président de la République a créé une fondation avec un volet "culture-solidarité-sida", car, d'après elle, "le sida est en train d'atteindre notre société dans ses fondements. Le phénomène d'exclusion des malades nous était inconnu. Or, c'est ce que nous voyons maintenant avec le sida". Comme il n'y a pas de remède au sida, elle pense qu'il faut avoir recours à notre culture et en particulier aux maîtres de la parole, les griots, pour porter le message, afin que celui-ci soit mieux saisi. A plusieurs occasions elle a regroupé ces derniers, tout comme d'ailleurs d'autres leaders d'opinion: journalistes, prédicateurs religieux, hommes de théâtre. Annuellement, la fondation organise aussi la journée "Synchro-sida". Il s'agit alors de synchroniser durant une journée les 60 stations FM que compte le pays, plus la chaîne nationale, pour parler de "la réalité du sida". Cette opération remporte de grands succès et a permis de lutter contre les idées fausses.

Confiance mutuelle

Parmi d'autres initiatives, on peut citer "Danaya- so" (Maison de la confiance mutuelle). Danaya-so est une initiative d'une ancienne prostituée qui, prenant conscience de sa situation de femme exploitée, refuse désormais de subvenir à ses besoins en vendant son corps. Elle est parvenue à en "débaucher" beaucoup d'autres et, ensemble, elles ont créé cette structure pour la prévention contre le sida. Elles sont aujourd'hui une vingtaine dans l'association qui sillonnent le pays pour informer et sensibiliser dans les maisons closes, mais aussi dans les établissements scolaires et bien d'autres milieux.

Le Dr. Aliou Sylla, qui a créé le Cesac, a une approche originale. "C'est bien de faire de la sensibilisation, mais il faut également songer aux personnes déjà atteintes". Le Cesac organise des rencontres, en collaboration avec des sidéens, pour faire comprendre qu'on "peut dormir, manger, s'amuser avec un malade du sida, sans risque" car, ajoute-t-il, "l'exclusion dont ils sont victimes vient très souvent du fait que les gens sont mal informés sur la maladie et ses modes de transmission". Ainsi, en plus de cette sensibilisation en collaboration avec les malades eux-mêmes, le Cesac a ouvert un centre où les sidéens peuvent venir passer la journée. "Nous les suivons toute la journée sur le plan médical et affectif, mais il faut que les familles s'impliquent. C'est pourquoi nous les laissons rentrer chez eux le soir. En faisant un centre d'hospitalisation continue, nous aurions contribué à aggraver l'exclusion".

Au Mali, "le sida nous tue, mais ne nous divise pas", nous disait un de nos interlocuteurs.

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