ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Nigeria

Contrôler le sida


by Taye Babaleye, Nigeria, novembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Le débat ne concerne plus la présence du sida au Nigeria.
Le vrai problème est de savoir comment contrôler son expansion.

Jusqu'à récemment, les rapports des médias sur la présence du sida au Nigeria n'étaient pas pris pour argent comptant. Les Nigérians restaient inflexibles: il n'y avait pas de sida dans leur pays. Cette incrédulité et le désintérêt du public nigérian s'expliquent par les débats sur l'origine de la maladie. L'opinion scientifique populaire qui prétendait que la maladie avait commencé en Afrique irritait beaucoup les Nigérians. Même après la publication de rapports certifiant que des patients mourraient du sida dans les hôpitaux (les noms des victimes ne furent jamais publiés), les gens n'y prêtèrent pas beaucoup d'attention.

Inquiétude et tradition

Les femmes furent les premières à s'inquiéter de la présence du sida au Nigeria. Mais même alors, elles se souciaient plus de leur position de femmes mariées que de leur santé. Elles ne voulaient pas que leur sexe soit associé à cette maladie. Il faut dire que beaucoup d'hommes nigérians ne voient aucun mal à avoir une ou deux maîtresses en dehors des liens du mariage; s'ils pensaient que leur femme avait le sida, ils iraient certainement chercher leur plaisir ailleurs. Les dames avaient donc tout intérêt à soutenir les campagnes sporadiques du gouvernement pour attirer l'attention sur le sida et sa prévention.

Le problème du VIH/sida devint aussi un bon sujet pour les sermons dans les églises où les chrétiens étaient appelés à être fidèles à leurs conjoints. Encore maintenant, bien que la campagne pour l'emploi du condom comme préservatif gagne du terrain, beaucoup de Nigérians conservateurs n'en veulent pas. Ils croient que cela inciterait les femmes à la promiscuité. Il faut donc beaucoup de courage à une femme pour demander à son mari d'employer le condom.

Les symptômes du sida ne se manifestent pas immédiatement. Cela peut prendre d'un mois à dix ans. Ce qui explique aussi la tiédeur généralisée des gens à éviter les dangers inhérents à la maladie. Un infirmier racontait: "Quelqu'un m'a dit, si un homme a 40 ans et doit encore attendre dix années pour que la maladie se manifeste, à quoi bon s'inquiéter?"

Changement graduel

Mais tout change! Tout le monde est devenu conscient de la réalité de la maladie au Nigeria, le jour où le musicien populaire Fela Anikulapo Kuti mourut du sida en 1987. Depuis lors, les autorités médicales et les autres organisations gouvernementales se sont engagées plus activement dans leur campagne contre la propagation du sida. Cette campagne s'est alors élargie pour y englober les Eglises et leurs organisations, les écoles, les clubs sociaux et autres associations, pour essayer d'attirer l'attention du public sur les dangers que présente la maladie.

En novembre 1998, le gouvernement publia sa première ligne politique officielle concernant le sida et les autres maladies sexuellement transmisibles. Comme on pouvait s'y attendre, le document exhortait tous les individus et organisations à lancer une campagne vigoureuse contre la propagation de la maladie. Il demandait que toutes les femmes enceintes subissent désormais le test pour le VIH, et que cela fasse partie de la routine des soins prénatals dans les hôpitaux. Un service de conseils devrait aussi être instauré par les médecins, les pharmaciens et tous les assistants médicaux pour aider au contrôle du sida.

Les organisations privées

En réponse à l'appel du gouvernement, la Société pharmaceutique du Nigeria (PSN) a déjà fait un grand pas pour empêcher la propagation de la maladie. Sa présidente, Mme Eme Ekaette, dit: "Nous voulons attaquer le problème de deux côtés à la fois. Nous essayons d'attirer l'attention du public pour que le sida prenne la première place dans la conscience nationale. Nous espérons pouvoir arrêter le taux toujours croissant de la maladie et éventuellement le faire diminuer. La campagne de conscientisation sera également orientée vers la communauté. La stratégie veut sauver la main- d'oeuvre, car le groupe d'âge des séropositifs est souvent celui qui constitue la main-d'oeuvre de la nation."

En deuxième lieu, la PSN propose que l'intensification de la campagne de conscientisation aille de pair avec une gestion effective des cas connus et identifiés. Mme Ekaette explique: "Nous avons insisté auprès du gouvernement sur l'emploi de médicaments appropriés. Avec l'aide du gouvernement, 500 patients pourront être aidés avec ce traitement. Nous voulons importer des médicaments venant directement d'Europe pour compléter des ressources locales. Les médicaments qui viennent d'outre-mer devraient être disponibles à prix réduits. A ce propos nous avons déjà commencé des pourparlers avec les fabricants, car les médicaments contre le sida sont très chers et ne sont pas à la portée des personnes ordinaires."

En fait, pendant un certain temps, le gouvernement nigérian avait laissé la campagne contre le sida entre les mains des organisations non gouvernementales et d'autres agences internationales. Celles-ci ont organisé des conférences et des causeries sur le thème de la santé et ont formé du personnel pour éclairer le public sur les dangers du fléau du sida. Mais sans les contributions de donateurs tels que l'Agence américaine pour le développement (USAID), l'Organisation mondiale pour la santé (OMS), l'Union européenne et l'Organisation pour le développement outre-mer (ODA), qui ont donné leur appui financier aux ONG et au ministère fédéral de la santé, rien peut-être n'aurait été fait pour contrôler l'épidémie du sida au Nigeria.

La situation actuelle

En 1986, il n'y avait que deux cas de sida enregistrés au Nigeria. Mais en mai 1998 on y comptait 20.334 personnes mortes du sida et plus de deux millions de séropositifs (environ 2% de toute la population du pays). Ces chiffres officiels peuvent même être loin de la réalité. Selon le rapport du PSN en 1996, 80% des infections séropositives au Nigeria viennent de relations hétérosexuelles, les 20% restants résultant de l'emploi de sang contaminé dans les transfusions; les 4,5% des enfants de mères séropositives, morts à la naissance, sont inclus dans ces chiffres.

Les statistiques à notre disposition montrent que les cas de sida ne font que progresser au Nigeria. Les chiffres donnés par le Programme national de contrôle du sida montrent qu'au moins 1.400 cas d'infection sont enregistrés chaque jour (un nouveau cas d'infection chaque minute). Selon cette organisation, plus d'un demi million de cas de sida furent enregistrés en novembre 1998. Le coordinateur national du Programme VIH/sida au Nigeria, le Dr. Sani Gwazo, du ministère fédéral de la santé, disait récemment que le Nigeria figure parmi les pays les plus atteints par le sida dans le monde, comptant 8,9% des infections globales et 12,5% des cas de sida en Afrique.

Le contrôle peut-il réussir?

Il ne faut pas oublier que le système sanitaire au Nigeria a été laissé à l'abandon par les derniers gouvernements militaires, et on peut craindre que la politique gouvernementale du contrôle du sida ne réussira pas. A ce jour la plupart des 115 centres de dépistage du sida sont délabrés. Les centres de dépistage, érigés vers la fin des années 80, disposent de 76 appareils de dépistage laser, qui peuvent tester plusieurs prises de sang à la fois et à bon marché. Il y a aussi 36 trousses de tests rapides, qui peuvent traiter un échantillon à la fois mais reviennent plus cher. Les experts pensent que le gouvernement ne fait pas assez d'efforts pour donner des rapports détaillés sur la situation du sida dans le pays. Toutefois, sous le couvert d'un nouveau programme de contrôle proactif, le PAM a donné récemment $ 4 millions au gouvernement nigérian, tandis que ODA a donné environ 3 millions de livres sterling pour fonder 154 nouveaux centres de dépistage, dont 5 seront équipés pour être des centres de confirmation, tandis que 16 autres pratiqueront le test Elisa.

Le Nigeria joue encore avec un désastre qui pourrait décimer toute sa main-d'oeuvreen quelques décennies. Si on ne fait pas attention, la nation pourrait bien mener avec le sida une guerre perdue d'avance.

END

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