ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS



Rép. sud- africaine

Sida - une crise qui pourrait empirer


by Mike Pothier, Afrique du Sud, novembre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

L'Afrique du Sud a été lente à s'attaquer à la crise de l'extension du sida

Dans les années '80, alors que la maladie se déchaînait dans certaines parties de l'Afrique centrale, elle n'avait pas encore atteint la pointe sud du continent. Il y avait quelques cas isolés, surtout dans la communauté gay et parmi ceux qui avaient été à l'étranger ou qui utilisaient des drogues par voie intraveineuse.

A l'époque, sous le régime d'apartheid, les autorités sanitaires se préoccupaient peu de l'arrivée imminente du sida en Afrique du Sud. Même lorsqu'on s'est rendu compte de la migration de la maladie du milieu du continent vers le sud, aucune campagne d'éducation ni de prévention n'a été lancée.

Il faut dire que la société civile, y compris les organisations non gouvernementales et les Eglises, étaient d'abord préoccupées par la lutte pour la démocratie. Même si elles mesuraient mieux que le gouvernement la menace que constituait la maladie, leur action a été relativement limitée.

S'attaquer à la crise

Plus récemment, la lutte contre le sida a fortement progressé. Le gouvernement et la société civile collaborent assez bien dans les campagnes de conscientisation, et le travail éducatif est très répandu dans les écoles, les lieux de travail et autres. Des mesures législatives ont été promulguées pour prévenir toute discrimination des personnes atteintes du VIH/sida pour l'obtention d'un emploi ou l'inscription à un projet d'assistance médicale. Une prise de conscience croissante et la volonté de changer de mode de vie ont débouché sur une diminution du sida dans la communauté gay, comme c'est le cas dans le monde développé.

Malheureusement, on ne peut en dire autant de la population hétérosexuelle. L'Afrique du Sud a maintenant le taux le plus élevé d'augmentation des infections par VIH, avec 1.500 nouvelles infections par jour. Bien que l'énumération de statistiques finisse par n'avoir plus de sens, il est impossible de ne pas le faire si on veut saisir les dimensions du problème.

A la fin 1997, 3 millions de Sud-Africains étaient séropositifs, et on s'attend à ce que ce nombre s'élève jusqu'à près de 4,5 millions en 2005. Etant donné que l'infection par VIH se présente surtout chez des gens d'un âge économiquement actif, on a calculé qu'en 2000, jusqu'à 20% de la main- d'oeuvre sera séropositive. La moyenne de l'espérance de vie tombera de 65 ans actuellement à 56 dans la prochaine décade.

Les enfants

La situation est même pire pour les victimes indirectes de la maladie, en particulier les enfants. On estime qu'en l'an 2000, 1,8 million d'enfants seront "orphelins du sida". Et parmi les gens âgés, beaucoup connaîtront une vieillesse misérable, le sida ayant emporté les enfants qui auraient dû les soigner et les soutenir.

Dans le pays, la maladie a tendance à s'étendre selon le modèle qu'a connu le continent dans son ensemble. Les provinces du nord et de l'est présentent donc un beaucoup plus grand nombre de cas que les régions du sud. Au KwaZulu- Natal, par exemple, 27% des femmes fréquentant les maternités étaient séropositives en 97, contre un peu plus de 6% dans la province du Cap occidental. Il y a aussi un taux plus élevé d'infections dans les parties du pays ayant une population élevée de travailleurs migrants, comme les régions minières, et l'infection se propage rapidement le long des routes à grand trafic allant du nord au sud.

Changer le comportement sexuel

Ces faits sont une nette indication qu'on fait beaucoup trop peu pour combattre la propagation du sida. Comme on pouvait le prévoir, la première action du gouvernement a été de promouvoir l'utilisation du condom. Cependant, alors que l'idée de "sexe sans risque" - ou du moins "sexe à moindre risque" - peut avoir un certain effet, elle ne paraît pas pouvoir provoquer les changements nécessaires du comportement sexuel.

Que ce soient les jeunes gens qui s'engagent dans une activité sexuelle aveugle, les travailleurs migrants qui contractent la maladie quand ils sont loin de chez eux et qui la passent à leur épouse, ou les conséquences générales de la pauvreté, de l'analphabétisme et de l'ignorance de la maladie, le fait est là: si les comportements sexuels ne se modifient pas, la maladie continuera à se répandre. Au mieux, les préservatifs freineront-ils la rapidité de son extension.

Les femmes

Le statut social des femmes dans notre société, surtout des femmes africaines, est un autre facteur important de l'extension du sida. Les femmes sont encore toujours considérées par beaucoup d'hommes comme une propriété personnelle qu'ils peuvent traiter comme ils le veulent. Le résultat en est qu'il est quasi impossible à une femme de refuser les relations sexuelles avec son mari ou d'exiger qu'il utilise un préservatif, même si elle sait ou soupçonne qu'il est séropositif.

De même, beaucoup d'hommes estiment qu'ils ont le droit d'avoir des relations sexuelles avec une femme, consentante ou non, ce qui fait que l'Afrique du Sud tient le record mondial des viols. La violence contre les femmes, le viol, leur manque de pouvoir économique et, en général, leur statut inférieur, tout contribue à une situation où fleurissent le sida et les autres maladies sexuellement transmissibles.

Les Eglises

Les Eglises sont au premier rang de ceux qui s'efforcent de soulager les souffrances liées au sida. Des orphelinats et des homes tenus par des Eglises sont parmi les rares aménagements destinés spécifiquement aux séropositifs et aux laissés pour compte. Un remarquable travail est accompli p.ex. par les Soeurs de Nazareth, auprès des bébés et jeunes enfants atteints du VIH et du sida. La Conférence des évêques catholiques a créé il y a quelques années un service du sida et quelques prêtres et évêques se sont montrés remarquables dans leurs actions de pression et de soutien.

Mais les Eglises ont aussi omis d'éduquer et d'informer leurs fidèles. En particulier, elles ont insuffisamment fait passer le message de la responsabilité sexuelle et de la valeur de la fidélité et de la chasteté. Et si les Eglises ne remplissent pas cette tâche, il ne faut pas croire que les autorités laïques le feront.

L'Afrique du Sud a de la chance, en comparaison de beaucoup d'autres pays africains, car elle possède des services médicaux et sociaux complets et perfectionnés. On fait des recherches de très haut niveau sur la prévention et le traitement du sida. Le gouvernement se rend de plus en plus compte de la menace que constitue cette maladie. De nombreux ONG et groupes de pression réalisent un excellent travail d'éducation et de prévention. Les médias jouent un rôle important dans ce domaine et il n'y a pas eu de tentative de minimiser la dimension du problème.

Malgré cela, les statistiques sont parlantes. Il semble que nous n'ayons pas encore atteint le point où l'énormité de la crise est suffisamment apparente pour que les gens changent leur comportement. Si nous ne le faisons pas, nous ne pouvons attendre que le pire.

END

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 1999 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement