ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 359 - 01/01/1999

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Tunisie

Faire face au sida


by Jean Fontaine, Tunisie, octobre 1998

THEME = SIDA

INTRODUCTION

Préservée en bonne partie par la morale musulmane,
la Tunisie s'organise pour faire face à la maladie

La morale musulmane concernant les relations sexuelles a eu, dans les pays arabes d'Afrique du Nord, une influence positive sur le comportement de leur population. En effet, ces pays font partie des régions où le sida est le moins répandu. En Tunisie, qui compte environ neuf millions d'habitants, on trouverait peut-être deux mille séropositifs.

Au début, on avait un peu peur de l'opinion publique. Ainsi le mot "préservatif" était- il interdit d'antenne à la radio et à la télévision. Aujourd'hui, les choses ont évolué. Au moment de la journée mondiale du sida, le 1er décembre, le ministère de la Santé publique sollicite la collaboration des organisations non gouvernementales. Trois associations de ce type existent. L'une est plutôt spécialisée dans l'organisation de tables rondes et de conférences publiques. La deuxième opère à partir d'une ligne téléphonique d'information dans les trois principales villes, Tunis, Sfax et Sousse. La troisième s'occupe davantage de l'accompagnement des malades et de leurs familles.

Spécificités

La société tunisienne se différencie des sociétés de l'Afrique subsaharienne. En outre, l'administration marque de sa présence la manière dont le problème du sida est vécu. En voici quelques traits particuliers. Le premier est le manque de discrétion par rapport au malade. Habituellement, quand un malade est déclaré, on cherche à savoir qui a eu des relations sexuelles avec qui. En effet, l'union libre est passible de sanction, et la société ne tolère pas une relation entre une Tunisienne et un non musulman. De même, l'homosexualité est encore un délit et les malades n'avoueront pas cette particularité.

Un autre trait concerne la réaction des éléments religieux qui accusent le malade et jugent que son état est un châtiment divin pour son péché. Aussi, comme le programme de l'enseignement secondaire prévoit que une heure de cours spécialement sur le sida, les professeurs de sciences naturelles tentent de s'allier le professeur d'éducation religieuse pour que les élèves n'entendent pas des opinions opposées.

Notons enfin qu'il n'existe pas de service spécialisé pour cette maladie. Les sidéens sont provisoirement installés dans le service des maladies infectieuses d'un des hôpitaux de Tunis, où parfois se reconstitue un réseau de diffusion de la drogue.

Actions

La majorité des malades sont des Tunisiens vivant en Europe et, durant leur congé, ils contaminent leur épouse légitime. Alors, une association a mis sur pied, avec la collaboration d'organismes français et marocains, une campagne appelée "Cap Prévention". Il s'agit, pour les membres de l'association formés à cet effet, d'effectuer le trajet en bateau entre Tunis et Marseille (24 heures). Dans une cabine réservée, ils reçoivent les passagers désireux d'avoir des renseignements. On passe aussi des cassettes vidéo ou on donne des dépliants explicatifs, tout en ne se faisant pas d'illusion sur leur effet: les Tunisiens contactés n'aiment pas lire et préfèrent parler.

Bien que drainant près de quatre millions de personnes par an en Tunisie, le tourisme a relativement peu d'influence sur la propagation du sida dans le pays. Les touristes étrangers sont en général prudents et prennent leurs précautions. Malgré cela, ils restent la deuxième cause du sida et une association a mis sur pied des séances de formation à trois niveaux dans les hôtels du Cap Bon: personnel de base, cadres, directeurs. Un questionnaire est distribué auparavant pour avoir une idée des connaissances des intéressés.

Dans une banlieue nord de la capitale, avec le club sportif local, on a organisé un sida cross. Pendant que les jeunes, amateurs ou professionnels, filles et garçons, participent à quatre courses différentes dans la matinée, les membres de l'association se trouvent près des stands, le long de la plage, et sont prêts à répondre aux questions qu'on leur pose.

Le service social du district de Tunis réunit chaque année les responsables, les assistantes sociales et les associations privées, au cours d'une matinée bien remplie, afin de trouver une solution aux cas présentés. Chacun ou chacune peut se proposer à résoudre une difficulté caractéristique pour l'un ou l'autre cas.

Problèmes

Le premier problème a rapport avec ce qui a été dit plus haut à propos de la morale musulmane pratiquée dans les pays arabes. La majorité de la population ne se sent pas concernée et en vient même à nier l'existence de cette maladie en Tunisie. "De toutes manières - disent-ils - notre religion nous préserve d'un tel fléau". En refusant de reconnaître l'existence des relations sexuelles hors mariage, sans parler de la prostitution légale et dite "clandestine", ils ne se rendent pas compte qu'ils favorisent l'extension de la maladie.

Le deuxième problème concerne les jeunes. Normalement, et les enquêtes le montrent, ils sont bien formés et connaissent le minimum requis sur la maladie. Mais la très grande majorité d'entre eux considère que le danger est pour les autres et pas pour eux. "Je connais mes partenaires", disent-ils volontiers. Cette observation concerne surtout les jeunes des milieux plus favorisés de la capitale et des environs. Il existe encore de grandes disparités sociales, surtout si on compare la lointaine campagne avec la métropole.

Le troisième problème est celui de l'exclusion. Même si la loi protège le malade, dans les faits, lorsqu'un patron apprend qu'un de ses employés est malade du sida, il le licencie sous un prétexte ou un autre. De même, la famille accepte très difficilement de s'occuper de son malade. C'est pourquoi, souvent, le sujet atteint disparaît dans la nature, pour mourir tout seul.

C'est d'autant plus vrai que l'Etat n'a pas les moyens de proposer la trithérapie aux malades.

Enfin, le dernier problème concerne la difficulté à trouver des volontaires assidus dans les associations. Ce manque de persévérance est d'autant plus crucial que les autorités souhaitent aujourd'hui collaborer avec les organisations non gouvernementales. De ce fait, l'accompagnement est difficile, mais en plus les malades sont insaisissables. La troisième association mentionnée, fondée voici cinq ans dans le but d'accompagner les malades, n'a pas encore pu organiser son action de manière suivie et fonctionnelle.

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