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La deuxième richesse d’exportation du Congo, le bois, est menacée par une exploitation abusive orchestrée par les sociétés d’exploitation forestière
D’après les experts au Sommet de la Terre à Johannesburg, le bassin du Congo est l’un des écosystèmes les plus riches de la planète. Mais il est actuellement sérieusement menacé par la surexploitation. Si l’étendue de l’exploitation reste à évaluer, les autorités congolaises chargées de ce problème se montrent peu transparentes. Exactement ce que l’on vit avec le pétrole.
Ainsi, l’on se demande si Henri Djombo, ministre congolais de l’Economie forestière et de l’Environnement, est sincère dans son inquiétude. En effet, le 27 août dernier, il a fait sensation: il a (enfin!) interdit à ses collaborateurs de délivrer des “permis spéciaux” d’exploitation de bois, qui sont à l’origine de nombreuses coupes frauduleuses dans le pays, comme il le reconnaît lui-même.
«Il n’est plus autorisé de délivrer les permis de bois d’œuvre. Les textes d’application de la nouvelle loi vont bientôt paraître. Les permis spéciaux n’existent pas encore. Vous n’êtes plus autorisés, ni à la direction générale, ni dans les directions centrales, ni dans les directions régionales, de délivrer quel que permis que ce soit concernant les coupes artisanales du bois», a-t-il déclaré.
Il s’agit, entre autres, d’autorisations moins importantes accordées spécialement à des exploitants artisanaux, pour la coupe de quelques pieds d’arbres nécessaires à la fabrication de petites quantités de planches ou d’autres objets à base de bois. Mais les détenteurs de ces permis en profitent souvent pour couper de façon incontrôlée et anarchique un nombre incalculable d’arbres. Ceci au vu et au su des autorités compétentes du département de l’économie forestière.
C’est cette situation qui a d’ailleurs favorisé l’éclosion, un peu partout au Congo, de scieries pirates et artisanales exploitant le bois sans respect des normes.
Pour mettre fin à cette anarchie, le gouvernement a mis en place depuis deux ans un nouveau code forestier dont les textes d’application, en cours d’élaboration, vont désormais déterminer les conditions de délivrance de ces “permis spéciaux”.
Une exploitation peu transparente
Pourtant le bois est, après le pétrole, la deuxième ressource d’exportation du Congo: 20 millions d’hectares de forêts, soit près de 75% de l’ensemble du territoire national, y sont consacrés. Malheureusement son exploitation, tout comme son exportation, n’est pas transparente. Pire, les autorités du secteur restent souvent discrètes et peu bavardes sur le sujet.
C’est pour cela d’ailleurs que l’écologiste camerounais, Joseph Melloh Mindako, a été arrêté en mai 2002 dans la localité de Pokola, au nord du pays, à la frontière avec le Cameroun, par où le bois transite. D’après Henri Djombo, ce Camerounais menait des enquêtes «clandestines», alors qu’il tentait de voir un peu clair sur les abus de la société Congolaise industrielle de bois (CIB). Car, selon certaines informations, cette société favoriserait aussi le braconnage dans la zone sous son contrôle.
Pour le tribunal congolais, ce conservateur se livrait à des «activités d’espionnage économique susceptible de menacer la sécurité extérieure de l’Etat congolais». Une véritable langue de bois, qui camoufle les malversations dont sont victimes les forêts congolaises, livrées à une véritable exploitation sauvage par des sociétés étrangères. Cette enquête lui avait été demandé par une ONG allemande, Retten den Regen Wald, avec l’appui financier de Greenpeace-Suisse, du conservateur Karl Amman établi au Kenya, et d’un Britannique basé au Cameroun.
Lors du jugement au tribunal de grande instance de Brazzaville, Joseph Mindako Melloh a plaidé coupable, malgré lui. Mais il n’a pas manqué de souligner que cette enquête «rejoignait bien les préoccupations congolaises sur la conservation des écosystèmes forestiers». Mindako reconnaissait que, pour mener ces investigations, il n’avait pas sollicité l’autorisation des autorités congolaises pour des raisons de discrétion. Il a affirmé avoir réalisé ce genre de travail dans les mêmes conditions en Centrafrique, au Gabon et au Kenya.
Pour son avocat, Me Jean-Philippe Esseau, «l’infraction n’était pas constituée, dans la mesure où l’enquête n’était pas destinée à une puissance étrangère mais à une ONG». Conséquence: le 12 août, le tribunal à fini par relaxer Joseph Mindako Melloh. Une note triste cependant: il a cinq ans d’interdiction de pénétrer sur le territoire congolais.
Or, une autre société, malaisienne celle-là, massacre le massif du Chaillu, au sud-ouest du Congo. «Le drame, c’est qu’elle coupe même les jeunes arbres et ne reboise pas», dénoncent plusieurs témoins.
- Sylphes Mangaya, Congo-Brazza, septembre 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source
cfr. ANB-BIA, N. 378 (15/11/99): «SOS bois congolais»