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Centrafrique |
CORRUPTION
Le Premier ministre est décidé à poursuivre la lutte contre la corruption
Nommé Premier ministre le 1er avril 2001, Martin Ziguélé a bénéficié d’un lourd héritage légué par son prédécesseur Georges Anicet Dologuélé, actuellement directeur général de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) à Brazzaville. Sous Dologuélé, l’affaire Zongo-Oil, une société illégale de distribution des produits énergétiques, a entraîné un manque à gagner de presque 5 milliards de FCFA de frais de dédouanement et d’impôts. Bien d’autres fraudes fiscalo-douanières ont contribué à baisser le niveau des recettes de l’Etat.
A cela, s’ajoutent les difficultés du gouvernement pour rembourser à la BAD (Banque africaine de développement) les 9 milliards de FCFA nécessaires à la soumission du dossier centrafricain au prochain conseil d’administration du Fonds monétaire international. Sans oublier les travailleurs du secteur public avec 26 mois d’arriérés de salaires, les fonctionnaires retraités qui attendent 9 trimestres de pension, et les étudiants avec 2 années de bourses impayées.
Les experts de la Banque mondiale et du FMI, en mission à Bangui, ont cependant fait savoir à la presse que la République centrafricaine (RCA) n’a pas encore exploité toutes ses possibilités pour augmenter ses recettes, et qu’elle peut réaliser des rentrées de 50 à 100 milliards par mois.
Pour comprendre les raisons de cette baisse chronique des recettes de l’Etat, le chef du gouvernement a organisé une mission dans le nord-ouest du pays. Cette délégation, composée des responsables des régies financières, a ainsi décelé beaucoup d’irrégularités dans les bureaux des douanes de Berberati, Carnot, Nola, Bouar et Bocaranga.
De même, devant l’incapacité du gouvernement de boucler le déficit financier, M. Ziguélé s’est rendu en France pour solliciter l’appui de l’ancienne métropole en vue non seulement de l’aider à payer la dette à la BAD, mais également d’intervenir auprès des institutions financières internationales pour qu’elles assouplissent leurs exigences et accroissent leur assistance à son pays ébranlé par des crises récurrentes.
Fraudes dévoilées
La mission effectuée dans le nord-ouest et des enquêtes menées au niveau de l’administration centrale des Finances ont permis au Premier ministre de découvrir les mécanismes mis en place par les fraudeurs pour s’enrichir d’une manière illégale. On peut citer entre autres:
- la confection de quittances, ordres de paiement et autres titres parallèles au Nigeria et au Cameroun, par un réseau de fonctionnaires et d’agents des régies financières indélicats;
- la sous-évaluation des frais de douanes et taxes à valeurs ajoutées (TVA);
- des opérateurs économiques de moralité douteuse, qui achètent les marchandises au Nigeria, au Cameroun, au Tchad, au Soudan et au marché hebdomadaire de Mbaïmboum, et les importent en fraude par des pistes débouchant là où il y a des douaniers facilement corruptibles;
- la santé et l’éducation étant les priorités du gouvernement, les départements qui gèrent ces domaines bénéficient de gros financements pour les constructions, les fournitures et le matériel. Or, certains cadres et agents du Trésor public, de l’Office national d’informatique et des départements de la Santé et de l’Education s’arrangent pour confier des offres à des entrepreneurs qui leur octroient des commissions allant de 20 à 40%. Ainsi, bien avant la fin des travaux ou de la fourniture, les chèques du Trésor pour couvrir les frais sont déjà touchés.
Démantèlement du réseau
Ayant découvert un réseau de fraudeurs qui entretiennent et encouragent la corruption au sein des régies financières, et en ayant réuni les preuves, le Premier ministre a procédé à l’arrestation de 25 responsables des finances publiques et opérateurs économiques, notamment le ministre chargé des Finances et du Budget, M. Eric Sorongopé-Zoumandji, le conseiller du Premier ministre en matière financière, M. Albert Gofi, l’inspecteur d’Etat Marc Kodegué, ancien directeur général du Trésor public, etc. Ecroués depuis plus de deux mois, ces fonctionnaires indélicats et les opérateurs économiques véreux doivent être jugés avant d’être affectés à la maison carcérale de Ngaragba.
De même, deux missions diligentées par le Premier ministre à l’aéroport Bangui M’poko et sur l’axe Bangui-Bocaranga-Bangui ont découvert des fraudes. Au niveau de l’aéroport, une dame chargée de la vente des timbres fiscaux aux voyageurs a été arrêtée parce qu’on a trouvé des timbres falsifiés dans son bureau, et 7 millions de FCFA à son domicile.
Sur la route Bangui-Bocaranga, la mission a réussi à surprendre et arrêter cinq véhicules de 12 tonnes chacun, bien remplis de marchandises. Après avoir évité les douaniers consciencieux, ces commerçants étaient passés là où des douaniers corrompus les attendaient: à Bocaranga, ils ont été dédouanés en payant 5 millions de FCFA d’impôts pour les cinq véhicules. La mission de contrôle les a convoyés à Bangui où ils ont dû payer 25 millions au Trésor public, pour un dédouanement régulier.
Du 1er au 7 septembre, M. Martin Ziguélé s’est rendu en Grande-Bretagne pour expliquer sa lutte contre la corruption et vendre aux bailleurs de fonds une meilleure image de la République centrafricaine. Il était accompagné des ministres de l’Enseignement supérieur, de l’Agriculture, des Mines et de l’Hydraulique.
Le chef du gouvernement est décidé à poursuivre jusqu’au bout la lutte contre la corruption. Mais puisque beaucoup de pressions se font sur le président Patassé, qui est imprévisible, certaines voix s’élèvent déjà pour dire que, d’ici là, les fraudeurs bénéficieront d’une grâce présidentielle.
Cfr dans ANB-BIA Nº 391, p. III: «RCA: plaque tournante de la mafia» dont cet article est une actualisation.