[3] Kabila Envoie Des Réfugiés Hutus Au

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http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/981124marf.html

Kabila envoie des réfugiés hutus au front

En quête de respectabilité en Europe, il avive la guerre ethnique au Congo.

Par STEPHEN SMITH

Le mardi 24 novembre 1998

aurent-Désiré Kabila, qui est, depuis dimanche, en visite officielle en Italie, qui sera reçu aujourd'hui par le pape et viendra, via Bruxelles, assister à partir de jeudi au sommet France-Afrique à Paris, envoie depuis une semaine des milliers de réfugiés hutus sur le front. Selon nos informations, quelque 8 000 d'entre eux ont été recrutés dans les camps du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), au Congo-Brazzaville voisin, où ils avaient trouvé asile après leur persécution à travers l'ex-Zaïre - entre octobre 1996 et mai 1997 - par l'armée rwandaise et les forces rebelles de Kabila, alliées à l'époque. Armés et équipés, ces anciens réfugiés, qui sont encadrés par des officiers des Forces armées congolaises (FAC), embarquent depuis le 17 novembre dans des Antonov à l'aéroport de Kinshasa. Le dernier vol en date est parti dimanche matin. Ces Hutus, qui ont une revanche à prendre sur l'armée rwandaise, troupe de facto exclusivement tutsie, sont acheminés par avion vers des aéroports du centre du pays, pu is par camion jusqu'à Lodja. Cette localité se trouve, depuis la chute de la ville-garnison de Kindu, le 12 octobre, en première ligne sur le front.

En quête de soutiens en Europe, Kabila aggrave ainsi l'ethnicité de la guerre au Congo. Déjà, début août, lorsque le Rwanda et l'Ouganda ont créé de toutes pièces la «rébellion» contre son régime, Kabila et son directeur de cabinet avaient publiquement incité à des violences contre les Tutsis. Un rapport d'Amnesty international, rendu public hier, affirme que ses appels à la haine se sont soldés par la mort de «centaines de civils non armés». L'organisation de défense des droits de l'homme fait état de charniers près de Kinshasa, où seraient enterrés «pas moins de 500 corps». Les 2 et 3 août, 250 Tutsis auraient également été tués près d'Uvira, dans l'est. «L'incitation à la haine ethnique contre les Tutsis ou tout autre groupe est le meilleur moyen de provoquer un désastre sur le plan des droits humains», met en garde Amnesty, qui insiste sur le fait que «toutes les parties au conflit mènent une véritable guerre contre les civils non armés». Selon une source au Vatican, «la politique d'extermination menée par l'armée rwandaise dans le Kivu», la province frontalière du Congo, expliquerait l'audience accordée par le pape à Kabila. Jean-Paul II s'en inquiéterait d'autant plus que «le massacre délibéré de 200 000 réfugiés hutus par l'armée tutsie du Rwanda, en 1996-1997, est désormais un fait avéré».

A l'époque de la conquête du pouvoir par Kabila, les réfugiés hutus étaient les seuls à défendre le régime de Mobutu les armes à la main, autour de Kisangani, par exemple. Leur efficacité militaire était cependant très limitée, l'armée du maréchal s'effondrant comme aujourd'hui l'armée de Kabila. «Mêmes les officiers qui partent avec les Hutus ne sont pas prêts à se battre», a indiqué hier une source sur place. La déconfiture des Forces armées congolaises est telle que les alliés angolais, qui ont depuis trois semaines transformé la capitale du diamant, Mbuji-Mayi, en verrou stratégique, ont carrément désarmé les soldats de Kabila, parce qu'en fuyant «ils sèment le chaos autour d'eux»....



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