[2] Kabila Sort De L'isolement

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http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/981126jeui.html

Kabila sort de l'isolement

Après Bruxelles, le président congolais est aujourd'hui à Paris.

Par MARIE-LAURE COLSON
ET STEPHEN SMITH

Le jeudi 26 novembre 1998


près le roi des Belges, le
sommet France-Afrique.
Parachevant sa «visite de
travail» à Bruxelles par une
audience chez Albert II et
une réunion avec les
principaux responsables du
gouvernement belge,
Laurent-Désiré Kabila est
attendu cet après-midi à
Paris. «En tant que chef
d'Etat en exercice», comme
l'a souligné Hubert Védrine, le président du Congo-Kinshasa y participera au sommet franco-africain, en marge duquel il sera reçu
par Jacques Chirac. Cette «extraordinaire satisfaction» accordée à Kabila fait grincer des dents à Matignon, tandis que le Quai d'Orsay
s'aligne sur l'Elysée pour approuver un «geste d'ouverture» visant à apaiser les relations tendues avec le successeur de Mobutu, arrivé au
pouvoir par les armes en mai 1997. Voulant ôter à Kabila toute monnaie d'échange bilatérale, les autorités françaises se sont mises
d'accord pour retirer leur demande d'agrément comme ambassadeur de France à Kinshasa de Jean-Marc Simon, actuellement en poste en
République centrafricaine. Geste discourtois, qui s'ajoute au refus de permettre l'évacuation via Kinshasa des expatriés français pendant la
«bataille de Brazzaville» et à l'expulsion de trois diplomates français en dix -huit mois, cette requête est restée sans réponse depuis plus de quatre mois...

Plaintes. «Opprobre partagé, opprobre diminué», résume un diplomate français, selon lequel l'Italie, le Vatican, la Belgique et la France se sont concertés pour recevoir Kabila, «puisqu'il faut lui
parler et non pas l'isoler». Malgré sa prise de pouvoir qui a coûté la vie à quelque 200 000 réfugiés hutus, massacrés par les forces de
Kabila ou l'armée rwandaise, à l'époque alliée, la Belgique n'a pas lésiné sur les signes extérieurs de reconnaissance à l'égard du
président congolais autoproclamé. Outre ses divers entretiens au plus haut niveau, Kabila était hier invité au Parlement de Bruxelles, le cœur de la démocratie belge. Interviewé par la suite, il a promis de lever
«dans les deux mois» l'interdiction des partis politiques au Congo, en vigueur depuis son avènement. Avant de recevoir Kabila sur son sol,
le gouvernement belge s'était formellement engagé à respecter son immunité, mise en cause par deux plaintes déposées contre lui pour
«crime contre l'humanité». L'une émanait d'un couple mixte belgo-rwandais, l'autre du représentant à Bruxelles de l'UDPS, le
principal parti d'opposition au Congo. Mardi, à leur tour, la FIDH et la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen ont saisi le parquet de Paris en vue de l'ouverture d'une information
judiciaire à l'encontre du président congolais. Son régime est accusé de «recours généralisé et systématique à la torture», une pratique
prohibée par la convention de New York de 1984, applicable en France. En raison de l'immunité de Kabila, ces démarches, inspirées
par l'affaire Pinochet, n'ont cependant guère de chances d'aboutir.

«Affidés de la FrançAfrique». Curieusement, les députés verts, qui appelaient hier soir à une manifestation à Paris contre le sommet
franco-africain pour protester, notamment, contre la venue de «nombre de dirigeants de régimes peu démocratiques», n'ont pas
mentionné Laurent-Désiré Kabila parmi une dizaine de dictateurs nommément cités dans un appel signé par diverses associations
françaises et africaines. «Ce sommet sera encore celui des clients et affidés de la FrançAfrique», a estimé, mardi, Noël Mamère. Lors
d'une conférence de presse, le secrétaire national du Parti socialiste chargé des relations internationales, Pierre Guidoni, a rejeté ses
critiques comme «irresponsables». Ironisant sur des «communiqués rédigés dans les arrière-salles de café avec des associations au
demeurant sympathiques», il a disqualifié «cette attitude insultante» qui consisterait à «considérer tous les chefs d'Etat
africains comme des dictateurs». Au sujet de Laurent-Désiré Kabila, il a défendu «la nécessité des acteurs internationaux de
pouvoir se rencontrer», estimant qu'il n'était pas possible de «judiciariser complètement» les relations internationales. En
attendant l'instauration d'une Cour permanente internationale, «qui établirait la liste des chefs d'Etat fréquentables, et de quel
droit ?», s'est-il interrogé.

Kabila et les autres présidents francophones doivent participer cet après-midi à une première séance de travail à huis clos, à laquelle
participera aussi Lionel Jospin. La parité garantie du franc CFA - la monnaie commune de quatorze pays d'Afrique - par rapport au futur
euro, et la convention de Lomé qui lie l'Europe au continent seront à l'ordre du jour. Le traditionnel «dîner des francophones» précède
l'ouverture du sommet, demain matin, auquel participent 49 pays, dont 34 représentés par leur chef d'Etat.



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