[78] Presentation Du Rapporteur Sur La Situation Des Droits...
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presentation du Rapporteur sur la situation des droits de l'homme en RDC
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Sun, 7 Nov 1999 12:47:43 +0100
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"serv. informazioni Congosol" <congosol@neomedia.it>
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ORGANISATION DES NATIONS UNIES
ASSEMBLEE GENERALE
CINQUANTE-QUATRIEME SESSION
POINT 116 C DE L'ORDRE DU JOUR
PRESENTATION ORALE DU RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA SITUATION DES DROITS DE
L'HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (EX-ZAIRE)
A/54/361
Sommaire:
Introduction: Mandat et activites du Rapporteur special
Le conflit arme'
Qualification du conflit
Les Accords de paix de Lusaka
Principales caracteristiques de la situation des droits de l'homme
Violations du droit international humanitaire
Processus de democratisation
Droits economiques, sociaux et culturels
Recommandations
- ROBERTO GARRETON
NEW YORK, LE 4 NOVEMBRE 1999
Monsieur le President, Excellences, Distingues Delegues,
Introduction: Mandat et activites du Rapporteur special
-
J'ai l'honneur de soumettre devant cette auguste Assemblee mon troisieme
rapport interimaire sur la situation des droits de l'homme en Republique
democratique du Congo (ex-Zaire) conformement aux resolutions 53/160 de
l'Assemblee generale et 1999/56 de la Commission des droits de l'homme, qui
m'a en outre demande' de conduire, si un accord de cessez-le-feu etait
signe' ou si les conditions de securite' le permettaient, une mission
conjointe d'enquete, avec le Rapporteur special sur les executions
extra-judiciaires, sommaires ou arbitraires et un membre du Groupe de
travail sur les disparitions forcees ou involontaires, sur les allegations
de massacres et de violations du droit international humanitaire qui
auraient ete' commises sur le territoire de l'ex-Zaire entre 1996 et 1997.
-
Au cours de cette annee, j'ai effectue' deux missions en RDC, suite a'
l'invitation du Gouvernement qui a ainsi leve' l'interdiction qui m'avait
ete' faite de visiter le pays pendant plus de deux ans.
J'ai pu m'entretenir longuement avec le President de la Republique, ainsi
qu'avec toutes les autorites que j'ai estime' utile de rencontrer.
J'ai en outre ete' en mesure de visiter plusieurs centres de detention et
de conduire des entretiens avec les principaux partis politiques, les
organisations non gouvernementales de promotion et de defense des droits de
l'homme, des victimes de violations des droits de l'homme et leurs
familles, des membres d'associations de femmes et d'enfants, des
representants des communautes religieuses et de la Societe' civile, des
journalistes, des syndicalistes, des juges, des avocats ainsi que les
representants des Agences des Nations Unies et les membres du Corps
diplomatique.
-
Au cours de ces visites, je me suis egalement rendu dans les zones sous
controle du Rassemblement congolais pour la democratie (RCD), ou' je me
suis entretenu avec ses plus hautes autorites, beneficiant egalement de
leur part, de la plus grande liberte' dans le cadre de l'exercice de mon
mandat.
Le conflit arme
-
Le conflit arme', declenche' le 2 aout 1998 par le RCD, s'est propage'
rapidement puisque desormais, il controlerait pres de 50% du territoire
tandis que le deuxieme principal mouvement de rebellion, le Mouvement pour
la liberation du Congo (MLC) serait present sur un dixieme de celui-ci.
Au cours de cette annee, le premier mouvement, percu par la majorite' des
Congolais comme une force d'agression etrangere, s'est scinde' en deux
factions: le RCD Goma et le RCD Kisangani.
On recense en outre, pres de 18 groupes armes operant actuellement sur le
territoire de la RDC, en sus des cinq armees etrangeres qui ont ete'
deployees a' la demande du Gouvernement et des trois autres que le Conseil
de Securite' a qualifie' de "non invitees" (Cf Annexe 8 du rapport
interimaire).
-
La violence continue de ce fait a' etre extreme, particulierement dans les
territoires que la tres grande majorite' du peuple congolais estime etre
sous le controle des "militaires rwandais ", qui au pretexte de vouloir
mettre un terme aux activites des miliciens Mai Mai et Interhamwe, ont ete'
conduits a' commettre des massacres contre des populations civiles non
combattantes, comme notamment a' Makobola, Kamituga ou Buyankiri.
Les forces loyalistes n'ont, quant a' elles, pas hesite' a' bombarder les
populations civiles de Kisangani, Goma, Uvira, Bunga ou Gemena.
-
Bien que le bilan provisoire de ce conflit soit difficile a' etablir, on
estime que plus de 6000 personnes auraient ete' tuees et 500 seraient
portees disparues.
Par ailleurs, pres de 1,1 million de personnes seraient deplacees internes
et quelques 280,000 autres auraient ete' contraintes de prendre le chemin
de l'exil.
Comme a' l'accoutumee, la majorite' des victimes sont des civils et
notamment des femmes et des enfants.
Qualification du conflit
Distingues Delegues,
-
Dans mon dernier rapport, j'avais qualifie' le conflit arme' en RDC de
conflit interne avec la participation de forces etrangeres.
Les developpements recents, et notamment les affrontements directs, sur le
territoire congolais, entre les armees rwandaise et ougandaise, en
particulier ceux intervenus au mois d'aout dernier a' Kisangani, m'ont
conduit par consequent a' me pencher a' nouveau sur la qualification de ce
conflit.
La RDC fait face, selon moi, non pas a' un seul mais a' plusieurs conflits
qui s'enchevetrent.
Certains sont d'ordre interne et d'autres internationaux
(Cf paragraphe 20 du rapport interimaire).
Les Accords de paix de Lusaka
-
La signature des Accords de cessez le feu de Lusaka, le 10 juillet 1999,
constitue vraisemblablement l'un des principaux developpements qui ont
marque' cette annee.
Il convient cependant de mentionner que malgre' la lueur d'espoir que ces
Accords ont suscitee, la plupart des Congolais que j'ai rencontres, tant a'
l'Ouest qu'a' l'Est, estiment que la "communaute' internationale" n'a rien
fait ou tres peu pour mettre un terme au conflit qui ensanglante leur pays.
Il me semble cependant que cette appreciation, qui est de fait une
critique, est injuste et tient peu compte des efforts louables et
perseverants menes par certains pays africains - comme la Zambie, la
Republique sud-africaine ou la Lybie - par l'ONU et l'OUA, afin de trouver
un reglement pacifique a' ce conflit.
Ce sont en fait certaines des parties au conflit qui, de par leurs
reticences et les conditions souvent peu realistes qu'elles ont formulees,
ont fragilise' le processus et l'ont retarde', puisque le MLC et le RCD ont
finalement consentis a' signer ces Accords respectivement que les 1er et 31
aout dernier.
-
Le cessez-le-feu n'est malheureusement respecte' par aucune des Parties au
conflit, qui continuent de s'armer et de renforcer leur position militaire,
perpetuant ainsi le climat de guerre.
En outre, certaines mesures prises par le RCD, comme le jumelage de la
ville de Kigali avec la province du Sud Kivu, l'instauration d'un nouveau
drapeau congolais ou encore les raisons invoquees pour la reorganisation
operee recemment en son sein, sont contraires a' l'esprit de reconciliation
nationale qui constitue pourtant l'un des fondements de ces Accords.
Principales caracteristiques de la situation des droits de l'homme
Excellences,
-
J'ai constate' lors de ma derniere visite au mois d'aout que la situation
des droits de l'homme, tant a' l'Ouest qu'a' l'Est, s'etait deterioree de
maniere tres significative par rapport aux constats que j'avais fais a'
l'issue de ma mission en fevrier.
La situation est tres grave et tres peu de progres ont ete' enregistres.
Aucune des recommandations que j'avais formulees, tant au Gouvernement
qu'au RCD, n'ont ete' mises en oeuvre.
Il convient par ailleurs de souligner que dans nombre de cas, ce sont les
memes lois, celles etablies par le regime du President Mobutu, qui
continuent d'etre appliquees dans le domaine de la presse, tant dans les
zones sous controle gouvernemental que dans celles sous controle de la
Rebellion.
-
La liberte' d'expression n'existe pas et la repression demeure implacable
contre les militants des droits de l'homme, notamment ceux qui sont
soupconnes d'avoir transmis des informations aux mecanismes des droits de
l'homme, et ce en violation flagrante de la resolution 1999/16 adoptee par
la Commission des droits de l'homme.
-
Dans les territoires sous controle du Gouvernement, parmi les principales
violations recensees, il convient de relever: les executions de plus de 100
personnes au cours de cette annee, suite a' des jugements prononces par la
Cour d'ordre militaire (COM) dont les statuts ne sont pas conformes aux
instruments internationaux pertinents auxquels la RDC est partie; les
arrestations et detentions arbitraires, souvent prolongees, notamment pour
des motifs d'ordre politique; le recours frequent a' la torture;
l'interdiction de quitter le pays voire meme une ville sans autorisation
prealable et enfin les atteintes aux libertes de reunion, d'association et
d'expression.
Les principales victimes de ces violations sont les journalistes, les
militants des partis politiques, les syndicalistes, les representants d'ONG
des droits de l'homme et toute autre personne d'un avis et ou d'une opinion
contraire au Gouvernement.
-
Dans les zones sous controle de la Rebellion, la situation est encore plus
serieuse, etant donne' qu'aucune activite' politique n'est autorisee et que
les rares journaux et radios dissidents qui existaient ont ete' suspendus.
C'est ainsi que la principale radio independante du Sud Kivu a ete' interdite.
Le RCD conditionne en effet la reprise de ses emissions a' un changement de
la redaction et a' son remplacement par des journalistes choisis par les
autorites.
Des informations faisant etat de cas de torture et de disparitions forcees,
dont certaines se seraient traduites par la deportation des victimes vers
le Rwanda, ou' leur sort demeure inconnu, ont ete' portees a' ma
connaissance.
Je souhaiterais cependant attirer l'attention de cette Assemblee sur la
situation extremement grave des militants des droits de l'homme dans la
partie controlee par le RCD.
Une dizaine de representants d'ONG des droits de l'homme que j'avais
rencontres lors de ma visite a' Goma, au mois de fevrier, ont, suite a' des
harcelements continus et des menaces de mort, ete' contraints de prendre le
chemin de l'exil.
Violations du droit international humanitaire
-
La situation des droits de l'homme deja' tres preoccupante se trouve
aggravee en raison du conflit en cours et des atteintes au droit
international humanitaire commises par toutes les parties au conflit.
Outre le fait que les deux parties n'hesitent pas a' enroler des enfants
pour servir dans leurs rangs, les principales atteintes incluent, sans etre
exhaustif, du cote' gouvernemental, des bombardements de villes; du cote'
de la Rebellion des massacres de civils non combattants, contrevenant ainsi
aux principes d'humanite' des Conventions de Geneve, dont nous celebrons,
cette annee, le cinquantieme anniversaire.
Processus de democratisation
Distingues Delegues,
-
Dans les territoires sous controle de la Rebellion, aucune forme
d'expression ou de participation politique dissidente n'est possible.
Seule la position du RCD est autorisee.
-
A l'Ouest, les pouvoirs absolus que s'etait attribues de maniere
unilaterale le President Laurent-Desire' Kabila, apres la chute du regime
du President Mobutu, demeurent intacts, ne laissant dans ce contexte que
tres peu de marge pour l'emergence d'une democratie.
Comme je l'ai repete' a' plusieurs reprises, il existe un droit, qui est
celui de ne pas vivre dans la dictature, mais de vivre en democratie.
La diffusion de ce droit fondamental doit etre imperativement encouragee.
-
La promulgation, au mois de janvier 1999, d'un decret-loi, reglementant
l'organisation des activites et des partis politiques, a conduit en fait a'
la dissolution de tous ceux qui existaient auparavant et qui s'etaient
constitues legalement.
Ce decret-loi impose aux partis des conditions quasi impossibles a'
satisfaire, voire humiliantes pour leur reconstitution et leur legalisation
depend de la decision souveraine du Ministre de l'Interieur.
La persecution des opposants est implacable et nombre d'entre eux ont ete'
arretes arbitrairement bien que, le President Laurent-Desire' Kabila m'ait
indique' lors de l'entretien qu'il m'a accorde' que " la RDC ne compte
aucun detenu politique ou d'opinion".
-
Les Accords de paix de Lusaka stipulent que l'opposition non armee ainsi
que les forces vives de la Nation doivent participer pleinement au Dialogue
national et aux negociations politiques inter-congolaises.
Bien que cette disposition soit des plus claires, le Gouvernement continue,
jusqu'a' present, a' se referer au Debat national qu'il a lui meme lance'
et qui vise a' debattre uniquement des themes proposes par lui et selon des
regles qu'il a elaborees sans qu'aucune consultation n'ait ete'
prealablement initiee.
L'equipe preparatoire de ce Debat national, qui est presidee par le
Ministre des Affaires etrangeres, n'a guere avance' depuis son
etablissement au mois de mars dernier, en raison essentiellement de la non
adhesion par la population congolaise.
Droits economiques, sociaux et culturels
-
La desastreuse situation economique que connait le pays fait peser par
ailleurs une lourde hypotheque sur le respect des droits economiques,
sociaux et culturels.
De recentes statistiques de la FAO indiquent que plus de 10 millions de
personnes en RDC vivraient dans des conditions d'insecurite' alimentaire
tandis que deux millions seraient particulierement touchees.
Selon le Gouvernement, la situation de guerre expliquerait le marasme
economique dont les responsables seraient la communaute' internationale,
les cambistes ou toute personne detenant des devises etrangeres, ainsi que
certaines communautes notamment libanaise, grecque, pakistanaise ou
Ouest-africaine, sans qu'a' aucun moment la responsabilite' des autorites
ne soit invoquee.
Recommandations
Monsieur le President,
-
Je souhaiterais conclure mon intervention en exposant les principales
recommandations contenues dans mon rapport, au premier rang desquelles
figurent l'absolue necessite' pour toutes les Parties au conflit de mettre
en oeuvre les dispositions contenues dans les Accords de Lusaka auxquels
elles ont librement souscrit, mais aussi et surtout de respecter le
calendrier etabli.
-
Le Gouvernement de la RDC devrait:
- mettre en oeuvre des mesures credibles, immediates et serieuses pour que
le processus de democratisation puisse etre initie', conformement aux
dispositions contenues a' cet effet dans les Accords de Lusaka
- autoriser le fonctionnement des partis politiques et des ONG des droits
de l'homme qui se sont constitues conformement a' la loi en vigueur au
moment de leur creation
- imposer un moratoire immediat sur l'application de la peine de mort
- liberer toutes personnes arbitrairement detenues en raison de leur
opinion
- supprimer la Cour d'ordre militaire et entreprendre des reformes
serieuses du systeme judiciaire congolais afin de garantir son
indispensable independance.
-
Le RCD et ses allies etrangers devraient:
- mettre un terme a' toutes les represailles a' l'encontre des populations
civiles non combattantes et conduire des enquetes serieuses et
independantes sur les massacres commis dans les zones qu'ils controlent,
lesquels massacres, etant des crimes potentiels contre l'Humanite', ne
peuvent etre uniquement qualifies de "bavures"
- respecter les activites des militants des droits de l'homme, comme
stipule' dans la Declaration du 9 decembre 1998 sur le droit et le devoir
des individus, des groupes et des institutions de promotion et de
protection des droits de l'homme et des libertes fondamentales
universellement reconnues
- s'abstenir de toute initiative ou mesure qui pourrait etre percue par le
peuple congolais comme un signe visant a' la partition du pays.
-
Le Gouvernement et le RCD devraient en outre s'engager formellement a'
cooperer avec la mission conjointe d'enquete sur les allegations de
massacres commis entre 1996 et 1997 afin qu'elle puisse exercer le mandat
qui lui a ete' confie' par la Commission des droits de l'homme, des que les
conditions de securite' le permettront.
-
J'invite par ailleurs, la communaute' internationale a' mettre tout en
oeuvre pour qu'un terme soit mis aux ventes d'armes ainsi qu'a' toute forme
d'assistance militaire aux Parties au conflit.
Il est a' cet egard urgent et necessaire que l'operation de maintien de la
paix des Nations Unies puisse se deployer et qu'une composante droits de
l'homme puisse etre creee en son sein.
-
La communaute' internationale devrait enfin se prononcer plus clairement
sur la nature juridique de chacune des armees impliquees, en demeurant
cependant inflexible un principe: l'intangibilite' des frontieres de la RDC.
Je vous remercie, Monsieur le President.
Servizio informazioni Congosol
http://www.peacelink.it/users/bukavu/csol/congosol.html
Nous nous excusons avec tous ceux qui ont deja' recu ce document.
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