ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 345 - 01/05/1998

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Afrique

En route pour le nouveau millénaire - PARTIE 2/6


Un Dossier ANB-BIA, Bruxelles, mars 1998

2. La démocratie en Afrique:
mythe ou réalité?

Au fil des années 90, il devenait clair que la route de l'Afrique vers la démocratie ne serait pas partout la même. Chez les uns, le progrès se faisait dans le calme, chez d'autres dans l'agitation.

Certains pays émergeaient tout juste d'une situation de guerre civile; d'autres n'avaient jamais appliqué les principes de la démocratie et tout ce qui va avec depuis leur indépendance: ils continuaient d'opérer comme des Etats à parti unique ou comme des dictatures personnelles centralisées. Malgré tout, le mouvement en faveur de la démocratie multipartite qui avait balayé le continent africain chassa certains gouvernements et en força d'autres à changer.

Une démocratie réelle

En voyant tout ce qui se passait, les gens commençaient à s'interroger: "Quels sont les préalables pour une véritable démocratie?". Pour ceux qui sont au pouvoir: une prise de conscience des aspirations du peuple et une volonté d'apporter des changements. Pour le citoyen moyen: le désir de participer aux affaires publiques et privées de l'Etat. Un vrai multipartisme doit permettre l'expression libre de toutes les nuances de l'opinion publique.

Au cours du temps, on a pu clarifier certains espoirs et certaines craintes exprimées par les commentateurs politiques au début du processus de changement vers le pluralisme. On s'aperçut rapidement, par exemple, que dans plusieurs pays, la création de nouveaux partis n'avait guère impliqué de nombreux citoyens, en dehors de l'élite politique en place, surtout pas dans les régions rurales. On a peut-être vu naître de nombreux partis politiques; mais certains présidents en place depuis longtemps continuaient à se maintenir au pouvoir avec des partis de façade.

Même là où le vent du changement emporta le président en exercice et son gouvernement, les nouveaux dirigeants provenaient dans l'ensemble des mêmes classes politiques, voire des mêmes familles, que ceux qui avaient détenu le pouvoir au cours des trente années écoulées. Certains de ces "nouveaux" politiciens populaires n'étaient autres que ceux de l'ancienne génération qui avaient su choisir le bon moment pour rompre avec le passé et adopter le nouveau langage de "bonne gouvernance" et de "respect des droits de l'homme".

Sous un ancien régime à parti unique, peu d'hommes politiques sérieux pouvaient tenter de créer un nouveau parti et survivre. Quelles que soient les critiques que l'on pourra formuler sur le processus du changement amorcé en Afrique, une réalité est indéniable, la liberté d'expression. C'est à l'opposé de l'étouffement de toute dissension ou d'expression d'opinions, qui était couramment pratiqué auparavant.

Les changements dans les structures économiques

Pourtant, à mesure que l'on approchait de la fin du siècle, les politiciens africains réalisaient que l'exis-tence de parlements et la tenue rituelle d'élections ne saurait asseoir à elle seule la démocratie, ni assurer le développement économique. Il fallait commencer à répondre aux aspirations de la population pour le changement, surtout sur le plan économique. Et pour cela, aborder les nombreuses facettes de ce que l'on a appelé communément "un développement durable": les problèmes de l'environnement et de la population, la participation des femmes dans la vie de la nation, la maîtrise des groupes marginaux et la réalisation du bien-être social. Cette tâche titanesque ne peut être accomplie qu'avec la participation et l'appui total de la population dans son ensemble.

La démocratie, mythe ou réalité?

Mais comment les pays africains ont-ils vécu leur expérience de la démocratie? Voyons quelques exemples de cette période.

Bénin - La démocratie est devenue une réalité, caractérisée par la liberté d'opinion et d'association. Plusieurs partis politiques opposés au président Soglo ont vu le jour. Il y eut bien sûr les problèmes du début, mais une chose est claire: la mise en place des principales structures gouvernementales, telles que l'Assemblée nationale, la Cour suprême et la Cour constitutionnelle, a lancé le processus démocratique. Le plus difficile devait peut- être encore venir. Le nouvel ordre n'était pas seulement une nouvelle manière de faire, il fallait aussi penser autrement. Et cela n'est pas chose facile.

Burkina Faso - La nouvelle Constitution du Burkina Faso accordait au président et à son gouvernement tous les pouvoirs nécessaires pour mener à bien la transition. Lentement mais sûrement, le Burkina Faso a mis en place les structures de la IVe République. L'opposition réclamait une Conférence nationale souveraine, mais le gouvernement a refusé. La population se demandait ce qui se passait, car la mise en place de la structure du gouvernement n'avait pas vraiment réussi à clarifier la situation.

Tchad - La dictature fut démantelée et la démocratie mise en place à la faveur des fusils. Le Tchad donnait l'impression d'être bien lancé sur la route de la démocratie. Au moins 27 partis avaient été enregistrés, mais on n'entendait qu'une seule voix: celle d'Idriss Déby et de son Mouvement patriotique du salut. Sous la pression interne et externe (surtout de la France), Déby se vit obligé de respecter le programme de démocratisation qu'il avait promis de réaliser et qui comprenait la légalisation des partis politiques. Il dut aussi accepter de tenir une Conférence nationale souveraine.

Kenya - Le président arap Moi ne voulut rien entendre d'une conférence nationale, parce qu'en Afrique francophone, elles ont toujours été suivies de la mise en place d'un gouvernement de transition. On chuchotait que les partis de l'opposition ne s'uniraient pas pour réclamer cette conférence parce que, dans le fond, ils cherchaient le pouvoir pour eux-mêmes. En réalité, le processus de démocratisation est encore loin du but.

Tanzanie - Les changements ont été rapides. Tout le monde s'est exprimé en faveur de la démocratie et des droits de l'homme. Beaucoup se sont servis des nombreux journaux qui ont surgit au cours des trois dernières années. Ce furent de nouvelles expressions du processus démocratique, devenu partie intégrante de la vie politique du pays. La loi d'amendement de la Constitution, ouvrant la porte au pluralisme politique, fut adoptée en mai 1992 et c'est le 1er juillet de la même année que la Tanzanie devint officiellement un Etat multi-partis. Les premières élections pluralistes ont eu lieu en 1995.

Togo - A la fin des travaux de la Conférence nationale souveraine, un gouvernement de transition fut mis en place et prit un bon départ. Mais il buta vite contre un obstacle majeur: le général Gnassingbé Eyadéma, président du Togo. Le président et ses supporters eurent vite fait de récupérer la majeure partie de leur pouvoir et leurs privilèges, dont l'organisation d'élections. Une chose était sûre: seule la détermination de la population amènerait la victoire finale contre cette dictature qui n'en finit pas.

Ouganda - Pour comprendre la situation de l'Ouganda, il faut se rappeler que le pays a connu 20 ans de troubles politiques, de dictature et de sérieuses violations des droits humains, ce qui a gravement affaibli, voire détruit, toutes les institutions démocratiques qui en étaient encore à leurs débuts. Le Mouvement de résistance nationale, de Yoweri Museveni, a maintenant introduit quelques changements fondamentaux dans le domaine démocratique. Ces changements nous font espérer que la démocratie pourrait devenir une réalité en Ouganda.

Zaïre - En 1991, le gouvernement convoqua une Conférence nationale, même si elle ne jouissait que d'une souveraineté limitée. Il s'est efforcé d'accélérer les débats à tel point qu'il s'est heurté au "pouvoir du peuple", qui réclamait une conférence bien préparée et pleinement souveraine. Celle-ci vit effectivement le jour sous la présidence de Mons. Monsengwo, mais elle eut très vite des problèmes avec les autorités gouvernementales qui craignaient de perdre le contrôle de la situation. L'appel du président Mobutu pour une réconciliation nationale et pour la démocratie était manifestement un coup de bluff: il n'avait nullement l'intention d'ouvrir la voie à la démocratie. Il rejetait toute idée de changement et s'accrochait au pouvoir par tous les moyens.

Zambie - Après la victoire du Parti pour une démocratie pluraliste de M. Chiluba, sur le Parti uni pour l'indépendance de Kaunda - où le plus important parti de l'opposition a obtenu une victoire unilatérale foudroyante - le cas de la Zambie démontre clairement que le multipartisme en soi n'équivaut pas à la démocratie. Les structures du pluralisme doivent être soutenues par des attitudes de tolérance, de dialogue, de respect des droits humains, de promotion du bien commun. Comme l'opposition manifestée par le Parti uni était faible, on a vu réapparaître en Zambie des attitudes de parti unique, comme l'arrogance et le manque de responsabilité.

Zimbabwe - Situation curieuse! Dans un pays qui, depuis son indépendance, avait connu des élections parlementaires régulières, les gens commençaient à se demander si on n'allait pas vers un régime de moins en moins démocratique. Aux élections de 1990, on ne parla pas de falsification du scrutin; mais l'accès de l'opposition aux médias était sévèrement contrôlé.

FIN PARTIE 2/6


1. Le vent du changement  | 3. L'Afrique et la communauté mondiale
4. Les manifestations de la démocratie: une presse et un système judiciaire indépendants
5. Les réalités de la globalisation | 6. Où se trouve l'Afrique à l'approche du nouveau millénaire?

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