ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 345 - 01/05/1998

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Afrique

En route pour le nouveau millénaire - PARTIE 5/6


Un Dossier ANB-BIA, Bruxelles, mars 1998

5. Les réalités de la globalisation

La globalisation prend ses racines modernes dans la création de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international après la seconde guerre mondiale. Tous deux ont accordé des prêts à des pays en développement qui, à la fin de la guerre froide, avaient perdu le patronage de certaines "régions d'intérêt" (principalement l'Union soviétique et les Etats-Unis), et qui cherchaient de nouveaux "bailleurs de fonds". Il en résulta un endettement colossal de la plupart des pays du tiers monde, des dettes qu'ils ne pourront jamais rembourser. Les prêts étaient accordés sous certaines conditions, portant sur la manière d'utiliser l'argent et d'"ajuster" l'économie du débiteur. C'est ce qu'on appela les programmes d'ajustement structurel (PAS), dont l'Afrique a eu sa part.

Les PAS comprenaient souvent une bonne part de privatisations forcées, la vente par le gouvernement d'entreprises qu'il contrôlait et la réduction de programmes jugés improductifs par les organisations internationales (le plus souvent dans les secteurs des soins de santé, du logement et de l'éducation). L'idée était que tous ces secteurs devaient être intégrés dans le système du marché libre de l'entreprise privée.

Qu'est-il arrivé en fait? Les prêts et les PAS ont eu pour résultat d'accorder aux pays moins pauvres des traitements de faveur, lorsqu'il s'agissait d'importer des produits de consommation à des prix préférentiels en provenance de leurs "partenaires" en Afrique. Et les plus pauvres sont devenus plus pauvres encore, gémissant sous l'impossibilité de jamais pouvoir émerger du fardeau de leur dette. Les populations de ces pays étaient incapables de payer les augmentations des prix imposés aux termes des PAS.

Lorsqu'on transpose tout cela sur la scène mondiale (globale) avec la liberté du commerce et la libre circulation de l'argent, qu'arrive-t-il? Les riches peuvent exporter et importer ce qu'ils veulent aux prix qu'ils veulent. Les pauvres doivent se contenter d'observer.

Les investissements étrangers

On aurait pu imaginer qu'une approche globale de l'économie de marché entraînerait de plus en plus d'entreprises étrangères à investir dans la production de produits de première nécessité. Malheureusement, il faut constater que la majeure partie de l'argent investi n'a pas servi au développement de nouvelles entreprises et de l'emploi, mais plutôt à des rachats ou des fusions d'entreprises et d'usines existantes.

Ce qui est plus grave, c'est l'ampleur avec laquelle les investissements directs étrangers (IDE) passent à côté des nations les plus pauvres: quelque 73% du flux des IDE sont allés à 12 pays seulement. Jusqu'à 90% ont circulé entre les pays riches industrialisés, ou les économies asiatiques à forte croissance et la Chine, ou en provenance de ceux-ci. Les perdants de tout ce mouvement global se retrouvent principalement en Afrique, qui n'a bénéficié que de US$ 4,5 milliards de IDE en 1996 et n'a reçu que 5% du total des IDE dans les années '90.

En Afrique même, la majeure partie des IDE est allée à l'industrie minière. Les 48 pays les moins développés du monde ne profitent pratiquement d'aucun apport d'argent.

On ne peut ignorer la globalisation

"L'Afrique fait partie du monde et, de plus en plus, notre monde est le village global. Si quelque chose arrive dans une partie du monde, il y a immédiatement des répercussions sur la plupart des autres parties", disait Monseigneur Desmond Tutu, l'ancien président de la Conférence africaine des Eglises (dans son discours à l'AACC à Nairobi, octobre 1997). Et il poursuivait: "Un accident de voiture survenu à Paris a provoqué un arrêt dans le monde entier. Nous sommes reconnaissants pour l'action de la princesse Diana qui a contribué à libérer le monde du fléau des mines antipersonnel et qui s'est rendue en Angola dans le cadre de cette campagne. Nous le sommes également envers Mère Theresa qui a incarné la passion et s'est occupée des pauvres et des délaissés".

Mais l'archevêque sud-africain a également fait une mise en garde: "Nous avons longtemps vécu dans un monde bipolaire, l'Est contre l'Ouest dans une période de guerre froide. Maintenant, nous sommes dans un monde unipolaire, avec les Etats-Unis comme seuls taureaux dans l'arène. Et cela a obligé beaucoup de pays à se démocratiser s'ils voulaient être entendus en matière d'aide, etc. L'Afrique a également dû s'accommoder de ce qu'on appelle la globalisation, l'expansion de l'hégémonie des corporations multinationales, l'appel insistant à une économie de marché où les coups sont commandés par les riches et puissants au détriment des pays producteurs, qui sont si vulnérables devant les diktats des puissants... Les dés sont sérieusement pipés contre l'Afrique et d'autres parties du monde en développement".

L'archevêque Tutu a regretté que l'Afrique ait été pratiquement oubliée dans les dernières réunions de la Banque mondiale et du FMI, qui ont concentré leur attention sur les problèmes asiatiques. Il a rappelé que l'Afrique et d'autres pays en développement titubent sous le fardeau croissant de la dette internationale. Le monde a raté une occasion, lors du 50e anniversaire des Nations unies, d'invoquer le principe du jubilé biblique pour remettre leurs dettes aux nations pauvres en leur donnant la possibilité d'un nouveau départ.

Démocratie et développement vont de pair

Aussi longtemps que l'Afrique sera criblée de dettes et que la plupart des pays d'Afrique vivront dans une pauvreté désastreuse, la démocratie a peu de chances de s'enraciner et de prendre son essor. On se demande: si la démocratie avait pris racine en Afrique centrale, le Rwanda, le Burundi, le Zaïre (R.D. du Congo) et le Congo Brazzaville auraient-ils connu les horreurs de la guerre civile? Cela vaut sans doute aussi pour le Soudan, qui se débat toujours dans la guerre civile, et pour la Somalie, déchirée par une guerre interminable entre factions rivales. Et le coup d'Etat en Sierra Leone aurait-il eu lieu? Et quid du carnage sans fin en Algérie?

Notons qu'en Occident, on a remplacé le terme "démocratie" par "bonne gouvernance", en mettant l'accent sur de bonnes structures administratives, un pouvoir judiciaire indépendant et une certaine participation populaire dans la politique du pays.

FIN PARTIE 5/6


1. Le vent du changement | 2. La démocratie: mythe ou réalité? | 3. L'Afrique et la communauté mondiale
4. Les manifestations de la démocratie: une presse et un système judiciaire indépendants
6. Où se trouve l'Afrique à l'approche du nouveau millénaire?

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