Un Dossier ANB-BIA, Bruxelles, mars 1998
Quelle liberté les Africains ont-ils eue pour décider de la démocratie? Etait-on en mesure de choisir des options dans une Afrique véritablement libre? Dans la gestion de leur quotidien, les pays africains étaient-ils libres de décider par eux-mêmes? Bref, à quel point l'indépendance de l'Afrique et les expériences de démocratie étaient-elles authentiques? Aujourd'hui encore, des gouvernements extérieurs à l'Afrique et des organisations internationales ont de toute évidence leur mot à dire dans les affaires intérieures de l'Afrique.
Lors de la prise de décisions dans les conférences internationales, les anciens maîtres coloniaux imposent souvent des arrangements secrets aux pays africains, et semblent encore disposer de droits acquis dans "leurs" anciennes colonies ou territoires d'outremer. Certains pouvoirs occidentaux, tels les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, exercent une influence sur la vie quotidienne de pays africains avec lesquels ils n'ont aucun passé colonial. On peut regretter que certaines dictatures africaines aient été et sont encore appuyées par l'Occident.
Le continent africain est devenu le plus grand débiteur du monde. Vingt Etats africains ont des dettes plus élevées que leur produit national brut. La plupart d'entre eux sont incapables de payer les intérêts de leur dette et les arriérés d'intérêts s'accumulent. En vue de résoudre la misère économique de l'Afrique, les organisations internationales, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ont imposé leur politique monétaire et fiscale dans beaucoup de pays africains, souvent dans le cadre d'une série de mesures qu'on appelle "programme d'ajustement structurel". Ces programmes ont eu des effets tout à fait désastreux sur la vie quotidienne des groupes les plus vulnérables de la société.
Aujourd'hui, on peut se poser la question: "Qui tient en réalité les cordons de la bourse de l'Afrique?"
En 1994, certaines régions de l'Afrique connaissaient une crise profonde et la réponse de la communauté internationale, surtout des superpuissances, s'est révélée inadéquate en termes de mesures positives pour la résolution des conflits. La communauté internationale a été incapable d'offrir la moindre solution tangible aux conflits déchirant l'Afrique, si ce n'est la mobilisation de fonds d'entraide, de nourriture, vêtements et autres objets de première nécessité. Cette activité humanitaire a pris le pas sur la nécessité de mesures préventives pour éviter les conflits qui couvent. Parallèlement, la communauté internationale se demande dans quelle mesure la population africaine a la volonté de sonder les racines profondes de ses propres conflits, qu'ils soient d'ordre religieux, ethnique ou multi-ethnique.
Dans les années '60 et '70, on espérait un grand partenariat économique entre l'Afrique et l'Europe. La croissance était rapide en Afrique et l'attente était grande. Puis ce fut la fin de la guerre froide, et l'Occident décida de revoir ses priorités économiques. Les années '80 furent une période particulièrement difficile pour l'Afrique, avec une dette qui s'emballait et une demande de rééchelonnement de cette dette par beaucoup de pays africains. Les années '90 constituent la décade de l'ajustement structurel.
Le changement d'attitude de l'Occident vis-à-vis de l'Afrique se caractérise par une insistance sur les privatisations, une préoccupation soudaine pour les droits de l'homme et la volonté de lier l'octroi d'une aide éventuelle à ces préoccupations.
On peut se demander ce que veut en réalité l'Occident de l'Afrique?
Après avoir subi de profonds changements au cours des dernières années, l'Afrique réclame maintenant sa véritable place dans la communauté internationale et se rend compte que ce n'est pas chose facile. Beaucoup de pays africains sont petits, économiquement faibles, avec des frontières géographiques fortuites ne respectant pas les frontières ethniques. Une participation sur la scène internationale n'est pas évidente. On peut se demander si la notion et l'acceptation du "panafricanisme" comme véhicule de développement de la solidarité entre nations africaines ne vaudrait pas mieux que l'action isolée de chaque pays. Cette notion se réalisera plus tard dans la décade, à un niveau plus régional, avec l'élaboration d'une politique régionale et d'un "marché commun" économique régional.
L'Afrique du Sud avec sa démocratie retrouvée est de retour dans la communauté internationale après les longues années d'isolement du régime de l'apartheid. Après les élections de 1994, le pays est devenu membre des Nations unies, de l'Organisation de l'unité africaine, du Commonwealth et du Mouvement des non alignés. Une relation saine et mutuellement profitable semble se développer. Dans les relations internationales, l'accent est mis sur le partenariat.
Mais tous les pays n'ont pas eu la même bonne fortune. La Guinée semble être incapable de rompre ses liens avec l'ancien pouvoir colonial. Le pays a essayé de faire son chemin tout seul, mais aujourd'hui, une nouvelle pression s'exerce sur lui. Cette pression s'appelle "coopération", à la française. La France investit l'argent des pays africains de la zone franc et contrôle la façon dont cet argent est dépensé. D'autre part, il y a continuellement des négociations, conférences, contacts économiques, octrois d'aides en appui aux budgets, et des investissements dans ces pays. La "coopération" avec la France a donc des effets négatifs et positifs.
Au moment de la signature de l'accord de paix au Mozambique en 1992, 200 organisations non gouvernementales oeuvraient dans le pays: opérations de maintien de la paix des Nations unies au Mozambique, autres agences des Nations unies et agences d'autres pays. C'est en grande partie grâce à l'aide internationale que le Mozambique réussit à vivre. 75 % de son budget national proviennent en effet de l'extérieur. Mais un jour, cette aide prendra fin; à ce moment, ni le citoyen ordinaire ni l'administration ne pourront se maintenir par leurs propres moyens. Il n'y a qu'une seule issue pour le Mozambique: il devra devenir autosuffisant à tous les niveaux. Les Mozambicains ne sont pas encore "les maîtres de leur propre terre".
En Ethiopie, le programme d'ajustement structurel, imposé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, a manifestement fait plus de mal que de bien. Le gouvernement est coincé entre la pression exercée par ces deux institutions mondiales qui exigent l'ajustement structurel, et celle exercée par la résistance déterminée que la Confédération des syndicats éthiopiens oppose aux réductions salariales et aux licenciements dans l'industrie. Le succès de la démocratie en Ethiopie dépendra de sa capacité à susciter une croissance économique durable et un réel développement. Mais un regard réaliste indique que le pays a encore besoin d'une surveillance étroite de la communauté internationale, pour s'assurer que ses dirigeants "nouveau style" se consacreront effectivement à la transformation démocratique de leur pays.
FIN PARTIE 3/6
1. Le vent du changement | 2. La démocratie: mythe ou réalité?
4. Les manifestations de la démocratie: une presse et un
système judiciaire indépendants
5. Les réalités de la globalisation | 6.
Où se trouve l'Afrique à l'approche du nouveau millénaire?
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