ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 345 - 01/05/1998

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Afrique

En route pour le nouveau millénaire - PARTIE 4/6


Un Dossier ANB-BIA, Bruxelles, mars 1998

4. Les manifestations de la démocratie:
une presse et un système judiciaire indépendants

Comme nous l'avons vu plus haut, les années '80 et une partie des années '90 ont été une période de changements dramatiques en Afrique. L'idéalisme qui a annoncé le mouvement originel d'indépendance de l'Afrique est de retour. Dans les premières années qui ont suivi l'indépendance, les dirigeants africains ont perpétué le mythe d'un pouvoir "un homme-un parti", n'hésitant pas à supprimer les opposants politiques et la liberté d'expression et de la presse au nom de l'unité de la nation. Ils s'efforçaient du mieux qu'ils pouvaient de contrôler le seul pouvoir capable de garantir toutes les libertés du pays: le système judiciaire.

Nous avons vu également qu'un jour, le peuple a pris conscience des abus de pouvoir et de l'incompétence de son gouvernement. Un esprit de liberté, encouragé pour diverses raisons par l'Occident, a soufflé sur l'Afrique et le multipartisme démocratique est né.

La liberté d'expression

Sans une véritable liberté de la presse, il n'y a pas de véritable démocratie. La liberté d'expression est venue en une et même pensée, en accord avec le développement d'une vraie démocratie. A côté des médias contrôlés par le gouvernement et des publications plus ambitieuses, de petites publications indépendantes ont commencé à bourgeonner de toutes parts. Certaines étaient de présentation très modeste, de parution irrégulière, mais toutes étaient bien décidées à s'exprimer à "leur" façon. Une presse nouvelle, plus osée, plus radicale et libre faisait son apparition. Ces publications indépendantes étaient la voix du peuple, qui désirait faire entendre son avis dans ce nouveau climat de tolérance et de liberté. Partout, les journalistes osaient utiliser leur franc-parler et rapporter plus objectivement ce qu'ils voyaient et entendaient.

Les "changements de façade"

Dans certains pays africains, la liberté de presse est maintenant devenue une réalité; mais ce n'est malheureusement pas le cas partout. Un rapport publié en 1995 par le directeur de l'Institut international de la presse parle de "changements de façade" réalisés par certains gouvernements africains pour donner l'illusion d'une marche vers la démocratie. Le rapport fait état de changements dans les moyens pour contrôler la presse: "Au lieu d'utiliser la violence ouverte (...) plusieurs gouvernements ont recours aux tribunaux, pour criminaliser les actions des journalistes".

En simulant une attitude libérale, certains gouvernements autorisent des publications indépendantes; mais celles-ci sont sujettes à des règlements et taxes punitifs, à des contrôles sur l'importation du papier journal ou sur les presses et les canaux de distribution.

La liberté de la presse en 1996

Dans un rapport publié le 1er janvier 1996 dans le Bulletin d'Information Africaine (ANB-BIA) sur "La liberté de la presse en Afrique", des journalistes de 29 pays d'Afrique s'exprimaient sur l'évolution de la presse dans leur propre pays. De ces contributions émergent des facteurs communs suivants, qui confirment que la liberté d'expression est le reflet d'une véritable démocratie.

- la liberté de la presse a été respectée pendant la transition;

- la presse indépendante est maintenant soumise à un contrôle très strict et à des pressions occultes de la part de gouvernements qui utilisent une loi sur la presse pour contrôler celle-ci;

- le reportage authentique d'actualités est actuellement interdit. On harcèle et on arrête non seulement les journalistes, mais également ceux qui sont liés à l'édition (les éditeurs de journaux, d'imprimés, etc.). Des éditions entières de journaux et de magazines sont saisis et d'autres interdits définitivement de parution;

- les gouvernements recourent actuellement à des tactiques sournoises de contrôle de la presse. On accorde aux journaux gouvernementaux le monopole sur la publicité, excluant par le fait même la presse indépendante de tout moyen d'existence;

- la multiplication des publications indépendantes, dont certaines de qualité et de contenu douteux, ne servent pas la cause de la liberté de la presse;

- par "liberté", beaucoup de gens comprennent "la liberté de faire n'importe quoi": il semble qu'il faudrait un peu d'éducation au sens des responsabilités.

Au moment de la rédaction du présent dossier, la situation ne semble guère avoir évolué. Les choses ont plutôt empiré et les rapports de journalistes arrêtés en Afrique et de publications suspendues sont fréquents.

Qu'en est-il de l'indépendance judiciaire ?

En ce qui concerne le système judiciaire, l'Afrique de nos jours connaît de nombreux problèmes, dont le principal est l'indépendance du judiciaire face au pouvoir en place. Dans certains pays, la Constitution nationale fait explicitement état de l'indépendance du pouvoir judiciaire; et il faut reconnaître que parfois on pratique une politique délibérée de non-ingérence dans l'exercice des fonctions judiciaires. Mais la mise en pratique varie d'un pays à l'autre, plus spécialement quand il s'agit de la nomination des juges. Très souvent, l'idéal d'une justice tout à fait indépendante demeure... un idéal, même s'il est un fait irréfutable: l'indépendance et l'impartialité judiciaires seront toujours la pierre angulaire de l'exercice de la loi dans une démocratie.

L'indépendance du pouvoir judiciaire dépendra dans une large mesure de la façon dont les juges sont nommés, et de qui ils vont dépendre. Des comités de nominations de différentes natures fonctionnent dans beaucoup de pays sous des appellations diverses: Commission des services judiciaires, Conseil de la magistrature, etc. Ceux-ci sont chargés de soumettre au chef de l'Etat les candidats aux nominations. Mais les membres de ces comités ont souvent eux-mêmes été nommés par le président! Certaines constitutions nationales garantissent l'indépendance du pouvoir judiciaire, mais n'en précisent pas les modalités. Le plus souvent, les membres du judiciaire dépendent du ministère de la Justice - un organe administratif du pouvoir exécutif. Dans la plupart des pays africains, le système judiciaire est une partie intégrante de la fonction publique qui, elle- même, n'est pas indépendante.

L'un des problèmes majeurs de l'administration de la justice en Afrique est, à bien des endroits, le petit nombre de magistrats formés et de juges disponibles pour entendre les causes. Le Togo, par exemple, n'a que 107 juges pour 4,5 millions d'habitants. Au Tchad, un pays dont la superficie atteint 1.248.000 kmý, le pouvoir judiciaire se compose de 120 juges et 400 membres du personnel faisant partie de l'administration de la justice. Le Bénin, avec une population de 5 millions d'habitants, compte 156 juges. En Zambie, la situation est pire encore: il y a 30 juges de la Haute Cour pour tout le pays, dont 14 seulement forment la magistrature assise. Récemment encore, il a fallu envoyer les magistrats en tournée dans les 61 districts du pays pour absorber l'arriéré judiciaire. Au Malawi, le pouvoir judiciaire manque de personnel, souffre d'un système médiocre de conservation des documents, d'un manque de gens qualifiés et d'un arriéré judiciaire important.

FIN PARTIE 4/6


1. Le vent du changement | 2. La démocratie: mythe ou réalité? | 3. L'Afrique et la communauté mondiale
5. Les réalités de la globalisation | 6. Où se trouve l'Afrique à l'approche du nouveau millénaire?

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