ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 345 - 01/05/1998

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Afrique

En route pour le nouveau millénaire - PARTIE 6/6


Un Dossier ANB-BIA, Bruxelles, mars 1998

6. Où se trouve l'Afrique à l'approche du nouveau millénaire?

Personne ne niera que l'Afrique a encore d'énormes problèmes à résoudre. On y trouve toujours la pauvreté, la maladie, la malnutrition, les conflits ethniques, les réfugiés, etc. Mais l'Afrique fait aussi de gros efforts pour trouver des solutions à ses problèmes.

L'OUA

En juin 1997, l'Organisation de l'unité africaine (OUA) a tenu son 33e sommet à Harare, au Zimbabwe. Les dirigeants présents se sont engagés à défendre les droits de l'homme et à rétablir les conditions pour un développement durable. Ils se sont également entendus sur un programme commun pour l'établissement d'une cour africaine des droits de l'homme. Le sommet a relevé plusieurs domaines de conflits potentiels sur le continent africain: le problème alimentaire d'abord, suivi par celui des querelles de territoires issues de frontières imposées, qui découpent des territoires tribaux traditionnels, ainsi que les problèmes liés à une trop grande dépendance à l'égard des solidarités tribales. Le sommet s'est dit préoccupé du fait que les populations rurales, qui constituent 70 % de la population africaine, ne semblent pas avoir compris le sens de la démocratie ni qu'à l'intérieur d'une société démocratique, les individus jouissent de certains droits qui doivent être protégés.

Conçue dans les premiers jours du pan-africanisme, l'OUA visait plutôt une union politique. Mais à la fin des années '50, elle a évolué vers l'idée d'une Communauté d'Etats africains indépendants. En mai 1963, l'empereur Haïlé Sélassié avait persuadé les dirigeants de 30 Etats indépendants d'Afrique de participer à une réunion à Addis Abeba pour signer, le 26 mai 1963, la charte de l'Organisation de l'unité africaine.

Les trois objectifs principaux de la charte de l'OUA (15 pages) étaient: 1. défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale des Etats africains; 2. éradiquer le colonialisme de l'Afrique; 3. promouvoir la coopération internationale dans le respect de la charte de l'ONU et de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

En cette fin de siècle, certains croient qu'il faudrait réécrire la charte de l'OUA, pour y définir les nouvelles formes de colonialisme et fournir un environnement favorable à l'économie de marché et à la démocratisation. Elle devrait définir les conditions nécessaires pour assurer une vie meilleure aux Africains et pour protéger leurs droits sociaux, politiques et économiques.

Les mécontents estiment que l'OUA ne s'est pas clairement associée aux besoins quotidiens des populations en nourriture, eau, habillement, logement et soins de santé. Mais la coopération économique et l'intégration, susceptibles de pourvoir la population en biens de consommation, ne sont praticables que dans un environnement de stabilité et de sécurité.

Peu de temps après le sommet de l'OUA en 1997, son secrétaire général, Salim Ahmed Salim, disait: "Parmi les défis que doit relever l'OUA et le continent en général, se trouvent l'encouragement du développement économique et la consolidation de l'économie par l'application de la loi et du changement. Dorénavant, l'OUA s'opposera fermement à tout groupe ou individu qui renversera un gouvernement démocratiquement élu. Il faut que souffle un vent de changement pour assurer la suprématie de la démocratie en Afrique".

Le régionalisme

L'une des caractéristiques de l'Afrique d'aujourd'hui, c'est la politique de régionalisation. Ce regroupement de pays dans une union politique, économique ou monétaire gagne du terrain sur tout le continent. L'Afrique est en train de faire sien le slogan "Pas d'intégration, pas de salut!", surtout quand on sait que les grands regroupements sont essentiels pour un avenir acceptable.

Prenons le cas de l'Afrique occidentale.

On trouve ici plusieurs facteurs qui favorisent l'intégration, et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) apparaît comme une réponse du type commercial à des besoins réels, et même un impératif pour une coopération régionale.

Les maigres résultats de la CEAO (Communauté économique d'Afrique de l'Ouest) et de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), toutes deux défuntes, victimes de leur propre manque de cohésion et de leurs contradictions internes, sont des expériences qui n'incitent pas nécessairement à l'optimisme. Les Africains de l'Ouest croient, cependant, qu'une intégration est faisable et la création de l'UEMOA en est une preuve éloquente. C'est à bien des égards une expérience d'un nouveau type d'intégration, car contrairement à la CEAO et à la CEDEAO, l'UEMOA possède comme point de départ la proximité géographique et culturelle de ses Etats membres

Bref, c'est un type d'intégration fondé sur des bases solides, qui a le mérite de prendre son essor avec une union monétaire qui pourra finalement mener à une intégration économique.

De l'autre côté du continent, en Afrique de l'Est, le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie se sont rapprochés pour créer une fédération économique et politique, avec un passeport et un drapeau communs, signes d'une intégration plus profonde. Le passeport et le drapeau furent inaugurés en 1997 par les présidents des trois pays concernés, qui s'étaient réunis pour discuter des progrès de la coopération est-africaine, lancée officiellement en 1996, et pour jeter les bases d'un traité formel. Les trois pays sont actuellement liés par un accord qui établit une commission tripartite permanente.

Bien que la coopération actuelle se limite aux trois pays, on prévoit pour l'avenir l'ouverture à d'autres pays voisins, qui font partie géographiquement de l'Afrique orientale.

Depuis la signature de cet accord, le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie tentent d'harmoniser leurs politiques fiscales et monétaires. Parmi d'autres objectifs importants figurent la convertibilité de la monnaie, les consultations pré- et post-budgétaires entre les trois ministres des Finances, la synchronisation du jour budgétaire, des consultations régulières entre banques centrales, et une coopération en matière de dispositions capitales et sécuritaires.

En Afrique australe, on trouve la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) - anciennement "Southern African Development Co-Ordination Conference" (SADCC). Créée en 1979, elle visait à harmoniser le développement économique entre les pays de l'Afrique australe, et à réduire leur dépendance face à l'Afrique du Sud de l'époque. A son 17e sommet à Blantyre (Malawi), en septembre 1997, la SADC a pris des décisions fondamentales visant à l'élargissement de la communauté et à l'établissement d'un calendrier de l'intégration. Le sommet a également signé une déclaration banissant l'usage de mines antipersonnel, signe de son engagement en faveur d'une Afrique australe débarrassée de ces mines. Les dirigeants de la région ont aussi approuvé la création d'un forum parlementaire de la SADC.

Le sommet a en outre décidé à l'unanimité d'admettre deux nouveaux pays à la SADC: les Seychelles et la République démocratique du Congo, qui s'ajoutent aux 12 autres membres: Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Ile Maurice, Malawi, Mozambique, Namibie, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

Que signifie le mot "démocratie"

Le 1er décembre 1997, le secrétaire général de l'OUA, Salim Ahmed Salim, soulignait que les principes fondamentaux de la démocratie étaient universels et s'appliquaient à tous, y compris aux Africains. La difficulté provient de l'application pratique de ces principes. En cette fin de siècle, il est clair que la "démocratie", telle que nous l'entendons en Occident, a échoué dans beaucoup de pays d'Afrique. Une partie du problème réside dans le fait que le mot "démocratie" est ambigu en lui- même: il n'a pas la même signification pour les Européens, les Africains et les Asiatiques. Beaucoup de pays africains ont réalisé, à leurs dépens, que reprendre à leur compte une démocratie à l'occidentale ne fonctionne pas dans leur propre environnement. La démocratie libérale occidentale (multipartisme), prise comme modèle de gouvernement, s'est révélée hautement problématique lorsqu'elle est appliquée dans un pays africain, parce que ce système n'a pas de liens socio-historiques avec la dynamique de la formation sociale africaine.

Certains pays tentent d'expérimenter de nouveaux systèmes politiques qui tiendraient mieux compte de la tradition africaine du consensus. Déjà en 1992, Monseigneur Francis Silota, du Mozambique, dans un article traitant des réalités de la démocratie en Afrique, avait abordé ce problème: "Avant de prendre une décision, un chef traditionnel consulte son peuple par le biais des chefs de clan et de famille. Il est vrai que ce système ne connaît pas de partis d'opposition. Mais tout ce qui est important est discuté au sein du clan ou du groupe familial. Puis, le chef traditionnel écoute ce que les chefs ont à lui dire avant de prendre sa décision. N'est-ce pas là une forme certaine de démocratie?" (cfr ANB-BIA, n§ 227).

En Ouganda, Yoweri Museveni a créé le Mouvement de résistance nationale, qui fonctionne sur la base d'un système sans partis et repose en grande partie sur les gouvernement locaux, appelés "conseils de résistance". Ces conseils sont construits suivant une structure pyramidale hiérarchique. De cette façon, ils fonctionnent au niveau de paroisses (civiles), de conseils de sous-comté, des conseils et des districts. Le pouvoir est ainsi décentralisé et la prise de décision remonte à partir de la base.

Un autre système appelé "tinkhundla", fonctionne au Swaziland. "Tinkhundla" est un centre, un endroit où se réunit le peuple. C'est un système traditionnel d'administration qui met l'accent sur la reconnaissance d'un pouvoir politique des masses rurales. Des conseils locaux (élus aux termes d'un système électoral sans parti) décident de la politique dans leur propre région et planifient même leur propre développement.

Quelle que soit la manière dont l'Afrique vivra sa démocratie dans les années à venir, une chose est sûre. La ruée folle vers la globalisation indique que les pays, surtout ceux d'Afrique, doivent définir leurs propres modèles de développement et de démocratie avant d'entrer dans le troisième millénaire.

FIN DU DOSSIER


1. Le vent du changement | 2. La démocratie: mythe ou réalité? | 3. L'Afrique et la communauté mondiale
4. Les manifestations de la démocratie: une presse et un système judiciaire indépendants
5. Les réalités de la globalisation

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